Imaginez-vous réveillé à 3 heures du matin par le hurlement des sirènes, le grondement sourd des explosions et, soudain, plus de lumière, plus de chauffage, plus d’eau chaude. C’est la réalité que vivent des millions d’Ukrainiens ce samedi matin alors même qu’à des milliers de kilomètres, dans la douceur de la Floride, des négociateurs tentent de dessiner les contours d’une paix possible.
Une nuit d’enfer sur tout le territoire ukrainien
L’armée ukrainienne a comptabilisé, dans la seule nuit de vendredi à samedi, 653 drones et 51 missiles lancés par la Russie. Un déluge mécanique qui a une nouvelle fois pris pour cible principale le réseau énergétique du pays.
Le président Volodymyr Zelensky n’a pas mâché ses mots sur les réseaux sociaux : « L’objectif de la Russie est d’infliger des souffrances à des millions d’Ukrainiens ». Des mots lourds, mais difficilement contestables quand on sait que des régions entières se retrouvent plongées dans le noir et le froid alors que les températures flirtent avec les -10 °C.
À Odessa, 9 500 abonnés restent sans chauffage et 34 000 sans eau courante. À Kiev, trois blessés ont été signalés après des frappes massives sur la capitale et sa région. Tcherniguiv, Zaporijjia, Lviv, Dnipropetrovsk… aucune grande région n’a été épargnée.
Un quotidien devenu routine macabre
Depuis février 2022, ces attaques nocturnes font partie du paysage. Pourtant, leur intensité ne faiblit pas. Au contraire, la Russie semble avoir fait du bombardement des infrastructures civiles une stratégie assumée pour briser le moral de la population à l’approche de l’hiver.
Le ministère russe de la Défense, lui, revendique avoir abattu 116 drones ukrainiens au-dessus du territoire russe durant la même nuit. Une guerre des airs qui ne connaît aucune trêve.
Pendant ce temps, à Miami…
C’est dans ce contexte apocalyptique que se tient, pour la troisième journée consécutive, une rencontre entre négociateurs ukrainiens et américains en Floride. Loin des abris anti-aériens, dans un cadre luxueux près de Miami, on discute d’un plan de paix made in Washington.
Côté américain, on retrouve Steve Witkoff, émissaire spécial de Donald Trump, accompagné de Jared Kushner, gendre de l’ancien et futur président. Côté ukrainien, le ministre de la Défense Roustem Oumerov et le chef d’état-major Andriï Gnatov défendent les intérêts de Kiev.
« Les deux parties sont convenues que tout progrès réel vers un accord dépendait de la volonté de la Russie de s’engager sérieusement en faveur d’une paix durable, notamment par des mesures de désescalade et l’arrêt des tueries »
Communiqué du département d’État américain, vendredi soir
Un plan initial jugé trop favorable à Moscou
Présenté il y a trois semaines, le document original avait provoqué un tollé à Kiev et en Europe. Beaucoup y voyaient une capitulation déguisée : gel des lignes de front, limitations drastiques de l’armée ukrainienne, neutralité imposée… Des concessions jugées inacceptables par Zelensky.
Depuis, plusieurs sessions ont eu lieu à Genève et maintenant en Floride pour tenter d’amender le texte. Mardi, Steve Witkoff et Jared Kushner se sont même rendus à Moscou pour présenter la version révisée à Vladimir Poutine en personne.
Le Kremlin a qualifié l’ambiance de « cordiale et parlé de « progrès », tout en soulignant qu’il restait « beaucoup de travail ». Des déclarations prudentes qui laissent planer le doute : la Russie est-elle vraiment prête à faire des concessions significatives ?
L’Union européenne monte au créneau
Grande absente de ces négociations bilatérales, l’Union européenne ne décolère pas. La cheffe de la diplomatie européenne, Kaja Kallas, a été très claire ce samedi :
« Imposer des restrictions et des contraintes à l’Ukraine ne nous apportera pas une paix durable. Si l’agression est récompensée, elle se reproduira, non seulement en Ukraine ou à Gaza, mais partout dans le monde. »
Un message à peine voilé adressé à l’administration Trump : toute paix qui récompenserait l’agresseur ouvrirait la porte à de nouvelles guerres.
Que contient vraiment le nouveau plan ?
Peu de détails ont filtré sur la version amendée. On sait seulement que les discussions portent sur :
- Le cadre des futurs arrangements de sécurité pour l’Ukraine
- Les capacités de dissuasion nécessaires après un éventuel cessez-le-feu
- La protection de l’indépendance et de la souveraineté ukrainienne (priorité réaffirmée par Roustem Oumerov)
Mais la question centrale reste entière : la Russie acceptera-t-elle de retirer ses troupes des territoires occupés ? Ou le plan repose-t-il toujours sur un gel du conflit avec reconnaissance implicite des annexions ?
Un calendrier sous haute tension
Donald Trump, qui prendra officiellement ses fonctions le 20 janvier 2025, a fait de la fin rapide de la guerre en Ukraine l’une de ses promesses phares. Ces négociations en Floride sont donc scrutées à la loupe : elles pourraient préfigurer la politique étrangère de la nouvelle administration.
Mais chaque nuit de bombardements rend la position ukrainienne plus inflexible. Comment accepter un accord quand votre population grelotte dans le noir ? Comment faire confiance à un Kremlin qui, dans le même temps, intensifie ses frappes ?
La réponse, peut-être, viendra dans les prochains jours. En attendant, l’Ukraine continue de vivre au rythme des sirènes et des coupures d’électricité, pendant qu’à Miami on parle d’avenir. Un contraste brutal qui résume, mieux que mille discours, résume la complexité de cette guerre et des tractations pour y mettre fin.
À retenir : Alors que la Russie bombarde massivement les infrastructures énergétiques ukrainiennes, des discussions cruciales se poursuivent en Floride entre Kiev et les émissaires de Donald Trump. L’Europe met en garde contre toute paix imposée qui récompenserait l’agresseur. L’issue de ces négociations pourrait redessiner l’avenir de l’Europe entière.
La guerre en Ukraine entre dans sa 1018e journée. Et chaque journée apporte son lot de souffrances… et d’espoirs ténus.









