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Merz à Israël : Réformes Palestiniennes et Soutien Fragile

Juste avant de poser le pied à Jérusalem, le nouveau chancelier allemand Friedrich Merz a passé un coup de fil musclé à Mahmoud Abbas : « Réformez-vous ou vous ne jouerez aucun rôle à Gaza ». Mais il a aussi fustigé la violence des colons. L’Allemagne peut-elle encore parler franchement à Israël tout en restant son plus fidèle allié ? La réponse lors de cette visite très attendue…

Quand un chancelier allemand atterrit pour la première fois en Israël, l’événement n’est jamais anodin. Surtout quand ce chancelier s’appelle Friedrich Merz, représente la CDU revenue au pouvoir et arrive avec un message à double tranchant : soutien indéfectible à l’État hébreu… mais exigences claires adressées aux deux parties du conflit.

Un coup de fil qui donne le ton

Samedi, quelques heures avant de fouler le tarmac de Tel Aviv, Friedrich Merz s’est entretenu au téléphone avec le président palestinien Mahmoud Abbas. Le message allemand a été limpide : sans réformes profondes et urgentes, l’Autorité palestinienne ne pourra prétendre à aucun rôle constructif dans la bande de Gaza une fois la guerre terminée.

Ce n’est pas la première fois qu’un dirigeant européen pose ce diagnostic. Mais le ton, lui, a changé. Berlin ne se contente plus de conseils polis dispensés dans des communiqués lénifiants. Le nouveau chancelier parle cash.

Dans le même temps – et c’est tout l’art de la diplomatie allemande actuelle – Merz a fermement dénoncé l’augmentation massive de la violence des colons contre les civils palestiniens en Cisjordanie occupée. Un équilibre délicat entre critique de l’occupation et exigence de gouvernance palestinienne.

La Jordanie, escale stratégique

Avant Israël, direction Aqaba. Une brève escale en Jordanie, mais un entretien lourd de sens avec le roi Abdallah II. Les deux pays partagent la même vision : plus d’aide humanitaire pour Gaza et une solution négociée à deux États.

Le chancelier allemand a répété une phrase qui résonne comme un mantra à Berlin : « Il ne peut y avoir de place pour le terrorisme et l’antisémitisme dans cet avenir commun ». Une formule qui rappelle que l’Allemagne, près de quatre-vingts ans après la Shoah, porte toujours cette responsabilité historique comme une boussole.

« La relation germano-israélienne est intacte, étroite, empreinte de confiance »

Sebastian Hille, porte-parole du chancelier

Entre Yad Vashem et realpolitik

Dimanche matin, direction Yad Vashem. Le mémorial de la Shoah reste un passage obligé pour tout dirigeant allemand. Le geste est rituel, presque sacré. Mais cette fois, il intervient dans un contexte particulièrement tendu.

Car si la relation bilatérale reste officiellement « intacte », les derniers mois ont été rudes. L’offensive israélienne à Gaza a provoqué une crise humanitaire sans précédent. Berlin a fini par suspendre partiellement ses exportations d’armes – un tabou absolu il y a encore quelques années.

La trêve actuelle a permis de lever cette sanction fin novembre. Soulagement à Tel Aviv, mais le message est passé : l’importance particulière des relations n’empêche pas la critique quand la situation l’exige.

Un cessez-le-feu en sursis

Deux mois après son entrée en vigueur, le cessez-le-feu reste fragile. Les accusations de violation pleuvent presque quotidiennement des deux côtés. Chaque incident fait craindre une reprise des hostilités.

Friedrich Merz arrive donc avec un objectif clair : consolider cette deuxième phase de trêve, pousser vers un horizon politique. Mais les marges de manœuvre sont minces. D’un côté, un Premier ministre israélien isolé sur la scène internationale. De l’autre, une Autorité palestinienne affaiblie et contestée.

Et au milieu, l’ombre écrasante de Donald Trump dont le plan de paix, salué par Mahmoud Abbas, suscite des espoirs… et beaucoup d’interrogations.

Netanyahu et ses « grandes attentes »

À Jérusalem, on guette le moindre signe. Le directeur de la Fondation Konrad-Adenauer dans la ville sainte le dit sans détour : Benjamin Netanyahu attend un signal de soutien continu de la part de Berlin.

Car si Washington redevient le grand arbitre sous Trump, l’Europe – et l’Allemagne en particulier – conserve un capital moral unique dans ce conflit. Un capital que Friedrich Merz semble déterminé à utiliser, sans complaisance mais sans rupture.

La visite durera à peine vingt-quatre heures. Mais elle pourrait marquer un tournant. Ou du moins clarifier jusqu’où Berlin est prêt à aller dans sa realpolitik responsable.

L’Allemagne, entre devoir de mémoire et devoir de vérité

Cette séquence diplomatique illustre parfaitement la position allemande actuelle : oui au soutien inconditionnel à l’existence et à la sécurité d’Israël. Non à tout blanc-seing politique.

Le passage à Yad Vashem rappellera pourquoi. Les déclarations sur les réformes palestiniennes et la violence des colons rappelleront que la responsabilité historique ne dispense pas de parler vrai.

Dans une région où chaque mot est pesé au milligramme, Friedrich Merz joue gros. Sa visite ne changera pas la donne à elle seule. Mais elle pourrait redéfinir, pour un temps, la place de l’Allemagne dans ce conflit interminable.

Et rappeler que même les alliances les plus solides doivent parfois savoir dire non.

Une visite de 24 heures, des décennies de responsabilité historique, et un conflit qui n’en finit pas de défier toutes les diplomaties. Friedrich Merz saura-t-il faire entendre la voix allemande là où tant d’autres se sont cassé les dents ?

À suivre, minute par minute, depuis Jérusalem.

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