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Sanctions US sur la CPI : Un Magistrat Brise le Silence

Traiter les juges de la CPI comme des « terroristes ou trafiquants de drogue » ? Le procureur adjoint Mame Mandiaye Niang règle ses comptes avec les sanctions américaines et ouvre la porte à des procès par contumace contre Netanyahu et Poutine. Ce qu’il révèle va vous surprendre…

Imaginez-vous un matin ordinaire : vous voulez simplement recharger votre voiture hybride et… impossible. Votre carte American Express est bloquée. Vous ne pouvez plus envoyer d’argent à vos enfants. Vous êtes considéré, sur une liste officielle américaine, au même titre que des narcotrafiquants ou des terroristes. Ce n’est pas le scénario d’un thriller. C’est la réalité quotidienne de Mame Mandiaye Niang, procureur adjoint de la Cour pénale internationale.

Quand la justice internationale devient une cible

Depuis les mandats d’arrêt émis contre Benjamin Netanyahu et son ancien ministre de la Défense pour des crimes présumés à Gaza, l’administration Trump a riposté avec une arme inattendue : des sanctions individuelles contre les hauts responsables de la CPI. Mame Mandiaye Niang, 65 ans, magistrat sénégalais respecté, fait partie des visés. Il a accepté de parler longuement, avec une franchise rare, des conséquences concrètes de ces mesures.

« On peut ne pas être d’accord avec ce que nous faisons, cela arrive tout le temps », explique-t-il calmement. « Mais nous mettre sur la même liste que des terroristes ou des trafiquants de drogue, ça jamais. » Le message est clair : il s’adresse directement à Donald Trump.

Des sanctions qui touchent la vie privée

Derrière les grands principes, il y a le quotidien. Le procureur adjoint décrit avec une pointe d’humour noir les petits détails qui rendent ces sanctions insupportables.

Impossible de payer un plein d’essence pour sa voiture hybride sans carte de crédit valide. Impossible d’aider financièrement sa famille au Sénégal. Même un abonnement totalement européen nécessite parfois une carte émise par un réseau américain. Résultat : tout se fige.

« J’ai un abonnement qui n’a absolument rien à voir avec les États-Unis, mais j’ai besoin d’une carte de crédit. Et ma carte de crédit, c’était une American Express »

Mame Mandiaye Niang

Ces mesures ne restent pas cantonnées aux bureaux de La Haye. Elles s’invitent dans les repas de famille, les projets de vacances, la simple sérénité du quotidien.

Une attaque contre l’idée même de justice universelle

Pour Mame Mandiaye Niang, ces sanctions vont bien au-delà des individus. Elles visent la seule juridiction permanente capable de juger les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité et le génocide.

En s’attaquant à ses magistrats, les États-Unis fragilisent délibérément cet outil pourtant créé avec leur soutien initial au début des années 2000. Le risque ? Délégitimer totalement la CPI aux yeux du monde.

Le procureur adjoint le martèle : les sanctions ont leur place dans les relations internationales, mais jamais contre une cour de justice indépendante. Sinon, c’est la porte ouverte à tous les abus de pouvoir.

Procès par contumace : la nouvelle arme de la CPI ?

Face à l’impuissance apparente – la CPI n’a pas de police propre –, une solution émerge : l’audience de confirmation des charges en l’absence de l’accusé.

C’est une petite révolution juridique. Jusqu’à récemment, la Cour refusait de tenir des audiences sans la présence physique du suspect. Mais l’affaire Joseph Kony, le chef rebelle ougandais toujours en fuite, a changé la donne.

Pour la première fois, une audience s’est déroulée sans l’accusé. Résultat concluant selon Mame Mandiaye Niang : les preuves sont protégées, les victimes peuvent témoigner, l’histoire s’écrit malgré tout.

« C’est quelque chose d’envisageable. Nous l’avons testé dans l’affaire Kony. C’est effectivement une procédure lourde. Mais là, on l’a testé et on se rend compte que c’est possible et que c’est utile »

Mame Mandiaye Niang

Traduction : des audiences similaires pourraient un jour concerner Vladimir Poutine ou Benjamin Netanyahu. Ce ne serait pas un procès complet, mais une étape décisive : la confirmation publique des charges retenues.

Une atmosphère « pourrie » à La Haye

En ce moment, Mame Mandiaye Niang assure l’intérim à la tête du bureau du procureur. Le titulaire, Karim Khan, s’est mis en retrait le temps d’une enquête pour des accusations d’abus sexuels qu’il conteste fermement.

L’ambiance est lourde. « Même si ce ne sont que des accusations, cela nous perturbe et nous a affectés parce que cela a pourri l’atmosphère de la cour », confie le magistrat sénégalais.

Certaines parties, notamment israéliennes, n’ont pas hésité à exploiter cette crise interne pour discréditer les mandats d’arrêt dans le dossier Palestine. Un timing jugé plus que suspect.

Des succès qui rappellent l’utilité de la CPI

Malgré les tempêtes, la Cour continue d’avancer. Cette année a été marquée par des victoires significatives :

  • L’arrestation de l’ancien président philippin Rodrigo Duterte
  • La condamnation d’un chef de milice soudanaise
  • Des enquêtes élargies en Amérique latine, en Asie et même en Europe (Ukraine)

Autre évolution notable : après des années critiquées pour son focus presque exclusif sur l’Afrique, la CPI diversifie clairement ses dossiers. Le message est limpide : personne n’est au-dessus des lois.

« Le monde a encore besoin de nous »

À 65 ans, Mame Mandiaye Niang ne baisse pas les bras. Au contraire. Il voit dans cette crise une preuve supplémentaire de l’importance de la Cour.

« C’est en ce moment que notre existence est menacée. Le monde a besoin de nous plus que jamais », lance-t-il avec détermination.

Car chaque jour, des crimes de masse sont commis quelque part sur la planète. Tant que l’impunité régnera pour les plus puissants, la CPI aura une raison d’être.

« La cour est là, et on aurait bien souhaité qu’elle ne serve plus à rien. Malheureusement, le monde est encore ce qu’il est, et nous avons encore du travail »

Mame Mandiaye Niang

Ces mots résonnent comme un appel. Pas seulement aux États membres de la CPI, mais à tous ceux qui croient encore qu’un jour, la justice pourra être la même pour tous, peu importe le passeport ou le pouvoir.

En attendant, à La Haye, des magistrats continuent leur travail. Parfois sans carte de crédit. Parfois sous pression politique immense. Mais toujours debout.

Dans un monde où les puissants dictent trop souvent leurs propres règles, des hommes et des femmes choisissent encore de dire le droit. Quitte à en payer le prix personnel. C’est peut-être cela, finalement, le vrai courage judiciaire.

La bataille pour une justice internationale indépendante est loin d’être terminée. Elle vient peut-être même de commencer un nouveau chapitre, plus dur, plus incertain, mais résolument nécessaire.

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