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Gaza : Vers une Paix Fragile ou un Nouveau Conflit ?

La trêve à Gaza tient à un fil. Qatar et Égypte exigent le retrait total des troupes israéliennes et le déploiement immédiat d’une force internationale. Mais Israël bombarde encore, le Hamas résiste… La phase 2 du plan de paix va-t-elle tout faire basculer ?

Et si la guerre la plus médiatisée de la décennie se terminait enfin ? Deux mois après l’entrée en vigueur d’une trêve historique le 10 octobre, la situation à Gaza reste suspendue à un fil. Les médiateurs qataris et égyptiens haussent le ton : sans retrait total des troupes israéliennes et sans déploiement rapide d’une force internationale, le cessez-le-feu ne sera jamais complet.

Un cessez-le-feu en sursis permanent

Depuis mercredi, il ne reste plus qu’un seul corps d’otage à Gaza. La première phase du plan proposé par le président américain Donald Trump est presque achevée : les otages vivants et la plupart des dépouilles ont été rendus, des centaines de prisonniers palestiniens libérés en échange. Pourtant, personne n’ose parler de paix.

Les forces israéliennes contrôlent encore environ la moitié du territoire. Les bombardements, qualifiés de « représailles » par Israël après des violations présumées du Hamas, continuent. Plusieurs centaines de Palestiniens ont été tués depuis la trêve selon les autorités locales. Chaque explosion rappelle que le calme est artificiel.

Le Premier ministre qatari, Cheikh Mohammed ben Abdelrahmane al-Thani, l’a dit sans détour lors d’une conférence à Doha : « Nous sommes à un moment critique. Un cessez-le-feu ne peut être complet qu’avec le retrait total des forces israéliennes et un retour de la stabilité. »

« En ce moment, le Qatar, la Turquie, l’Égypte et les États-Unis se réunissent pour faire avancer la prochaine phase. Cette phase est également temporaire… jusqu’à une solution durable. »

Cheikh Mohammed ben Abdelrahmane al-Thani

La phase 2 : le vrai test de la volonté politique

La deuxième étape du plan, encore en négociation, est explosive. Elle prévoit quatre mesures majeures :

  • Le retrait complet des troupes israéliennes de Gaza
  • Le désarmement progressif du Hamas
  • La création d’une autorité palestinienne de transition
  • Le déploiement d’une force internationale de stabilisation

Cette dernière point cristallise toutes les tensions. Le ministre turc des Affaires étrangères, Hakan Fidan, présent à Doha, a été clair : le premier objectif doit être de « séparer les Palestiniens des Israéliens ». Pour lui, parler désarmement avant d’avoir sécurisé cette séparation serait irréaliste.

Israël, de son côté, refuse catégoriquement la présence de soldats turcs dans cette force, Ankara étant jugé trop proche du Hamas. Les discussions sur la composition de cette force – pays participants, mandat exact, règles d’engagement – sont en cours et particulièrement délicates.

Une force internationale sous haute tension

Le ministre égyptien des Affaires étrangères, Badr Abdelatty, a insisté sur l’urgence : « Nous avons besoin de déployer cette force le plus tôt possible sur le terrain, car une partie – Israël – viole le cessez-le-feu tous les jours. »

Mais les pays arabes et musulmans hésitent. Participer à une force qui pourrait un jour devoir affronter des combattants palestiniens est politiquement explosif. Personne ne veut revivre le scénario libanais des années 1980 où des troupes arabes s’étaient retrouvées en confrontation directe avec des factions palestiniennes.

Le Qatar et l’Égypte poussent néanmoins pour une formation rapide de cette force, estimant qu’elle est la seule garantie pour consolider la trêve et permettre l’acheminement massif d’aide humanitaire.

Rafah : la frontière qui cristallise les peurs

Autre sujet brûlant : le poste-frontière de Rafah. L’accord prévoit sa réouverture, mais Israël a annoncé vouloir l’utiliser exclusivement pour permettre la sortie des Gazaouis – ce que beaucoup interprètent comme une tentative de déplacement forcé de population.

Réponse immédiate du Caire : niet. Le ministre égyptien a réaffirmé que Rafah ne servira « qu’à acheminer l’aide humanitaire et médicale », jamais à un exode massif. L’Égypte, soutenue par sept autres pays à majorité musulmane, a exprimé vendredi sa « profonde inquiétude » face à cette annonce israélienne.

Cette bataille autour de Rafah révèle la méfiance abyssale entre les parties. Chaque mesure technique devient un enjeu politique majeur.

Un bilan humain effroyable

Derrière les tractations diplomatiques, la réalité sur le terrain reste terrifiante. L’attaque du 7 octobre 2023 a causé la mort de 1 221 personnes en Israël, majoritairement des civils.

En représailles, l’offensive israélienne a fait plus de 70 000 morts à Gaza selon le ministère de la Santé local – un chiffre considéré comme fiable par l’ONU. Des quartiers entiers ont été rasés, l’accès à l’eau, à l’électricité et aux soins reste dramatique.

Ces chiffres, au-delà de leur froideur statistique, pèsent sur chaque décision. Ils expliquent pourquoi les médiateurs refusent de laisser la trêve s’effondrer et pourquoi, malgré les violations quotidiennes, ils continuent de pousser pour la phase suivante.

Vers une solution durable ou un énième échec ?

Le Premier ministre qatari l’a répété : même la phase 2 n’est qu’une étape temporaire. L’objectif final reste une « solution durable » – un terme qui, dans le contexte israélo-palestinien, semble presque irréel après des décennies d’échecs.

Pourtant, plusieurs éléments nouveaux jouent cette fois-ci : la pression américaine post-électorale, la fatigue des opinions publiques, l’implication directe du Qatar et de l’Égypte comme garants, et surtout l’épuisement total des populations des deux côtés.

La conférence de Doha a montré une coordination rare entre acteurs régionaux habituellement divisés. Turcs, Qataris, Égyptiens et Américains discutent dans la même pièce – un spectacle impensable il y a encore quelques mois.

Mais le chemin reste semé d’embûches. Le désarmement du Hamas, la gouvernance future de Gaza, le sort des colons en Cisjordanie, le statut de Jérusalem… Autant de questions renvoyées à plus tard mais qui resurgiront inévitablement.

Pour l’instant, une seule certitude : sans retrait israélien total et sans force internationale crédible, la trêve risque de s’effondrer à tout moment. Et avec elle, l’espoir ténu d’une sortie de cycle infernal qui dure depuis trop longtemps.

Les prochaines semaines seront décisives. Les regards du monde entier sont tournés vers Doha, Le Caire, Washington… et surtout vers cette bande de terre martyrisée où chaque jour de calme relatif est déjà une petite victoire.

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