Imaginez-vous réveillé à 3 heures du matin par le hurlement des sirènes, le grondement lointain des explosions, puis plus rien : ni lumière, ni chauffage, ni eau chaude. Pour des centaines de milliers d’Ukrainiens, ce cauchemar est devenu réalité dans la nuit du vendredi 5 au samedi 6 décembre 2025.
Une nuit sous un déluge de feu jamais vu
L’armée de l’air ukrainienne a comptabilisé pas moins de 653 drones et 51 missiles lancés par la Russie en une seule vague. Un record absolu depuis le début de l’invasion à grande échelle en février 2022. Ces chiffres donnent le vertige et montrent l’ampleur industrielle que prend désormais cette guerre d’usure.
Les cibles principales ? Les installations énergétiques qui permettent au pays de tenir debout en plein hiver. Centrales, sous-stations, lignes à haute tension… Tout ce qui produit ou transporte l’électricité a été visé avec une précision chirurgicale.
Des régions entières plongées dans le noir et le froid
Dans la région d’Odessa, plus de 9 500 foyers restent privés de chauffage et 34 000 n’ont plus d’eau courante. À Lviv, à l’ouest, pourtant loin du front, les sirènes ont retenti toute la nuit. À Zaporijjia, à Dnipro, à Tcherniguiv… la liste des zones touchées s’allonge comme une litanie macabre.
Le gouvernement ukrainien a déjà prévenu : des coupures tournantes supplémentaires seront nécessaires dans tout le pays pour stabiliser le réseau. Traduction : même là où l’électricité tient encore, elle risque de sauter à tout moment.
« L’objectif de la Russie est d’infliger des souffrances à des millions d’Ukrainiens »
Volodymyr Zelensky, président ukrainien
Un message politique envoyé au moment précis des négociations
Le timing n’a rien d’un hasard. Pendant que ces centaines d’engins pleuvaient sur l’Ukraine, une délégation ukrainienne négociait pour la troisième journée consécutive en Floride avec des émissaires américains. Objectif : tenter de dessiner les contours d’un plan de paix proposé par Washington.
En bombardant ainsi les infrastructures civiles au moment même où l’on parle de cessez-le-feu, Moscou rappelle brutalement sa ligne rouge : toute discussion devra se faire selon ses conditions, et certainement pas sous la pression occidentale.
Des cibles civiles assumées… ou presque
Du côté russe, on revendique avoir frappé des sites du « complexe militaro-industriel » et des infrastructures énergétiques « qui assurent leur fonctionnement ». Une justification habituelle. Pourtant, quand la gare de Fastiv, à 70 km de Kiev, prend feu sous l’impact des drones, difficile de parler d’objectif purement militaire.
Le trafic ferroviaire a été perturbé plusieurs heures. Des milliers de voyageurs bloqués en pleine nuit, dans le froid. Un dommage collatéral ? Plutôt une démonstration de force supplémentaire.
L’onde de choc dépasse les frontières ukrainiennes
En Moldavie voisine, fortement dépendante du réseau ukrainien, le gestionnaire Moldelectrica a dû déclencher une procédure d’urgence et solliciter l’aide de la Roumanie pour éviter un black-out généralisé. Preuve que ces frappes ont désormais une portée régionale.
Chaque explosion en Ukraine fait trembler les réseaux électriques jusqu’à Chisinau et menace la stabilité énergétique de tout le flanc est de l’Europe.
Un hiver qui s’annonce plus dur que jamais
Avec déjà plus de 50 % du parc énergétique détruit ou endommagé depuis 2022, l’Ukraine entre dans son quatrième hiver de guerre dans une situation critique. Les températures descendent régulièrement sous les -10 °C dès novembre dans certaines régions.
Sans électricité, pas de chauffage collectif. Sans chauffage, les canalisations gèlent. Sans eau chaude, les conditions sanitaires se dégradent rapidement. Les hôpitaux passent en mode dégradé, les écoles ferment, les entreprises stoppent.
C’est toute la vie quotidienne qui s’effondre, lentement mais sûrement.
La résilience ukrainienne mise à rude épreuve
Pourtant, dès l’aube, les équipes de réparation étaient déjà sur le terrain. Sous les décombres encore fumants, dans le froid mordant, elles tentent de remettre en marche ce qui peut l’être. C’est devenu une routine tragique : détruire la nuit, réparer le jour, détruire à nouveau la nuit suivante.
Les Ukrainiens ont appris à vivre avec les générateurs, les batteries externes, les points de charge collectives. Mais jusqu’à quand ? Les stocks de matériel s’épuisent, les pièces détachées manquent, et l’hiver ne fait que commencer.
Une guerre qui change de nature
Ces frappes massives sur l’énergie ne sont pas seulement une tactique militaire. Elles sont devenues une arme stratégique à part entière. Priver un pays de lumière et de chaleur en plein hiver, c’est chercher à briser le moral de la population, à faire pression sur le gouvernement, à rendre la vie insupportable pour forcer la main à la table des négociations.
Et pendant ce temps, sur le front, l’armée russe continue sa progression lente mais inexorable dans le Donbass. Les deux volets – militaire et énergétique – se répondent dans une symphonie macabre parfaitement orchestrée.
La question n’est plus de savoir si l’Ukraine tiendra cet hiver. Elle a déjà prouvé qu’elle savait tenir. La vraie question est : à quel prix ? Et jusqu’à quand le monde continuera-t-il à regarder ailleurs pendant que des villes entières s’éteignent une à une dans le silence glacial de décembre.
Chaque missile, chaque drone qui tombe cette nuit n’est pas seulement une explosion. C’est une vie bouleversée, un enfant qui a froid, un vieillard qui tremble dans le noir. Derrière les chiffres froids des communiqués militaires, il y a des millions d’histoires humaines qui continuent, envers et contre tout.
Et demain, quand le soleil se lèvera sur un pays à nouveau blessé mais toujours debout, la guerre continuera. Parce qu’en Ukraine, survivre est déjà une forme de victoire.









