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Liban-Israël : Vers une Paix Fragile ou Nouvelle Guerre ?

Le Liban jure qu’il ne veut pas la guerre, le Hezbollah soutient la diplomatie… mais Israël bombarde toujours le Sud et refuse de se retirer de cinq points stratégiques. Ces discussions historiques suffiront-elles à éviter l’embrasement ? La réponse risque de tout changer.

Imaginez deux pays techniquement en guerre depuis plus de soixante-dix ans qui, pour la première fois depuis des décennies, acceptent de s’asseoir à la même table avec des civils autour d’eux. Mercredi dernier, cela s’est produit à Naqoura, sous l’égide des Nations unies. Et pourtant, vingt-quatre heures plus tard, les bombes israéliennes tombaient encore sur le sud du Liban. Cette contradiction résume à elle seule la complexité extrême de la situation actuelle entre Beyrouth et Tel-Aviv.

Un cessez-le-feu qui vacille dès sa naissance

Novembre 2024. Après treize mois d’une guerre dévastatrice qui a fait des milliers de morts et déplacé plus d’un million de Libanais, un accord de cessez-le-feu est enfin arraché sous pression américaine. L’espoir est immense, mais il est immédiatement mis à rude épreuve.

Israël accuse le Hezbollah de se réarmer en violation de l’accord. Beyrouth rétorque qu’Israël viole lui-même la trêve en maintenant des troupes dans cinq points stratégiques du sud et en multipliant les frappes aériennes. Chacun brandit la même résolution 1701 de l’ONU, mais chacun l’interprète à sa sauce.

Les déclarations officielles : « Nous ne voulons pas la guerre »

Le président libanais Joseph Aoun a été on ne peut plus clair devant la délégation du Conseil de sécurité de l’ONU : « Les Libanais ne veulent pas d’une nouvelle guerre, ils ont assez souffert et il n’y aura pas de retour en arrière. » Des mots forts, prononcés dans un pays encore couvert de gravats.

« Il est inacceptable de négocier sous les bombes »

Nabih Berri, président du Parlement libanais et proche du Hezbollah

Cette phrase résume le sentiment général à Beyrouth : comment discuter sereinement quand les sirènes retentissent encore dans les villages frontaliers ?

Le Hezbollah change de ton… mais pose ses conditions

Le plus surprenant vient peut-être du côté du Hezbollah lui-même. Naïm Qassem, son secrétaire général, a déclaré soutenir « l’approche diplomatique » choisie par l’État libanais. Une prise de position qui, il y a encore quelques mois, aurait paru impensable.

Mais le mouvement chiite ne lâche pas la bride pour autant. Il qualifie d’« erreur » la présence d’un civil libanais dans le comité de surveillance du cessez-le-feu et refuse tout désarmement tant qu’Israël occupera les cinq points litigieux du sud.

En clair : oui à la diplomatie, mais uniquement si elle force Israël à respecter pleinement l’accord. Sinon, rien ne changera.

Des discussions directes historiques… et déjà menacées

La réunion de mercredi à Naqoura a marqué un tournant. Pour la première fois depuis des décennies, des responsables civils libanais et israéliens se sont retrouvés dans la même pièce. Un événement qualifié de « positif » par Beyrouth.

Mais le lendemain, les avions israéliens frappaient à nouveau le sud, officiellement pour détruire des « infrastructures militaires » du Hezbollah. Le message est clair : Israël ne compte pas relâcher la pression tant que ses exigences ne seront pas satisfaites.

Prochain rendez-vous fixé au 19 décembre. D’ici là, chaque frappe, chaque survol, chaque incident frontalier sera scruté comme un test de la solidité de ce fragile cessez-le-feu.

Les cinq points qui bloquent tout

Parmi les principaux points de discorde figurent cinq positions qu’Israël occupe encore dans le sud du Liban. Pour Beyrouth et le Hezbollah, leur évacuation est la condition sine qua non à toute avancée.

Les Libanais y voient une violation flagrante de leur souveraineté. Israël, lui, justifie leur maintien par des « nécessités sécuritaires » tant que le Hezbollah restera armé au-delà de la rivière Litani.

On tourne en rond. Et chaque jour qui passe sans retrait israélien renforce la position du Hezbollah qui peut légitimement dire : « Pourquoi désarmerions-nous si l’ennemi est encore sur notre sol ? »

La pression internationale, une arme à double tranchant

Washington et Tel-Aviv exercent une pression colossale sur Beyrouth pour que l’armée libanaise désarme le Hezbollah au sud du Litani, comme prévu par la résolution 1701. Le président Aoun a d’ailleurs rappelé l’engagement de l’État libanais à appliquer les résolutions internationales.

Mais dans les faits, l’armée libanaise, sous-équipée et politiquement fragile, n’a ni les moyens ni surtout la volonté politique d’affronter le Hezbollah sur son propre terrain. Toute tentative en ce sens risquerait de plonger le pays dans le chaos.

Le Hezbollah le sait. L’État libanais le sait. Et Israël le sait probablement aussi.

L’ONU au milieu du gué

La FINUL, présente depuis 1978, se retrouve une fois de plus en première ligne. La délégation du Conseil de sécurité actuellement en visite au Liban doit évaluer la situation sur le terrain. Samedi, elle se rendra dans le sud accompagnée de l’émissaire américaine Morgan Or

Son rapport sera déterminant. Va-t-elle pointer du doigt les violations israéliennes ? Ou se contenter de rappeler les obligations libanaises ? Le ton du document pourrait influencer les prochaines étapes diplomatiques.

Un peuple épuisé qui ne croit plus aux miracles

Au-delà des déclarations politiques, il y a la réalité quotidienne des Libanais. Un pays en ruines économiques depuis 2019, une monnaie qui a perdu plus de 95 % de sa valeur, des hôpitaux au bord de l’asphyxie, des écoles fermées pendant des mois.

La guerre de 2024-2025 a achevé de détruire ce qui restait d’espoir. Aujourd’hui, la seule chose que demande la majorité de la population, c’est la paix. Pas une paix parfaite, pas une paix triomphante. Juste l’arrêt des bombes.

Et c’est peut-être cette lassitude extrême qui constitue aujourd’hui le meilleur allié de la diplomatie.

Que peut-il se passer d’ici la fin de l’année ?

Plusieurs scénarios sont sur la table :

  • Un retrait progressif israélien couplé à un redéploiement de l’armée libanaise au sud : le scénario idéal, mais qui nécessite une confiance mutuelle inexistante aujourd’hui.
  • Une nouvelle escalade militaire si les négociations du 19 décembre échouent.
  • Un statu quo tendu, avec des incidents réguliers mais sans guerre ouverte : le scénario le plus probable à court terme.

Le président Aoun l’a dit sans détour : l’issue dépendra avant tout de la position d’Israël. Si Tel-Aviv choisit la confrontation permanente, la région replongera dans le cycle infernal de la violence.

Mais si, pour une fois, la realpolitik l’emporte sur l’idéologie, alors ce cessez-le-feu bancal pourrait être le premier pas vers une désescalade durable.

Pour l’instant, le Liban retient son souffle. Entre l’espoir ténu né de ces discussions directes et la réalité des bombes qui continuent de tomber, la marge est plus mince que jamais.

La suite, on la connaîtra peut-être dès le 19 décembre. D’ici là, chaque jour sans guerre totale est déjà une petite victoire.

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