Imaginez une université où l’on célèbre officiellement l’anniversaire du 7 octobre 2023 comme un « tournant historique qui a relevé l’honneur de la Oumma ». Où les étudiants scandent « Al-Aqsa est notre honneur ! » entre deux « Allahu akbar ». Où le recteur rend hommage au chef du Hamas assassiné en le qualifiant de martyr. Et maintenant, imaginez que cette même université continue de toucher des fonds européens via Erasmus+ et le Corps européen de solidarité jusqu’en 2027. Cela semble invraisemblable ? C’est pourtant la réalité de l’Université islamique des sciences et technologies de Gaziantep (GIBTU), en Turquie.
Une université qui ne cache pas son soutien au Hamas
Le 8 octobre 2025, soit un jour après le deuxième anniversaire des massacres du 7 octobre, les étudiants et le personnel de la GIBTU ont organisé une commémoration officielle de l’opération « Déluge d’Al-Aqsa ». Le communiqué publié sur le site de l’université est sans ambiguïté : il s’agit de célébrer « la résistance » et « l’honneur retrouvé de la communauté musulmane mondiale ».
Quelques semaines plus tôt, le recteur Sehmus Demir participait à un événement avec des activistes de la Flottille Sumud, connue pour ses tentatives de rupture du blocus de Gaza. Les slogans affichés sur le campus ne laissaient aucun doute : « Salutations au Hamas, continuez la résistance ! », « Intifada mondiale », « Du fleuve à la mer, la Palestine sera libre ».
« Que le Seigneur accepte ton martyr… »
Le recteur de la GIBTU rendant hommage à Ismaïl Haniyeh, chef politique du Hamas, après son élimination en juillet 2024
Des financements européens renouvelés malgré les alertes
Depuis 2021, cette université bénéficie de la Charte Erasmus 2021-2027. Cela lui permet d’envoyer et de recevoir étudiants et enseignants dans toute l’Europe, mais aussi de piloter des projets financés par Bruxelles. Malgré les révélations successives depuis 2023, la Commission européenne a renouvelé ce sésame pour la quatrième fois consécutive en 2025.
Plus fort encore : en février 2025, la GIBTU s’est vue confier la coordination d’un projet Erasmus+ intitulé « Oneness in diversity » destiné à lutter contre la xénophobie et l’islamophobie. Objectif affiché : enseigner « l’empathie, la tolérance et la compréhension interculturelle » à 53 jeunes Européens. Ironie maximale quand on sait que l’un des intervenants était un ancien responsable du FEMYSO, organisation proche des Frères musulmans.
Interrogée, la Commission avait tenté une explication alambiquée : le bénéficiaire ne serait pas l’université mais « un groupe de jeunes utilisant le même sigle GIBTU ». Problème : tous les documents officiels, photos et publications portent le logo et le nom complet de l’université islamique, sans aucune mention d’une entité distincte.
Un contrôle délégué… à l’agence d’Erdogan
En Turquie, c’est l’agence nationale dépendant du ministère des Affaires étrangères qui gère les fonds Erasmus+. Son directeur, Ilker Astarci, a été nommé directement par Recep Tayyip Erdogan. C’est à cette même agence que Bruxelles a confié, en 2024, la mission d’enquêter sur « l’affaire GIBTU » après les premières révélations.
Résultat ? L’enquête traîne depuis plus d’un an. Pendant ce temps, l’agence turque félicitait publiquement le recteur pour son « travail dévoué ». Et en août 2025, elle renouvelait sans sourciller les accréditations Erasmus+ et Corps européen de solidarité de l’université jusqu’en 2027.
Chronologie des renouvellements Erasmus+ pour la GIBTU :
- 2021 → Charte Erasmus 2021-2027 accordée
- 2023 → Premier renouvellement malgré les premières alertes
- 2024 → Deuxième renouvellement + accès Corps européen de solidarité
- Fév. 2025 → Coordination projet anti-islamophobie
- Août 2025 → Troisième renouvellement des programmes mobilité
- Oct. 2025 → Quatrième renouvellement jusqu’en 2027
Des invités qui en disent long sur l’orientation idéologique
Les 22 et 24 octobre 2025, la GIBTU organisait son 2e Forum international sous le titre « Où va le monde islamique ? Perspectives pour un futur plus fort ». Parmi les intervenants :
- Safi Arpagus, président de la Diyanet (affaires religieuses turques), directement rattaché à Erdogan
- Ali al-Qaradaghi, secrétaire général de l’Union internationale des savants musulmans (IUMS), organisation qatarie classée terroriste par plusieurs pays arabes
- Le directeur de l’agence nationale turque Erasmus+
Les discours étaient clairs : appel à l’unité islamique mondiale, dénonciation d’Israël comme État « tyrannique et barbare », glorification de la « résistance » palestinienne. Tout cela sous l’œil bienveillant des autorités turques… et avec l’argent des contribuables européens.
Le double standard européen en pleine lumière
Pendant que la Commission européenne maintient l’exclusion de 21 universités hongroises d’Erasmus+ depuis 2022 (motif : présence de personnalités politiques dans leurs conseils d’administration), elle ferme les yeux sur une université dont le recteur est nommé directement par Erdogan et qui célèbre ouvertement une organisation terroriste.
Le contraste est saisissant. D’un côté, on sanctionne Budapest pour « manque d’indépendance académique ». De l’autre, on finance une institution où l’on enseigne que l’homosexualité est une maladie (ancien recteur), où l’on convertit des mineurs en direct à la télévision, et où l’on organise des conférences avec des figures classées terroristes par plusieurs États.
« À moins que Gaza ne soit en sécurité, ni Israël ni aucune partie du monde ne le seront »
Recteur Sehmus Demir, décembre 2023
Pourquoi cette persistence aveugle ?
Plusieurs hypothèses circulent. Certains y voient la volonté de maintenir la Turquie dans l’orbite européenne malgré l’arrêt officiel des négociations d’adhésion. D’autres pointent la peur de froisser Ankara dans le contexte migratoire ou en mer Égée. D’autres encore parlent d’une forme de naïveté idéologique : croire que financer des projets « d’inclusion » avec des acteurs islamistes modérerait leurs discours.
Le résultat est là : des millions d’euros continuent d’être versés à des structures qui promeuvent une vision du monde radicalement opposée aux valeurs que l’Union prétend défendre. Et pendant ce temps, des universités européennes peinent à boucler leurs budgets d’échanges étudiants.
Le scandale de la GIBTU n’est pas qu’une anecdote turque. C’est le symptôme d’une Europe qui semble avoir perdu le sens des priorités, et parfois même le sens du ridicule. Quand on finance avec l’argent du contribuable une université qui célèbre le 7 octobre, on finance aussi, indirectement, la propagande qui l’accompagne.
Et demain ? Rien n’indique que la Commission européenne changera de cap. Les renouvellements se font dans l’opacité, les enquêtes traînent, et les slogans « From the river to the sea » résonnent toujours sur le campus de Gaziantep, sous le regard distant, mais généreux, de Bruxelles.
Une chose est sûre : tant que ce double discours perdurera, la crédibilité de l’Union européenne auprès de ses citoyens continuera de s’effriter. Et les étudiants européens qui planteront des arbres avec leurs camarades turcs dans le cadre d’Erasmus+ sauront-ils vraiment avec qui ils partagent leurs idéaux d’« empathie et de tolérance » ?









