Imaginez vivre cachée dans votre propre pays depuis plus d’un an, traquée par le pouvoir en place, et pourtant décider de traverser un continent entier pour aller chercher le prix Nobel de la Paix sous les yeux du monde entier. C’est exactement ce que s’apprête à faire Maria Corina Machado.
Un voyage à haut risque confirmé
Le directeur de l’Institut Nobel norvégien l’a annoncé officiellement : Maria Corina Machado sera bien présente à Oslo le 10 décembre pour recevoir son prix. Les mots sont prudents, presque chuchotés. « J’ai été en contact avec elle cette nuit et elle confirme qu’elle viendra », a déclaré Kristian Berg Harpviken. Dans le contexte vénézuélien, chaque détail est une bombe potentielle.
Aucun horaire précis, aucune information sur le trajet. Seule certitude : elle sortira de la clandestinité dans laquelle elle vit depuis août 2024. Mère de trois enfants, l’opposante de 58 ans se terre dans un lieu tenu secret au Venezuela. Quitter le territoire ? Un acte qui pourrait la faire basculer officiellement dans le statut de « fugitive » aux yeux du régime.
« En étant hors du Venezuela et faisant l’objet de nombreuses enquêtes pénales, elle est considérée comme fugitive »
Tarek William Saab, procureur général vénézuélien
Les chefs d’accusation sont lourds : conspiration, incitation à la haine, terrorisme. Des termes que le pouvoir chaviste utilise régulièrement contre ses opposants. Pourtant, rien ne semble arrêter la lauréate.
Pourquoi ce Nobel change tout
Le 10 octobre dernier, le comité Nobel norvégien a récompensé Maria Corina Machado « pour son travail inlassable en faveur des droits démocratiques du peuple vénézuélien et son combat pour une transition juste et pacifique vers la démocratie ».
Cette reconnaissance n’est pas anodine. Elle place l’opposante sous les projecteurs mondiaux au moment précis où le régime Maduro vacille. L’élection présidentielle de juillet 2024 reste contestée par une large partie de la communauté internationale. Nicolas Maduro s’est proclamé vainqueur, mais les preuves de fraude sont massives selon l’opposition et de nombreux observateurs étrangers.
Depuis, la répression s’est intensifiée. Plus de 2 400 arrestations lors des manifestations post-électorales. Des rapports de l’ONU dénoncent tortures, disparitions forcées et une violence d’État systématique. Dans ce contexte, le Nobel agit comme un bouclier symbolique… mais aussi comme une cible.
Une ingénieure devenue symbole de résistance
Qui est vraiment Maria Corina Machado ? Ingénieure industrielle de formation, elle a d’abord été députée avant de se radicaliser contre le chavisme. Considérée comme ultralibérale par certains, elle n’a jamais caché son admiration pour certaines idées portées par Donald Trump, notamment sur la fermeté face aux régimes autoritaires.
Empêchée de se présenter à la présidentielle de 2024 par une inéligibilité politique décidée par le pouvoir, elle a malgré tout remporté haut la main les primaires de l’opposition. Son charisme et sa détermination en ont fait la figure incontournable du camp anti-Maduro.
Sa phrase, prononcée mi-octobre lors d’un entretien par visioconférence, résonne encore : elle se dit convaincue que « Maduro quittera le pouvoir avec ou sans négociation ». Une certitude qui effraie Caracas.
Un contexte géopolitique explosif
Le timing est troublant. Pendant que Machado prépare son voyage vers Oslo, un impressionnant dispositif militaire américain se déploie dans les Caraïbes et le Pacifique. Plus d’une vingtaine de frappes ont été menées ces dernières semaines, officiellement contre le narcotrafic. Au moins 87 morts, mais aucune preuve concrète n’a été présentée sur le lien avec les cartels.
Maduro, lui, y voit une tentative claire de renversement. Il accuse Washington de vouloir s’emparer des réserves pétrolières vénézuéliennes, les plus importantes au monde. Et il n’est pas seul : de nombreux experts en droit international contestent la légalité de ces opérations.
Dans ce jeu d’échecs géant, Donald Trump souffle le chaud et le froid. Il a reconnu avoir parlé directement avec Maduro récemment, sans dévoiler le contenu de l’échange. Machado, elle, ne cache pas son soutien au président américain : elle a dédié son Nobel au peuple vénézuélien… et à Trump, dont elle juge l’aide « cruciale » pour une transition démocratique.
« Plus que jamais nous comptons sur le président Trump »
Maria Corina Machado, après l’annonce du Nobel
Que se passera-t-il le 10 décembre à Oslo ?
La cérémonie sera suivie par des millions de personnes. Pour le régime vénézuélien, c’est une humiliation planétaire. Pour l’opposition, c’est un espoir immense. Mais surtout, c’est un moment où tout peut basculer.
Machado réussira-t-elle à atteindre la Norvège ? Le pouvoir osera-t-il l’arrêter à la frontière ou dans un aéroport ? Et si elle parvient à Oslo, que dira-t-elle depuis la tribune du Nobel ? Son discours pourrait devenir historique.
Une chose est sûre : en acceptant de sortir de l’ombre, Maria Corina Machado prend un risque énorme. Mais elle l’a toujours fait. Cette femme qui vit cachée depuis seize mois s’apprête peut-être à écrire l’un des chapitres les plus forts de l’histoire récente de l’Amérique latine.
Mercredi prochain, à Oslo, le monde entier retiendra son souffle.
Un acte de courage pur
Quitter la clandestinité pour recevoir le Nobel de la Paix sous les yeux d’un régime qui vous traque depuis des années, c’est plus qu’un symbole. C’est un message envoyé à tous les opposants du monde : même dans les dictatures les plus dures, la lumière finit parfois par percer.
Et pendant ce temps, au Venezuela, des millions de personnes suivront la cérémonie en cachette, le cœur battant. Pour eux, Maria Corina Machado n’est plus seulement une femme politique. Elle est devenue l’incarnation d’un espoir que beaucoup croyaient éteint.
Le 10 décembre 2025 pourrait bien marquer un tournant. Pas seulement pour le Venezuela, mais pour toute une région où les régimes autoritaires pensaient avoir gagné la partie.
Parce que parfois, une femme seule, avec sa détermination pour seule arme, peut faire trembler un système entier.









