Imaginez : l’université la plus prestigieuse et la plus riche du monde vient discrètement de faire du Bitcoin son premier actif coté déclaré. Pas une start-up californienne, pas un fonds spéculatif de Dubaï, mais Harvard. Et pas une petite ligne : +257 % en un seul trimestre.
Quand Harvard parie plus gros sur Bitcoin que sur l’or
Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Selon les documents déposés auprès de la SEC pour le troisième trimestre 2024, le fonds de dotation de Harvard (Harvard Management Company) a porté sa position sur l’iShares Bitcoin Trust (IBIT) de BlackRock à un niveau tel que le BTC représente désormais environ 0,75 % de ses 53 milliards de dollars d’actifs. C’est énorme pour un endowment aussi conservateur.
Pour mettre cela en perspective : Harvard détient désormais deux fois plus en exposition Bitcoin qu’en ETF or. Oui, vous avez bien lu. L’actif numérique sans rendement, sans dividende, souvent qualifié de « tulipe 2.0 » par ses détracteurs, pèse aujourd’hui plus lourd dans le portefeuille de l’une des institutions les plus respectées de la planète que le métal jaune millénaire.
Un timing qui interroge
Le plus surprenant ? Cette accumulation massive s’est déroulée entre juillet et septembre 2024… juste avant la correction qui a fait chuter le Bitcoin de ses sommets à environ 91 000 $ aujourd’hui. Autrement dit, Harvard a acheté au pire moment si l’on regarde le cours spot. Ou au meilleur moment si l’on croit à une vision long terme.
Matt Hougan, directeur des investissements de Bitwise, résume parfaitement la situation :
« Harvard a littéralement alloué au Bitcoin deux fois plus qu’à l’or. C’est un signal extrêmement fort venant de l’institution la plus regardée du monde académique. »
Pourquoi maintenant ? Les trois hypothèses qui circulent
Dans les cercles d’investissement institutionnel, trois grandes théories tentent d’expliquer ce mouvement inattendu.
- La couverture contre l’effondrement du système monétaire
Certains professeurs, dont Joshua Rauh de Stanford, voient Bitcoin et or comme des « assurances » contre une dévaluation massive du dollar ou une crise de confiance dans les monnaies fiat. - La diversification extrême
Avec des rendements obligataires réels négatifs et des actions à des valorisations historiques, les endowments cherchent des actifs décorrélés. Bitcoin, avec sa corrélation encore faible sur le très long terme, répond à ce besoin. - Le FOMO institutionnel discret
Après avoir raté la première vague (2017-2021), les grands fonds ne veulent plus être à la traîne. Voir Yale, Stanford et maintenant Harvard franchir le pas crée un effet domino.
Kenneth Rogoff, l’économiste qui a dû ravaler ses mots
L’histoire la plus savoureuse reste celle de Kenneth Rogoff. Ce professeur d’Harvard, ancien chef économiste du FMI, avait prédit en 2017 que le Bitcoin vaudrait « une fraction de son prix dans dix ans » une fois que les régulateurs s’attaqueraient au blanchiment. Huit ans plus tard, il vient d’admettre publiquement s’être trompé.
Plus fort encore : il déclare aujourd’hui ne pas avoir anticipé qu’un jour « des institutions aussi respectables que Harvard » pourraient détenir massivement des cryptos sans que cela ne pose de problème déontologique majeur. Le retournement est total.
Les critiques n’ont pas désarmé
Évidemment, tout le monde n’applaudit pas. Brett Arends, chroniqueur à MarketWatch, parle d’une « catastrophe environnementale » en pointant la consommation électrique du réseau Bitcoin. Darrell Duffie, professeur à Stanford, s’étonne qu’on investisse dans un actif « qui ne paie aucun dividende et sert peu aux paiements ».
Même au sein performance des endowments, Harvard ne brille plus comme avant : 8,2 % annualisé sur dix ans, soit neuvième sur dix parmi les Ivy League. Certains y voient la preuve que l’université cherche le coup de poker pour rattraper son retard.
Comparatif rapide des allocations alternatives (T3 2024)
| Actif | Harvard | Moyenne Ivy League |
| Private Equity | 39 % | 35 % |
| Hedge Funds | 24 % | 28 % |
| Bitcoin (via ETF) | 0,75 % | < 0,1 % |
| Or (via ETF) | ~0,35 % | 0,4 % |
Et maintenant ?
Le marché, lui, reste nerveux. Les ETF Bitcoin enregistrent des sorties nettes depuis plusieurs semaines. Une large partie des détenteurs particuliers sont actuellement en perte latente. Les options massives expirent autour des 100 000 $, créant une résistance technique.
Mais les institutionnels, eux, continuent d’accumuler en silence. Après les fonds de pension du Wisconsin et du Michigan l’an dernier, après les family offices norvégiens et singapouriens, c’est au tour de la référence absolue en matière d’éducation supérieure de passer à l’acte.
Lorsque Harvard bouge, le monde regarde. Et souvent, le monde suit.
Le message est clair : même l’institution la plus conservatrice et la plus scrutée de la planète considère désormais le Bitcoin comme un actif légitime dans un portefeuille diversifié de plusieurs dizaines de milliards. Ce n’est plus une question de if, mais de how much.
La révolution est en marche. Et elle porte l’écusson de Harvard.









