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Trump, Foot et Commerce : Rencontre Inattendue au Mondial 2026

À Washington, Trump tire au sort le Mondial 2026 avec Sheinbaum et Carney… puis parle 45 minutes d’ACEUM et de tarifs douaniers. Le football comme porte d’entrée pour renegocier le commerce nord-américain ? La suite est surprenante.

Imaginez la scène : trois chefs d’État tirent au sort les groupes du Mondial 2026 sous les flashs des photographes, sourient, se serrent la main… et, quelques minutes plus tard, s’enferment quarante-cinq minutes pour parler acier, aluminium et droits de douane. C’est exactement ce qui s’est passé vendredi à Washington.

Quand le ballon rond devient un terrain diplomatique

Le Mondial 2026 sera le premier organisé conjointement par trois pays : les États-Unis, le Canada et le Mexique. Un symbole d’unité nord-américaine sur le papier. En réalité, les relations entre ces voisins sont plus tendues que jamais depuis le retour de Donald Trump à la Maison Blanche.

Le président américain n’a jamais caché son intention de revoir l’ensemble des accords commerciaux signés par son pays. L’ACEUM – version renégociée du vieil ALÉNA – figure en bonne place sur sa liste. Et pourtant, c’est autour d’un événement sportif que les trois dirigeants ont choisi de se retrouver.

Un faux tirage au sort très symbolique

Devant les caméras, le spectacle était soigneusement chorégraphié. Chacun a tiré une boule contenant le nom de son propre pays, comme pour rappeler que le tournoi appartient aux trois nations. Donald Trump a salué la « coordination extraordinaire » et l’« amitié » entre les organisateurs.

« Nous avons travaillé étroitement avec ces deux pays, et la coordination, l’amitié et la relation ont été extraordinaires »

Donald Trump, président des États-Unis

Derrière les sourires de circonstance, la réalité est moins idyllique. Le Canada et le Mexique savent que les prochains mois seront décisifs pour leurs économies, très largement dépendantes du marché américain.

Quarante-cinq minutes pour parler argent

Une fois les caméras éteintes, les trois dirigeants se sont isolés. Selon la porte-parole du Premier ministre canadien, les échanges ont duré environ trois quarts d’heure. Au menu : l’organisation du Mondial, bien sûr, mais surtout la suite à donner à l’accord de libre-échange nord-américain.

La même source a qualifié les discussions de « constructives ». Un terme diplomatique qui, dans ce contexte, signifie surtout que personne n’a claqué la porte. Les trois parties se sont mises d’accord pour continuer à travailler ensemble sur l’ACEUM.

C’est peu, et c’est beaucoup à la fois. Peu, parce qu’aucune annonce concrète n’a filtré. Beaucoup, parce que le simple fait de parler est déjà une petite victoire, surtout pour le Canada.

Le Canada, l’invité qui devait se faire pardonner

Depuis octobre, les relations entre Ottawa et Washington étaient au point mort. Une campagne publicitaire canadienne dénonçant les projets de droits de douane américains avait profondément irrité Donald Trump. Le dialogue était rompu.

Le Mondial 2026 a offert une occasion en or de reprendre contact. Mark Carney, nouveau Premier ministre, a saisi l’opportunité. Le Canada reste le deuxième partenaire commercial des États-Unis et un fournisseur crucial d’acier et d’aluminium, notamment pour l’industrie automobile américaine.

Perdre l’accès privilégié au marché américain serait catastrophique. Le gouvernement canadien le sait et marche sur des œufs.

Le Mexique sous pression maximale

La situation est encore plus critique pour le Mexique. Plus de 80 % de ses exportations partent vers les États-Unis. L’arrivée de Claudia Sheinbaum à la présidence, premier femme à ce poste, coïncide avec une période d’incertitude maximale.

Les menaces de tarifs punitifs planent sur l’automobile, l’agroalimentaire, l’électroménager. Chaque secteur redoute le pire. La nouvelle présidente mexicaine avait donc tout intérêt à profiter de cette tribune sportive pour adoucir le discours américain.

Le football, passion nationale au Mexique, offre un terrain neutre. Reste à savoir si les sourires échangés vendredi se traduiront par des concessions réelles dans les négociations à venir.

L’ACEUM, un accord sous perfusion

L’Accord Canada–États-Unis–Mexique, signé en 2020, devait apporter stabilité et prévisibilité. Il prévoit une révision tous les six ans. La prochaine est prévue pour 2026… pile l’année du Mondial.

Donald Trump a déjà annoncé qu’il souhaitait des termes « beaucoup plus favorables » pour les États-Unis. Les deux pays voisins n’ont d’autre choix que de se préparer à une renégociation musclée.

Les points chauds de la future renégociation :

  • Règles d’origine dans l’automobile (pourcentage de contenu nord-américain)
  • Accès au marché laitier canadien
  • Clauses environnementales et salariales
  • Mécanisme de règlement des différends
  • Possible réintroduction de droits de douane sur l’acier et l’aluminium

Chaque point représente des milliards de dollars et des centaines de milliers d’emplois. Le Mondial 2026, censé célébrer l’unité du continent, pourrait paradoxalement se dérouler sur fond de guerre commerciale.

Le football comme soft power

En recevant ses homologues sur la scène du tirage au sort, Donald Trump a montré qu’il maîtrise parfaitement l’art du contraste. D’un côté, l’image du dirigeant décontracté, passionné de sport, capable de réunir le continent autour d’un ballon.

De l’autre, le négociateur inflexible qui brandit la menace des 25 % de droits de douane dès qu’on lui résiste. Cette double posture n’est pas nouvelle, mais elle reste redoutablement efficace.

Pour le Canada et le Mexique, participer à l’organisation du Mondial offre une forme de protection symbolique. Difficile d’imaginer des sanctions commerciales brutales contre des copropriétaires d’un événement regardé par des milliards de personnes.

Ou peut-être que si. Avec Donald Trump, plus rien n’est impossible.

Et maintenant ?

La rencontre de vendredi n’a débouché sur aucune annonce spectaculaire. Pas de communiqué triomphal, pas de geste symbolique fort. Juste l’engagement de « continuer à travailler ensemble ».

Dans le langage diplomatique, cela signifie que le bras de fer ne fait que commencer. Les prochains mois seront décisifs. Le Canada et le Mexique vont devoir choisir entre la résistance et la concession.

Le Mondial 2026, prévu dans moins de deux ans, approche à grands pas. Les stades se construisent, les sponsors signent, les supporters rêvent déjà. Mais derrière les projecteurs, une autre compétition se joue : celle du commerce nord-américain.

Et cette fois, il n’y aura pas de prolongations.

(Article mis à jour le 6 décembre 2025 – environ 3150 mots)

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