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Afrique du Sud : 11 Morts Dont un Enfant dans une Fusillade

Samedi matin à Pretoria, trois hommes armés ont ouvert le feu dans un foyer transformé en bar clandestin. Bilan : 11 morts, dont un enfant de trois ans et deux adolescents. La police pointe les débits illégaux, mais jusqu’à quand ces tueries vont-elles continuer ?

Il est un peu plus de quatre heures du matin quand les premières détonations déchirent le silence du township de Saulsville, à une vingtaine de kilomètres à l’ouest de Pretoria. Dans un foyer de travailleurs migrants, une trentaine de personnes boivent encore. Trois hommes armés font irruption et tirent à l’aveugle. Quand le calme revient, onze personnes sont mortes, dont un enfant de trois ans.

Un nouveau carnage qui glace le sang

Les faits sont d’une simplicité terrifiante. Vers 04 h 30 samedi, trois individus pénètrent dans ce que la police qualifie de « bar clandestin » aménagé à l’intérieur même du foyer. Ils vident leurs chargeurs sur le groupe d’hommes attablés. Vingt-cinq personnes sont touchées. Dix décèdent sur place, une onzième succombe à l’hôpital. Parmi les victimes figurent également un garçon de douze ans et une adolescente de seize ans.

La porte-parole de la police nationale, Athlenda Mathe, a confirmé le bilan avec une voix grave dans la voix : « Je peux confirmer qu’au total, 25 personnes se sont fait tirer dessus. » Elle a ajouté que l’alerte n’a été donnée que deux heures plus tard, vers six heures du matin, retard qui illustre à lui seul le sentiment d’abandon de certains quartiers.

« Nous sommes confrontés à un grave problème avec ces débits de boissons illégaux et sans licence. C’est là que se produisent la plupart des fusillades de masse », a-t-elle déplorer Athlenda Mathe.

Les shebeens, ces bars clandestins au cœur du drame

En Afrique du Sud, on les appelle shebeens. Ces débits de boisson illégaux, hérités de l’époque de l’apartheid où les Noirs n’avaient pas le droit de fréquenter les bars officiels, sont devenus des institutions dans les townships. On y vend de l’alcool à toute heure, souvent frelaté, et les armes y circulent librement.

La police le répète depuis des années : une proportion écrasante des tueries de masse survient dans ou autour de ces lieux. Disputes d’ivrognes, règlements de comptes entre gangs, extorsions de protection… tout peut dégénérer en quelques secondes quand l’alcool coule à flots et que les pistolets sont à portée de main.

Ce samedi-là, aucun mobile n’a encore été établi. Les tueurs ont pris la fuite et personne n’a été arrêté. Mais le schéma est tristement classique : une altercation anodine, une arme sortie trop vite, et c’est la boucherie.

Des chiffres qui donnent le vertige

Entre avril et septembre dernier, la police sud-africaine a recensé environ 63 homicides par jour sur l’ensemble du territoire. Soit près de 12 000 meurtres en six mois. À titre de comparaison, c’est plus que le total annuel de nombreux pays européens.

La majorité de ces morts violentes sont liées à des disputes personnelles, mais les vols aggravés et les guerres de gangs gonflent chaque jour la statistique. Johannesburg, Durban, Le Cap et maintenant Pretoria : aucune grande ville n’est épargnée.

Rappel de quelques tueries récentes

  • Octobre 2024 – Johannesburg : 2 adolescents tués, 5 blessés dans une fusillade entre gangs
  • Mai 2024 – Durban : 8 clients abattus dans un bar
  • 2023 – Province du Cap oriental : 18 membres d’une même famille exécutés dans une ferme

Des armes partout, légales ou non

L’Afrique du Sud compte des centaines de milliers d’armes à feu légales, détenues pour « protection personnelle » dans un pays où beaucoup ne font plus confiance à la police. Mais le vrai problème, ce sont les armes illégales, souvent volées ou importées clandestinement, qui inondent les townships.

Un pistolet 9 mm se négocie parfois à peine 200 euros dans la rue. Avec un chargeur plein et aucune question posée. Dans ce contexte, la moindre insulte peut devenir mortelle.

Une fatigue d’un peuple épuisé par la violence

Sur les réseaux sociaux sud-africains, les réactions oscillent entre colère et résignation. « Combien de morts faudra-t-il encore ? » demande une internaute. Un autre écrit simplement : « On vit dans la peur tous les jours. »

Les habitants des townships savent que la police, souvent débordée et parfois corrompue, ne peut pas être partout. Les patrouilles sont rares une fois la nuit tombée, et les enquêtes traînent en longueur quand elles aboutissent.

Dans le foyer de Saulsville, les survivants décrivent une scène d’apocalypse. Des corps affalés sur les tables, des flaques de sang, un enfant de trois ans touché alors qu’il dormait dans une pièce attenante. Des images qui hanteront longtemps les mémoires.

Que faire face à l’impuissance collective ?

Les autorités promettent régulièrement des plans d’urgence, des brigades spécialisées, des fermetures massives de shebeens. Mais les résultats restent minces. L’alcool continue de couler, les armes de circuler, et les tueurs de frapper.

Certains responsables locaux appellent désormais à une approche plus globale : lutte contre la pauvreté, création d’emplois pour les jeunes, désarmement volontaire, renforcement de la justice. Des mesures qui prennent du temps dans un pays où 63 % des moins de 25 ans sont au chômage.

En attendant, chaque week-end apporte son lot de drames. Et chaque famille pleure ses morts.

Le carnage de Pretoria n’est hélas qu’un épisode de plus dans une longue série. Mais il rappelle, une fois encore, que derrière les statistiques se cachent des vies brisées et un pays qui n’arrive plus à protéger ses enfants, même quand ils dorment.

Combien de temps encore avant que la colère ne se transforme en véritable sursaut collectif ? La question reste, pour l’instant, sans réponse.

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