Imaginez la scène : un athlète français, tout juste sacré champion du monde sur 10 000 m, qui hésite encore il y a quelques jours à participer aux Championnats d’Europe de cross. Et puis, un week-end à Genève, une victoire nette et sans appel, et soudain tout bascule. Jimmy Gressier a décidé : il sera bien au départ le 14 décembre à Lagoa, au Portugal. Et quand on regarde le plateau, une question s’impose immédiatement : et s’il allait tout rafler ?
Le déclic genevois qui a tout changé
Dimanche dernier, la traditionnelle Course de l’Escalade à Genève a offert un spectacle inattendu. Jimmy Gressier, qui n’avait plus couru en compétition depuis plusieurs mois, a littéralement survolé l’épreuve. Parti prudemment, il a progressivement accéléré pour terminer largement détaché. Un scénario qui rappelle ses grandes heures sur piste, mais cette fois sur un parcours vallonné et exigeant.
Ce succès n’était pas anodin. Le Boulonnais l’avait lui-même annoncé : cette course servirait de test grandeur nature. Deux mois de reprise, un stage à Font-Romeu, beaucoup d’incertitudes sur sa forme réelle en cross… Il lui fallait des repères concrets. Et les repères, il les a eus. Largement.
« J’ai pris ma décision aussi tardivement car j’avais besoin d’avoir des repères sur mon niveau de forme. J’ai repris depuis deux mois l’entraînement, ça se passe bien mais il fallait voir en compétition ce que je valais. »
Jimmy Gressier, quelques heures après Genève
Un palmarès qui parle pour lui
À 28 ans, Jimmy Gressier n’est plus un espoir. C’est une réalité du fond européen. Trois titres consécutifs chez les espoirs aux Championnats d’Europe de cross (2017, 2018, 2019), plusieurs médailles chez les seniors par équipes, et désormais ce titre mondial sur 10 000 m conquis avec une autorité impressionnante. Le cross, c’est son jardin d’enfance. Il y a grandi, s’y est révélé, et semble y revenir avec une maturité nouvelle.
Ses mots après Genève sont révélateurs : il veut « revivre les mêmes émotions » que lors de ses sacres espoirs. Mais cette fois chez les grands. L’ambition est claire, assumée, presque provocante.
Un plateau décimé qui lui ouvre grand la porte
Le destin semble s’aligner parfaitement. Jakob Ingebrigtsen, initialement annoncé, a finalement déclaré forfait. Le Norvégien, double tenant du titre et machine à gagner, laissait déjà planer le doute depuis plusieurs semaines. Isaac Kimeli, autre client sérieux, a lui aussi renoncé. Résultat : le chemin vers l’or individuel s’éclaircit brutalement.
Parmi les engagés restants, peu semblent en mesure de contester la supériorité actuelle de Gressier sur ce type de terrain. Les Britanniques ont une équipe solide, les Espagnols seront chez eux (même si le parcours portugais est proche), mais individuellement, le Français fait figure d’épouvantail.
Les principaux adversaires potentiels :
- Yann Schrub (France) – en grande forme mais coéquipier
- Thierry Ndikumwenayo (Espagne) – ancien Burundais naturalisé, très dangereux
- Aras Kaya (Turquie) – médaillé en 2022
- Mahamed Mahamed (Grande-Bretagne) – révélation récente
L’équipe de France, plus forte que jamais
Mais Jimmy Gressier ne vient pas seul. L’équipe de France seniors hommes présente probablement sa plus belle composition depuis des années. Hugo Hay, Fabien Palcau, Simon Bédard, Valentin Bresc, Luc Le Baron… Tous sont en forme, tous ont montré de belles choses cet automne. L’objectif collectif est affiché sans détour : ramener le titre par équipes, chose que la France n’a plus réalisée depuis 2019.
Sur le papier, les Bleus ont les armes. Sur le terrain boueux de Lagoa, il faudra transformer l’essai. Mais avec un leader comme Gressier capable d’aller chercher une médaille individuelle haute, les compteurs peuvent grimper très vite.
Lagoa, un parcours taillé pour les puncheurs
Le site portugais n’est pas inconnu des spécialistes. Organisateur régulier d’événements internationaux, Lagoa propose un parcours roulant mais exigeant, avec des relances permanentes et des passages techniques. Exactement le type de tracé où Jimmy Gressier excelle : assez rapide pour utiliser sa pointe de vitesse, assez dur pour user les adversaires à l’usure.
Les conditions météo annoncées – ciel dégagé, autour de 15-18°C – devraient également convenir au Français, habitué à performer dans des températures modérées. Tout semble réuni.
La pression ? Il connaît depuis longtemps
On pourrait penser qu’avec le statut de favori numéro 1, la pression monte. Jimmy Gressier, lui, semble étrangement serein. Peut-être parce qu’il a déjà vécu cela. Peut-être parce qu’il sait exactement où il va. Ses déclarations récentes montrent une maturité rare : il parle d’humilité, de travail, de progression constante.
« J’ai envie d’aller chercher un titre en individuel et par équipes. On va essayer de revivre les mêmes émotions qu’à l’époque où j’ai gagné chez les espoirs. »
Cette phrase résume tout. Il ne vient pas pour participer. Il vient pour gagner. Et quand Jimmy Gressier dit ça, on a tendance à le croire.
Et après ? Un hiver chargé et des objectifs lointains
Cette participation aux Europe de cross n’est qu’une étape. Derrière, il y a les Championnats de France en mars, puis la préparation pour la saison sur piste avec, en ligne de mire, les Mondiaux de Tokyo en septembre 2025. Défendre son titre sur 10 000 m, pourquoi pas tenter le doublé 5 000-10 000 m… Le Boulonnais voit grand.
Mais avant cela, il y a Lagoa. Un rendez-vous qui pourrait marquer un tournant. Premier titre continental chez les seniors en cross ? Première grande démonstration post-titre mondial ? Les deux à la fois ?
Une chose est sûre : le 14 décembre prochain, des milliers de supporters français auront les yeux rivés sur ce parcours portugais. Et quelque chose nous dit qu’ils risquent de vivre une très belle journée.
Rendez-vous le 14 décembre à Lagoa
Jimmy Gressier peut-il réussir le carton plein ? Réponse dans moins d’une semaine.
En attendant, le cross français vit peut-être ses plus belles heures depuis longtemps. Et ça, franchement, ça fait plaisir à voir.









