Imaginez passer seize années de votre vie à savoir que chaque matin pourrait être le dernier. Seize années à attendre une exécution qui ne vient jamais, mais qui plane comme une ombre permanente. C’est exactement ce qu’a vécu Siegfried Mets, un Néerlandais aujourd’hui âgé de 74 ans, depuis sa condamnation à mort en 2008 en Indonésie.
Un départ aussi soudain qu’inattendu
Lundi après-midi, les portes de la prison de Cipinang, à l’est de Jakarta, se sont ouvertes pour lui. Pas pour une énième audience, pas pour un transfert interne, mais pour un départ définitif vers les Pays-Bas. Un journaliste présent sur place a vu l’homme de 74 ans monter dans un véhicule officiel, direction l’aéroport international Soekarno-Hatta.
Il n’était pas seul. Ali Tokman, 65 ans, condamné à perpétuité après une peine de mort commuée, a rejoint le même convoi. Les deux hommes doivent embarquer à 19 h 25 sur un vol KLM à destination d’Amsterdam. Leur détention sera officiellement transférée aux autorités néerlandaises dès l’ atterrissage.
Des délits très lourds dans un pays intraitable
Pour comprendre l’ampleur de l’événement, il faut revenir sur les faits. En 2008, Siegfried Mets a été arrêté avec 600 000 pilules d’ecstasy dissimulées dans son bagage. Une quantité industrielle qui lui a valu la peine capitale dans un pays qui possède l’une des législations antidrogue les plus sévères au monde.
Ali Tokman, lui, a été intercepté en 2015 avec plus de six kilogrammes de MDMA. Condamné à mort dans un premier temps, sa peine a ensuite été ramenée à la prison à vie. Deux parcours différents, mais une même issue ce lundi : la sortie définitive du système pénitentiaire indonésien.
« Ici ils relèvent du droit indonésien ; aux Pays-Bas, ils relèveront du droit néerlandais »
Adriaan Palm, chef de mission adjoint de l’ambassade des Pays-Bas à Jakarta
Un accord humanitaire signé en urgence
L’accord a été finalisé la semaine dernière entre les ministères de la Justice des deux pays. Motif officiel : raisons humanitaires. L’âge avancé de Siegfried Mets (74 ans) et l’état de santé d’Ali Tokman ont visiblement pesé dans la balance.
Ce n’est pas la première fois que Jakarta accepte ce type de transfert. L’année dernière, le Français Serge Atlaoui, lui aussi condamné à mort pour trafic de drogue, avait bénéficié d’une mesure similaire après des années de mobilisation diplomatique.
Ces gestes restent cependant rares et très encadrés. Plus de quatre-vingt-dix étrangers croupissent encore dans le couloir de la mort indonésien, tous pour des affaires liées aux stupéfiants.
Que va-t-il se passer une fois aux Pays-Bas ?
C’est la grande question que tout le monde se pose. Les peines indonésiennes ne sont pas automatiquement converties en peines néerlandaises. Selon la convention de Strasbourg sur le transfert des personnes condamnées (1983), les Pays-Bas peuvent adapter la sanction au cadre légal national.
Dans les faits, les personnes transférées pour « raisons humanitaires » se voient souvent libérer rapidement ou placer en régime de semi-liberté, surtout lorsqu’elles ont déjà purgé de très longues peines et qu’elles présentent un risque faible de récidive.
À 74 ans et après seize ans de détention dans des conditions très dures, Siegfried Mets a de fortes chances de retrouver une liberté totale dans les mois qui viennent. Idem pour Ali Tokman, dont la perpétuité indonésienne pourrait se transformer en quelques années supplémentaires tout au plus.
Un signal diplomatique fort
Au-delà des deux hommes, ce rapatriement envoie un message. L’Indonésie, sous la présidence de Prabowo Subianto, semble assouplir légèrement sa ligne ultra-rigueur sur les dossiers étrangers tout en maintenant sa fermeté intérieure.
Les exécutions de trafiquants continuent (plusieurs ont eu lieu ces dernières années), mais Jakarta accepte désormais, au cas par cas, de transférer certains condamnés occidentaux lorsque la pression diplomatique et l’argument humanitaire sont réunis.
Les Pays-Bas, qui avaient fait du dossier Mets une priorité absolue depuis des années, marquent un succès diplomatique discret mais important.
Un épilogue qui laisse songeur
Dans quelques heures, deux hommes qui pensaient mourir en prison poseront le pied sur le sol néerlandais. L’un après seize ans d’attente face à la mort, l’autre après avoir échappé à l’exécution de justesse.
Ils laisseront derrière eux des dizaines d’autres étrangers toujours condamnés à mort en Indonésie, dont le sort reste incertain. Leur histoire rappelle à quel point la justice pénale peut varier d’un pays à l’autre, et combien l’âge, la nationalité et la persévérance diplomatique peuvent parfois faire basculer un destin.
Pour Siegfried Mets et Ali Tokman, le cauchemar semble enfin terminé. Pour d’autres, il continue.









