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Ouganda : Bobi Wine Attaqué en Plein Meeting par les Forces de Sécurité

À Gulu, Bobi Wine affirme avoir échappé de justesse à la mort : frappé au visage, protégé par ses partisans battus à coups de bâton. Huit blessés graves, dix-huit au total. Et ce n’est pas la première fois. À quelques semaines du scrutin, jusqu’où ira la répression ?

Imaginez la scène : vous êtes au milieu de milliers de jeunes qui chantent, qui croient enfin au changement. Et soudain, les uniformes. Les bâtons qui s’abattent. Les cris. Le sang. C’est ce qu’a vécu Bobi Wine, samedi dernier, à Gulu, dans le nord de l’Ouganda. L’opposant numéro un accuse ouvertement les forces de sécurité d’avoir tenté de l’éliminer en plein meeting.

Une attaque ciblée en plein cœur du nord

À environ 330 kilomètres de Kampala, la ville de Gulu vibrait au rythme des discours de Robert Kyagulanyi, plus connu sous son nom de scène Bobi Wine. Le chanteur devenu homme politique de 43 ans y tenait un grand rassemblement dans la perspective de l’élection présidentielle de janvier 2026.

Puis, sans avertissement clair, soldats et policiers ont chargé. Selon le leader de la Plateforme d’unité nationale (NUP), l’assaut était « systématique » et le visait personnellement. « Ils me ciblaient en tant que candidat à la présidentielle », a-t-il déclaré, encore sous le choc.

Frappé au visage et sauvé par la foule

Bobi Wine raconte avoir reçu un coup au visage. Sans l’intervention immédiate de ses partisans qui l’ont entouré en bouclier humain, l’issue aurait pu être fatale. « Sans les gens autour de moi, qui ont été frappés à coups de bâtons et de crosses de fusils, j’aurais été grièvement blessé voire tué », confie-t-il.

Le bilan est lourd : dix-huit partisans blessés, dont huit gravement. Six d’entre eux ont dû être hospitalisés. Des images circulant sur les réseaux sociaux montrent un homme le crâne ouvert, du sang coulant abondamment sur son visage.

« C’était systématique, ils me visaient moi. »

Bobi Wine, quelques heures après l’attaque

Un schéma de répression qui se répète

Cet incident n’est malheureusement pas isolé. Fin novembre déjà, lors d’un autre rassemblement, une personne avait été tuée et trois autres blessées par balle, selon les témoins. La police avait parlé de jets de pierres et promis une « réponse déterminée » face à toute attaque contre ses agents.

Mais pour les partisans de l’opposition, le message est clair : toute manifestation de soutien à Bobi Wine sera réprimée, parfois dans le sang. Meetings dispersés, arrestations à répétition, assignations à résidence : les dernières années ont été un long calvaire pour le leader charismatique.

Et les menaces ne viennent pas seulement des forces de l’ordre. Le général Muhoozi Kainerugaba, chef d’état-major et surtout fils aîné du président Yoweri Museveni, a plusieurs fois publiquement menacé de « décapiter » Bobi Wine sur les réseaux sociaux. Des propos qui, dans le contexte actuel, prennent une dimension particulièrement inquiétante.

Museveni, 40 ans de pouvoir et une jeunesse qui ne veut plus attendre

À 81 ans, Yoweri Museveni briguera en janvier un sixième mandat. Arrivé au pouvoir en 1986 après une guerre de brousse, il incarne pour beaucoup une page qui refuse de se tourner. Sa campagne repose sur un seul argument : la « protection des acquis » de ses quatre décennies à la tête du pays.

En face, Bobi Wine porte l’espoir d’une jeunesse qui représente plus de 75 % de la population ougandaise. Chanteur à succès devenu député puis candidat présidentiel, il a transformé ses chansons contestataires en programme politique. Son slogan « People Power » résonne comme un cri de ralliement.

En 2021 déjà, il avait défié le président sortant. La campagne avait été marquée par une répression sans précédent : arrestations massives, coupures d’internet, morts en détention. Bobi Wine lui-même avait été arrêté à plusieurs reprises et avait fini la campagne le corps couvert de traces de torture.

Un silence assourdissant des autorités

À l’heure où ces lignes sont écrites, ni la police nationale ni l’armée ougandaise n’ont réagi aux accusations précises portées par Bobi Wine concernant l’attaque de Gulu. Ce mutisme renforce le sentiment d’impunité qui règne lorsqu’il s’agit de réprimer l’opposition.

Pourtant, les vidéos sont là. Les blessures aussi. Les témoignages convergent. Et la communauté internationale commence à s’émouvoir, même timidement, de cette dérive autoritaire à quelques semaines d’un scrutin qui s’annonce déjà sous très haute tension.

Vers une élection sous perfusion de violence ?

À chaque meeting, la même peur. À chaque discours, le risque. Bobi Wine et ses équipes savent qu’ils jouent leur vie à chaque sortie publique. Mais ils continuent. Parce que pour des millions de jeunes Ougandais, il représente le dernier espoir d’un changement pacifique.

La question que tout le monde se pose désormais est simple : jusqu’où le pouvoir est-il prêt à aller pour se maintenir ? Les images de Gulu, celles de novembre, celles de 2021… toutes disent la même chose : très loin.

Dans moins de deux mois, les Ougandais seront appelés aux urnes. Mais avant même le premier bulletin, le message semble déjà envoyé : contester le règne de Yoweri Museveni a un prix. Et ce prix se paie parfois en sang.

À retenir :

  • Attaque ciblée contre Bobi Wine à Gulu le samedi
  • 18 partisans blessés, dont 8 gravement
  • Accusations directes contre les forces de sécurité
  • Menaces répétées du fils du président
  • Silence total des autorités pour l’instant

L’histoire nous dira si cet énième épisode de violence marquera le début de la fin pour le régime Museveni… ou simplement un chapitre de plus dans une longue série de répression. En attendant, à Gulu comme ailleurs, la jeunesse ougandaise continue de chanter. Plus fort que les bâtons.

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