Imaginez témoigner contre des policiers corrompus et, quelques semaines plus tard, tomber sous les balles devant vos enfants. C’est exactement ce qui est arrivé vendredi soir à un ancien agent de la police métropolitaine d’Ekurhuleni, en Afrique du Sud.
Un meurtre qui choque jusqu’au sommet de l’État
Le président Cyril Ramaphosa s’est dit samedi « consterné et attristé » par cet assassinat. Il a immédiatement publié un communiqué où il promet de renforcer la protection des témoins et des lanceurs d’alerte.
Le message est clair : personne ne doit payer de sa vie le simple fait d’avoir dit la vérité.
Que s’est-il passé exactement ?
L’homme abattu s’appelait Van der Merwe. Ancien policier, il avait accepté de témoigner devant une commission judiciaire contre Julius Mkhwanazi, chef adjoint suspendu de la police métropolitaine d’Ekurhuleni, près de Johannesburg.
Son témoignage était glaçant : en 2022, Mkhwanazi lui aurait ordonné de faire disparaître le corps d’un suspect mort en garde à vue. Van der Merwe avait obéi et jeté le cadavre dans un barrage.
Quelques semaines après avoir répété ces faits sous serment, il était exécuté devant sa famille.
« Ils ont frôlé la mort dans des circonstances qui laissent penser que le courageux témoignage de Van der Merwe a provoqué la colère de certains éléments de notre société qui veulent saper l’État de droit », a déclaré Cyril Ramaphosa.
Un climat de peur qui paralyse la justice
Ce n’est malheureusement pas un cas isolé. Depuis plusieurs années, l’Afrique du Sud connaît une vague d’assassinats de témoins, de militants anti-corruption et même de magistrats.
Amnesty International a réagi immédiatement en condamnant le meurtre :
« Il ne s’agit pas seulement d’une attaque contre une personne, mais contre la justice et l’obligation de rendre des comptes en Afrique du Sud ».
L’ONG craint que ce genre d’exécution publique dissuade définitivement les futurs témoins de parler.
Une commission judiciaire sous haute tension
Le témoignage de Van der Merwe s’inscrivait dans une enquête bien plus large, présidée par l’ancien juge de la Cour constitutionnelle Mbuyiseli Madlanga.
Cette commission, créée en juillet dernier, examine des accusations graves portées par un chef de police provinciale contre le ministre de la Police lui-même, Senzo Mchunu, et d’autres hauts responsables.
Ils sont soupçonnés d’avoir démantelé une unité spéciale chargée d’enquêter sur des assassinats à motivation politique pour protéger des personnalités proches du pouvoir.
Suite à ces révélations, le président Ramaphosa avait suspendu le ministre Mchunu. Ce dernier et Julius Mkhwanazi ont tous deux nié toute malversation lors de leurs auditions.
Ramaphosa promet des mesures concrètes
Dans son communiqué, le chef de l’État a insisté sur la nécessité de rester « déterminé à éradiquer la corruption ».
Il a annoncé que le gouvernement allait « redoubler d’efforts pour protéger les lanceurs d’alerte et les témoins qui servent la nation avec courage face aux menaces criminelles ».
Reste à savoir si ces paroles se traduiront rapidement par des dispositifs efficaces : relogement secret, protection armée 24 h/24, fonds dédiés… Les précédents programmes de protection des témoins ont souvent montré leurs limites en Afrique du Sud.
Pourquoi ce meurtre nous concerne tous
Au-delà du drame humain, c’est tout le pacte démocratique sud-africain qui vacille. Quand témoigner devient une condamnation à mort, c’est l’idée même de justice qui s’effondre.
Trente ans après la fin de l’apartheid, le pays continue de se battre contre des réseaux mafieux infiltrés jusqu’au cœur des institutions.
Le courage de Van der Merwe, comme celui de tant d’autres avant lui, nous rappelle que la liberté a un prix. Et que ce prix est parfois payé par les plus braves.
Espérons que sa mort ne restera pas vaine et que les promesses présidentielles se transformeront enfin en actes.
À retenir :
• Un témoin clé abattu devant sa famille après avoir dénoncé des ordres criminels
• Ramaphosa parle d’attaque contre l’État de droit
• Amnesty International craint un effet dissuasif sur les futurs témoins
• Une commission examine actuellement des entraves aux enquêtes sur des assassinats politiques
L’Afrique du Sud est à la croisée des chemins. Soit elle parvient à protéger ceux qui osent parler, soit elle laisse la loi du silence l’emporter.
Le choix appartient désormais au pouvoir… et à la société toute entière.









