Stupeur et tremblement : le soir du 7 juillet 2024, les Français découvrent avec surprise les résultats définitifs des élections législatives anticipées. Contre toute attente, c’est le Nouveau Front populaire (NFP), réunissant les principaux partis de gauche, qui s’impose comme la première force à l’Assemblée nationale. Pourtant, avec environ 190 sièges, cette alliance hétéroclite est loin d’atteindre la majorité absolue de 289 députés. Un sacré casse-tête en perspective pour former un gouvernement stable, d’autant que le camp présidentiel et le Rassemblement national talonnent la gauche avec respectivement 160 et 140 élus…
Les cartes politiques rebattues
Ces législatives surprises sont un véritable séisme politique. Elles viennent totalement rebattre les cartes et plongent le pays dans une période d’incertitude. Car même victorieuse, l’union de la gauche apparaît fragile. Ses différentes composantes, de La France insoumise de Jean-Luc Mélenchon au Parti socialiste, en passant par les écologistes, vont maintenant être mises au défi de surmonter leurs profondes divergences idéologiques et leurs ambitions personnelles.
De son côté, le camp présidentiel sort affaibli de ce scrutin. La République en Marche (devenue Renaissance) et ses alliés perdent leur majorité absolue. Ils vont devoir composer avec d’autres forces politiques pour tenter de former une nouvelle coalition gouvernementale.
Quant au Rassemblement national, il n’atteint pas ses objectifs malgré une forte progression. Le parti de Marine Le Pen espérait remporter ces élections et obtenir une majorité. C’est donc une déception, même s’il devient la troisième force politique à l’Assemblée.
La dissolution, un pari très risqué
En décidant de dissoudre l’Assemblée nationale après sa réélection en 2024, Emmanuel Macron a voulu jouer un coup de poker politique. Conforté par sa victoire à la présidentielle, il espérait obtenir une majorité stable pour son second mandat. Mais ce pari s’avère aujourd’hui très risqué.
Les Français ont envoyé un message fort : ils ne veulent pas donner tous les pouvoirs à un seul camp. Au contraire, ils souhaitent un rééquilibrage et obligent les forces politiques à dialoguer et à trouver des compromis. Un exercice auquel les partis français ne sont guère habitués sous la Ve République…
Il doit y avoir un avant et un après 7 juillet
– Olivier Faure, Premier secrétaire du Parti socialiste
L’hypothèse d’un Premier ministre de gauche
Au lendemain de ce scrutin historique, la question brûlante est évidemment : qui pour diriger le prochain gouvernement ? Fort de sa victoire, le Nouveau Front populaire réclame logiquement que le Premier ministre soit issu de ses rangs. Mais les négociations s’annoncent intenses pour accorder les violons de la gauche plurielle.
D’après les règles de la “jurisprudence républicaine”, c’est au groupe le plus nombreux de fournir le chef du gouvernement. Ce qui donnerait l’avantage à La France insoumise et à Jean-Luc Mélenchon. Mais beaucoup à gauche craignent qu’une telle personnalité clivante à Matignon ne soit source de blocages et de conflits permanents avec le président Macron.
L’hypothèse d’un Premier ministre issu du Parti socialiste ou des écologistes semble donc tenir la corde. Avec comme premier défi de rassembler une majorité stable pour engager les réformes promises, dans un contexte social très tendu, notamment autour de la question des retraites.
Vers une crise politique à la Française ?
Si aucun accord de gouvernement n’est trouvé, le pays pourrait bien s’engager dans une période de fortes turbulences politiques. Avec un parlement morcelé, où aucun camp n’a de majorité claire, on retrouverait presque l’ambiance de la IVe République et de ses coalitions instables.
Emmanuel Macron a déjà prévenu qu’il n’entendait pas devenir un président “inerte ou impuissant”. Il pourrait être tenté de recourir à nouveau à l’arme de la dissolution pour tenter de rebattre les cartes. Au risque de provoquer une lassitude des électeurs, déjà largement démobilisés lors de ces dernières législatives…
Bref, la France semble partie pour vivre de longs mois d’incertitude et d’instabilité politique. Une situation inquiétante alors que le pays fait face à de nombreux défis économiques et sociaux et qu’il doit se préparer à accueillir les Jeux olympiques de Paris dans seulement trois semaines. Les génies politiques français sauront-ils trouver un chemin de gouvernance dans cet inextricable labyrinthe parlementaire ? Réponse dans les prochaines semaines.