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Nigeria : 100 Écoliers Libérés Après un Kidnapping Terrifiant

Cent élèves d’une école catholique au Nigeria viennent d’être libérés après un terrible enlèvement. Leur calvaire est fini… mais plus de 160 autres personnes, dont des enseignants, sont toujours aux mains des ravisseurs. Comment ce fléau est-il devenu une industrie florissante ?

Imaginez l’angoisse d’une famille qui envoie son enfant à l’école un matin ordinaire… et qui apprend quelques heures plus tard que le pensionnat entier a été vidé par des hommes armés. Au Nigeria, cette scène n’a rien d’un cauchemar isolé : elle fait partie du quotidien de milliers de parents depuis plus de dix ans.

Le 21 novembre dernier, dans le petit village de Papiri, dans l’État du Niger, plus de trois cents élèves et une douzaine d’enseignants de l’école catholique Saint Mary ont été emportés en pleine nuit. Aujourd’hui, une lueur d’espoir : une centaine d’enfants viennent d’être libérés.

Une libération confirmée, mais entourée de zones d’ombre

La nouvelle a été annoncée simultanément par une source onusienne et par la présidence nigériane. Les enfants, épuisés mais vivants, ont été transférés à Abuja et doivent être remis ce lundi aux autorités locales. Aucun détail n’a filtré sur les circonstances exactes de leur libération : négociation, paiement de rançon, opération militaire ? Le silence est total.

Cette discrétion n’a rien de surprenant. Au Nigeria, les autorités évitent souvent de reconnaître le versement de rançons, pourtant pratique courante. Les familles, elles, savent que chaque jour passé en captivité augmente la facture exigée par les ravisseurs.

« On a prié et attendu leur retour. Si c’est vrai, c’est une nouvelle réconfortante »

Daniel Atori, porte-parole de l’évêque de Kontagora

Même l’Église catholique, directement concernée, n’a reçu aucune communication officielle du gouvernement fédéral à l’heure où ces lignes sont écrites. L’incertitude reste lourde.

Un enlèvement parmi des centaines d’autres

Sur les 315 personnes initialement kidnappées à Papiri, une cinquantaine avait réussi à s’échapper dans les heures suivant l’attaque. Les 100 enfants libérés portent donc le nombre de rescapés à environ 150. Mais plus de 165 élèves et enseignants manquent toujours à l’appel.

Ce drame n’est malheureusement pas isolé. Le mois de novembre a été particulièrement meurtrier : plus de 400 Nigérians – écolières musulmanes, fidèles évangéliques, agriculteurs, une mariée avec ses demoiselles d’honneur – ont été enlevés en seulement quinze jours.

Ces chiffres donnent le vertige et révèlent l’ampleur d’un phénomène qui dépasse largement le fait divers.

Des « bandits » qui se sont professionnalisés

Dans le nord-ouest et le centre du Nigeria, les groupes criminels surnommés « bandits » ont transformé l’enlèvement contre rançon en véritable industrie. Selon le cabinet SBM Intelligence, ce secteur aurait généré plus de 1,66 million de dollars rien qu’entre juillet 2024 et juin 2025.

Ces gangs ne sont plus de simples délinquants opportunistes. Ils disposent de réseaux logistiques, de camps retranchés dans d’immenses forêts, et parfois même de complicités au sein des forces de sécurité. Leur modèle économique est rodé : repérage de cibles solvables, attaque éclair, négociation parallèle avec les familles et l’État, libération échelonnée.

Les écoles, notamment les pensionnats privés ou religieux, représentent des cibles idéales : des centaines d’enfants réunis au même endroit, des familles prêtes à tout pour les récupérer.

Le traumatisme de Chibok, dix ans après

Le monde entier se souvient des 276 lycéennes de Chibok enlevées par Boko Haram en avril 2014. Le hashtag #BringBackOurGirls avait alors fait le tour de la planète. Dix ans plus tard, près de 90 d’entre elles n’ont toujours pas été retrouvées.

Ce qui a commencé comme une arme terroriste idéologique s’est peu à peu transformé en business criminel pur. Les jihadistes du nord-est et les bandits du nord-ouest utilisent aujourd’hui les mêmes méthodes, avec une différence notable : les premiers veulent imposer leur vision de l’islam, les seconds ne veulent que de l’argent.

Mais pour les familles, la motivation des ravisseurs importe peu. Le résultat est le même : des enfants arrachés à leur enfance.

Une insécurité à plusieurs visages

Le Nigeria, pays le plus peuplé d’Afrique avec plus de 230 millions d’habitants, est coupé en deux par une fracture religieuse et culturelle : un nord majoritairement musulman, un sud majoritairement chrétien. Cette ligne de fracture est souvent instrumentalisée pour expliquer la violence.

Pourtant, la réalité est plus complexe. Les attaques des bandits ne font pas de distinction confessionnelle : églises, mosquées, villages animistes, marchés, routes… tout le monde est touché. Les victimes sont aussi bien chrétiennes que musulmanes.

Des experts indépendants et le gouvernement nigérian lui-même rejettent l’idée d’une persécution religieuse ciblée, malgré certaines déclarations venues de l’étranger.

Quand la géopolitique s’invite dans le drame

Récemment, le président américain Donald Trump a placé le Nigeria sur la liste des pays particulièrement préoccupants en matière de liberté religieuse. Il a évoqué une « menace existentielle » pesant sur les chrétiens et n’a pas exclu une intervention militaire.

Cette prise de position a été accueillie avec froideur à Abuja. Les autorités nigérianes estiment que le problème est avant tout criminel et non confessionnel, et que le présenter autrement risque d’attiser les tensions communautaires déjà vives.

Sur le terrain, les communautés chrétiennes et musulmanes vivent souvent le même cauchemar et tentent parfois de s’organiser ensemble pour protéger leurs écoles et leurs villages.

Que reste-t-il aux familles ?

Pour les parents des 100 enfants libérés, c’est un miracle. Pour ceux des 165 toujours portés disparus, c’est l’attente insupportable. Beaucoup vendent leurs biens, s’endettent lourdement, parfois jusqu’à hypothéquer leur maison pour payer les rançons.

D’autres choisissent de ne plus scolariser leurs enfants, surtout les filles, par peur d’un nouvel enlèvement. Dans certaines régions du nord-ouest, des écoles entières sont restées fermées des mois durant.

L’éducation, déjà fragile dans ces zones rurales, recule à grands pas.

Vers une réponse globale ou un enlisement sans fin ?

Face à cette spirale, les réponses de l’État nigérian peinent à convaincre. Des opérations militaires sont régulièrement lancées, mais les forêts immenses et le relief accidenté offrent des caches idéales aux bandits.

Certains gouverneurs d’État du nord ont tenté des négociations directes avec les chefs de gangs, allant jusqu’à signer des accords de paix et verser des sommes importantes pour acheter la tranquillité. Résultat mitigé : les trêves sont souvent rompues dès que l’argent vient à manquer.

Au-delà des armes et des négociations, c’est tout un modèle de développement qui fait défaut : pauvreté extrême, chômage massif des jeunes, État quasi absent dans certaines zones rurales. Tant que ces causes profondes ne seront pas attaquées, les « bandits » trouveront toujours de nouvelles recrues.

En attendant, des centaines de familles nigérianes retiennent leur souffle. Les 100 enfants de Papiri rentrent chez eux. Mais demain, une autre école pourrait être prise d’assaut.

Et le cycle infernal continuera.

À retenir
– 100 élèves libérés sur 315 enlevés le 21 novembre
– Plus de 165 personnes toujours otages
– Le kidnapping contre rançon est devenu une industrie générant des millions de dollars
– Le phénomène touche toutes les communautés, sans distinction religieuse
– Sans réponse structurelle, le fléau risque de perdurer des années encore

Derrière chaque statistique, il y a un enfant qui a passé des semaines dans la peur, une mère qui n’a pas dormi, un père qui a tout vendu pour sauver son fils ou sa fille. La libération de ces 100 écoliers est une immense victoire. Mais elle ne doit pas faire oublier ceux qui attendent encore.

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