Imaginez la scène : un gros-porteur américain se pose en pleine nuit sur le tarmac de l’aéroport international de Caracas. À bord, 172 personnes, dont des enfants, qui n’avaient jamais pensé revenir aussi vite – et dans ces conditions. Vendredi dernier, ce vol en provenance de Phoenix a marqué un nouveau chapitre dans la crise qui oppose les États-Unis au Venezuela. Un chapitre où l’immigration, le pétrole et les menaces militaires s’entremêlent dangereusement.
Un deuxième vol en quelques jours malgré la fermeture de l’espace aérien
Ce n’est pas le premier appareil de ce type à atterrir cette semaine. Mercredi déjà, un vol similaire avait ramené des dizaines de Vénézuéliens expulsés. Mais celui de vendredi possède une symbolique particulière : il défie ouvertement les déclarations américaines selon lesquelles l’espace aérien vénézuélien serait « entièrement fermé ».
Fin novembre, l’Administration fédérale de l’aviation avait émis un avertissement très ferme demandant aux compagnies de « prendre des précautions extrêmes » au-dessus du territoire vénézuélien. Résultat : la quasi-totalité des transporteurs internationaux ont suspendu leurs liaisons. Pourtant, les avions militaires ou affrétés par les autorités américaines, eux, continuent de voler.
Qui étaient les passagers de ce vol ?
Les autorités vénézuéliennes, qui diffusent largement ces images de retour, précisent la composition du groupe :
- 141 hommes
- 26 femmes
- 5 enfants
Des familles entières, des jeunes partis chercher un avenir meilleur aux États-Unis, se retrouvent aujourd’hui rapatriées dans un pays en pleine crise économique. Pour Caracas, ces images servent aussi de propagande : on parle officiellement de « retour à la patrie » et non d’expulsion.
« Ce sont nos frères qui reviennent dignement chez eux », a déclaré un responsable vénézuélien à l’aéroport.
Plus de 18 000 retours forcés en quelques mois
Le chiffre officiel donne le vertige. Depuis le lancement de ces opérations, plus de 18 260 Vénézuéliens ont été rapatriés via ces vols spéciaux. Parmi eux, plus de 14 000 provenaient directement des États-Unis. Les autres arrivaient de pays voisins où ils s’étaient retrouvés bloqués.
Cette politique s’inscrit dans la volonté affichée du président américain de réduire drastiquement l’immigration irrégulière, l’un des piliers de sa campagne et de son mandat. Mais au Venezuela, chaque arrivée est transformée en événement médiatique pour dénoncer « l’impérialisme yankee ».
Un déploiement militaire massif dans les Caraïbes
Parallèlement aux expulsions, Washington a considérablement renforcé sa présence militaire dans la région. Le plus grand porte-avions du monde croise actuellement au large des côtes vénézuéliennes. Officiellement, il s’agit de lutter contre les cartels de la drogue. Officieusement, beaucoup y voient une menace directe contre le pouvoir en place à Caracas.
Nicolas Maduro n’a pas tardé à réagir. Pour lui, ce déploiement n’a qu’un seul but : préparer une intervention pour s’emparer des immenses réserves de pétrole du pays, les plus importantes au monde.
« Ils veulent notre pétrole, pas la démocratie », répète-t-il à longueur de discours.
Des frappes controversées et des zones grises juridiques
Depuis plusieurs semaines, les forces américaines mènent des opérations coup de poing dans les Caraïbes et dans le Pacifique. Plus d’une vingtaine de frappes ont été annoncées, la dernière datant de vendredi même. Le bilan officiel fait état d’au moins 87 morts.
Mais un incident a particulièrement choqué : lors d’une opération, un navire déjà touché a reçu une seconde salve, tuant deux survivants. L’opération, supervisée par le ministre de la Défense Pete Hegseth, est aujourd’hui très critiquée, y compris aux États-Unis.
De nombreux experts en droit international contestent la légalité de ces interventions. Aucune preuve publique n’a été présentée établissant un lien direct entre les cibles et le narcotrafic. Pour beaucoup, ces actions relèvent davantage de la démonstration de force que de la lutte antidrogue.
Des discussions secrètes entre Trump et Maduro ?
Dans ce climat explosif, une information a surpris : Donald Trump a reconnu avoir eu une conversation téléphonique avec Nicolas Maduro la semaine précédente. Le contenu exact de cet échange reste inconnu. Le président américain alterne en effet les menaces et les déclarations plus conciliantes, soufflant le chaud et le froid.
Certains y voient une tentative de négociation discrète. D’autres estiment qu’il s’agit simplement pour Trump de garder toutes les options ouvertes, y compris celle d’une intervention militaire directe.
Pourquoi cette crise prend-elle une telle ampleur maintenant ?
Plusieurs facteurs se combinent. D’abord, la volonté américaine de montrer les muscles après des années de tensions avec Caracas. Ensuite, la situation humanitaire au Venezuela continue de pousser des centaines de milliers de personnes à l’exil – et beaucoup tentent leur chance vers le nord.
Enfin, le contrôle des immenses réserves pétrolières vénézuéliennes reste un enjeu stratégique majeur. Dans un contexte où les prix de l’énergie fluctuent et où les États-Unis cherchent à réduire leur dépendance aux pétroles du Moyen-Orient, le sous-sol vénézuélien fait toujours rêver.
Que peut-il se passer dans les prochains jours ?
La situation reste extrêmement volatile. Chaque nouveau vol de rapatriement, chaque annonce de frappe militaire ajoute de l’huile sur le feu. Les regards sont tournés vers Washington et Caracas, mais aussi vers les capitales sud-américaines qui observent avec inquiétude cette escalade.
Une désescalade semble peu probable à court terme. Tant que les enjeux pétroliers, migratoires et géopolitiques resteront aussi brûlants, la crise USA-Venezuela risque de connaître de nouveaux rebondissements spectaculaires.
Une chose est sûre : l’atterrissage de cet avion à Caracas n’était pas qu’un simple vol de retour. C’était un message. Des deux côtés de la frontière, on joue gros. Et pour l’instant, personne ne semble prêt à baisser le ton.
À retenir : En quelques jours, deux avions américains ont rapatrié des centaines de Vénézuéliens malgré la fermeture officielle de l’espace aérien. En parallèle, la présence militaire américaine atteint des niveaux jamais vus dans les Caraïbes depuis des décennies. Le pétrole, l’immigration et le pouvoir sont au cœur d’un bras de fer qui pourrait encore s’envenimer très rapidement.









