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Birmanie : 18 Morts dans un Bombardement d’un Salon de Thé

Vendredi soir, deux bombes tombent sur Tabayin. L’une détruit un salon de thé rempli de monde qui regarde un match de boxe. 18 morts, 20 blessés, des corps dévorés par les chiens sous les décombres… Que s’est-il vraiment passé et pourquoi ces civils sont-ils encore ciblés ?

Imaginez une soirée ordinaire. Des amis, des voisins, une tasse de thé brûlant entre les mains, le bruit des commentaires passionnés autour d’un match de boxe diffusé sur un vieil écran. Et soudain, en quelques secondes, tout bascule dans l’horreur. C’est ce qu’ont vécu des dizaines de personnes vendredi soir à Tabayin, dans le centre de la Birmanie.

Une frappe aérienne qui laisse 18 morts et une communauté brisée

Deux bombes larguées depuis le ciel ont semé la mort dans le canton de Tabayin, région de Sagaing. L’une d’elles a frappé de plein fouet un salon de thé, lieu de vie incontournable dans la culture birmane. Le bilan est terrible : 18 personnes tuées, 20 autres blessées, certaines grièvement.

Le responsable d’un village voisin, qui a préféré garder l’anonymat par peur de représailles, a décrit la scène avec une voix tremblante. « Il y avait énormément de monde. Tout le monde se retrouve là le vendredi soir pour regarder les matchs. » En quelques instants, ce havre de convivialité s’est transformé en tombeau.

Le récit glaçant d’un survivant

Un homme présent ce soir-là raconte : dès qu’il a entendu les avions passer au-dessus de sa tête, il s’est jeté au sol. Le bruit de l’explosion a été assourdant. « J’ai vu un grand incendie au-dessus de moi. J’ai eu de la chance, j’ai pu rentrer chez moi ensuite. »

« J’ai vu un grand incendie au-dessus de ma tête… J’ai eu de la chance, je suis rentré chez moi ensuite. »

Ses mots sont simples, presque banals. Et pourtant, ils résument toute l’absurdité et la brutalité de cette guerre qui n’épargne personne. Ceux qui étaient assis à côté de lui n’ont pas eu la même chance.

Des secouristes dépassés par l’horreur

Un secouriste arrivé quinze minutes après l’impact décrit une scène apocalyptique. Sept personnes sont mortes sur le coup. Onze autres ont succombé à l’hôpital, malgré les efforts des équipes médicales débordées.

Le salon de thé et une douzaine de maisons autour ont été complètement rasés. « Les gens aiment se retrouver là pour regarder le foot ou la boxe », explique-t-il, comme pour souligner à quel point cet endroit était un cœur battant de la communauté.

Une femme face aux corps abandonnés

Le lendemain, une habitante revenue sur les lieux a été confrontée à une vision insoutenable. Sous les décombres, des chiens errants dévoraient ce qui restait de corps humains. Les funérailles ont eu lieu dans la journée, certains visages recouverts d’une simple serviette.

« Je suis très triste, je connaissais très bien certaines d’entre elles », confie-t-elle, la voix brisée. Des mots qui résonnent comme un cri silencieux au milieu du chaos.

Tabayin, déjà touchée au printemps

Ce n’est pas la première fois que Tabayin est frappée. En avril dernier, cinq personnes avaient péri dans une frappe aérienne en périphérie de la ville. Cela s’était produit alors même que la junte avait annoncé un cessez-le-feu pour faciliter l’aide humanitaire après un séisme dévastateur.

Ce précédent montre une chose cruelle : les annonces officielles de trêve n’ont souvent aucune valeur sur le terrain. Les civils restent les premières victimes d’un conflit qui s’enlise.

Une guerre civile qui ne connaît pas de répit

Depuis le coup d’État militaire de février 2021, la Birmanie est plongée dans un cycle infernal de violence. Des groupes de résistance armée, souvent regroupés sous le nom de Forces de Défense du Peuple (PDF), affrontent la junte dans de nombreuses régions, dont Sagaing, devenue l’un des épicentres du conflit.

Face à une guérilla qu’elle peine à mater au sol, l’armée birmane a massivement recours aux frappes aériennes. Des villages entiers sont bombardés, des marchés, des écoles, des hôpitaux. Les salons de thé, ces lieux pourtant anodins, ne sont plus des refuges.

Chaque semaine apporte son lot de nouvelles tragédies. Mais derrière les chiffres, il y a toujours des visages, des familles détruites, des enfants qui grandissent dans la peur.

Pourquoi les civils paient-ils le prix fort ?

Dans ce genre de conflit asymétrique, les lignes de front sont floues. Un salon de thé peut être perçu comme un lieu de rassemblement potentiel pour des résistants. Mais dans les faits, la grande majorité des victimes sont des civils ordinaires.

Les témoignages convergent : il n’y avait aucun combattant armé ce soir-là. Juste des gens qui voulaient passer un moment ensemble après une semaine difficile. Cette réalité met en lumière une stratégie qui semble accepter – voire viser – les dommages collatéraux.

Un silence assourdissant des autorités

Contactées, les autorités militaires n’ont pas répondu. Ce mutisme est devenu une habitude. Les communiqués officiels parlent rarement des victimes civiles, préférant mettre en avant des « opérations antiterroristes ».

Pendant ce temps, les habitants de Sagaing vivent dans la terreur permanente du bruit des moteurs d’avion. Beaucoup dorment dehors, dans les champs, pour éviter d’être pris au piège dans leur maison en cas de bombardement nocturne.

Que reste-t-il d’un salon de thé détruit ?

Un salon de thé en Birmanie, ce n’est pas qu’un café. C’est un lieu social unique où l’on discute politique, où l’on rit, où l’on pleure parfois. C’est souvent le seul endroit éclairé le soir dans des villages où l’électricité est rare.

En détruisant ces espaces, ce n’est pas seulement des vies que l’on prend. C’est toute une culture de convivialité, toute une façon de vivre ensemble que l’on anéantit.

Aujourd’hui, à Tabayin, il ne reste que des ruines fumantes et des souvenirs. Des chaises renversées, un écran brisé, des tasses éclatées. Et surtout, dix-huit vides impossibles à combler.

Cette nouvelle tragédie nous rappelle que derrière chaque frappe aérienne, il y a des histoires humaines brisées. Des pères qui ne rentreront pas, des amis qui ne se retrouveront plus jamais autour d’une tasse de thé. Et une question qui reste sans réponse : jusqu’à quand ?

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