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Amende Record de 120 M€ : L’UE Frappe X au Cœur

120 millions d’euros : la Commission européenne vient de frapper X d’une amende record pour violation du DSA. Derrière les arguments techniques sur les coches bleues et la transparence se cache une question brûlante : jusqu’où l’Europe peut-elle réguler la parole en ligne sans basculer dans la censure ? L’affaire ne fait que commencer…

Imaginez un instant : vous ouvrez votre application préférée, et la petite coche bleue qui garantissait autrefois l’authenticité d’un compte devient soudain l’arme d’une bataille géante entre Bruxelles et la Silicon Valley. Ce n’est plus de la science-fiction. Vendredi 5 décembre 2025, la Commission européenne a infligé à X la première amende jamais prononcée sous le règlement sur les services numériques (DSA) : 120 millions d’euros. Un montant record qui fait trembler les géants du web et relance le débat sur la frontière entre régulation légitime et censure déguisée.

Une première historique qui change la donne

Pour la première fois depuis l’entrée en vigueur du Digital Services Act en 2022, Bruxelles passe à l’acte lourd. L’amende vise trois griefs précis constatés dès juillet 2024. Chacun d’eux touche au cœur du modèle de X depuis le rachat par Elon Musk.

La coche bleue, symbole devenu piège

Ce qui était autrefois un gage de notoriété est devenu, sous X Premium, un simple abonnement payant. N’importe qui peut désormais arborer la fameuse vérification bleue. Pour la Commission, cette évolution constitue une tromperie caractérisée des utilisateurs. Le risque ? Des comptes frauduleux ou malveillants qui profitent d’une apparence d’authenticité pour diffuser mensonges ou contenus dangereux.

Le raisonnement européen est limpide : quand des millions de personnes font confiance à un symbole, le modifier sans garde-fous clairs revient à induire en erreur. Et dans un contexte où la désinformation peut influencer des élections ou attiser des violences, Bruxelles estime que le jeu n’est plus acceptable.

Transparence publicitaire : le flou persistant

Deuxième point noir : la bibliothèque publicitaire de X. Le DSA impose aux très grandes plateformes de rendre accessible, de manière détaillée, qui paie pour quel message et auprès de quel public. Or les enquêteurs européens jugent l’outil actuel opaque, incomplet et difficilement exploitable. Des ciblages politiques ou sociétaux peuvent ainsi passer sous les radars.

Ce manque de clarté n’est pas anodin. Il empêche les journalistes, les chercheurs et les autorités de comprendre comment certains discours se propagent à grande échelle, parfois avec des financements douteux. Pour Bruxelles, c’est une atteinte directe à la souveraineté démocratique.

Accès aux données : les chercheurs laissés sur le carreau

Troisième grief, et pas des moindres : X restreint fortement l’accès à ses données pour les chercheurs indépendants agréés. Le DSA pourtant l’exige clairement. Là où Meta ou TikTok ont mis en place des interfaces dédiées, X traîne des pieds. Résultat ? Les études sur la viralité des discours de haine, des théories conspirationnistes ou de la manipulation électorale sont freinées.

Des universitaires européens se plaignent depuis des mois de formulaires interminables, de refus systématiques ou de données expurgées. Pour la Commission, c’est une violation flagrante qui justifie à elle seule une partie de l’amende.

« Nous ne sommes pas là pour imposer les amendes les plus élevées possibles, mais pour nous assurer que nos lois sur le numérique soient respectées. »

Henna Virkkunen, vice-présidente de la Commission européenne

Cette phrase, prononcée quelques heures après l’annonce, résume la position officielle : on applique la loi, point final. Mais dans les couloirs de Bruxelles, certains parlent déjà d’un signal fort envoyé à tous les géants américains.

La riposte immédiate venue d’outre-Atlantique

Avant même la publication officielle du communiqué, la contre-attaque fusait. JD Vance, vice-président des États-Unis, dégainait sur X un message sans détour :

« L’UE devrait défendre la liberté d’expression au lieu de s’en prendre à des entreprises américaines pour des foutaises. »

Elon Musk répondait simplement « Thank you » avec un drapeau américain. Le ton était donné. Washington voit dans cette décision une nouvelle preuve du protectionnisme numérique européen et d’une volonté de museler les plateformes qui refusent de se plier à la doxa progressiste.

Car derrière les arguments techniques, le fond du débat est politique. X, depuis 2022, a largement assoupli sa modération. Des comptes autrefois bannis pour désinformation ou incitation à la haine y ont été réintégrés. Pour beaucoup d’Européens, c’est intolérable. Pour les défenseurs de la liberté d’expression absolue, c’est un retour à la normale après des années de censure privée.

Un bras de fer qui dépasse largement X

Cette amende n’arrive pas dans le vide. Elle s’inscrit dans une longue série de tensions transatlantiques :

  • Refus européen d’assouplir le DSA en échange d’allègements sur les droits de douane acier/aluminium
  • Menaces répétées de sanctions contre Apple, Google ou Meta
  • Projet de taxation des géants du numérique toujours dans les cartons
  • Divergences profondes sur la définition même de la « haine en ligne »

Autant de dossiers qui font de cette sanction un symbole. L’Europe affirme vouloir construire une souveraineté numérique qui ne dépende plus des règles made in California. Quitte à froisser son principal allié géopolitique.

À retenir : Cette amende de 120 millions d’euros n’est que la première étape. Les enquêtes sur la modération des contenus illégaux et de la désinformation se poursuivent. Elles pourraient déboucher sur des sanctions bien plus lourdes : jusqu’à 6 % du chiffre d’affaires mondial annuel de X.

Et maintenant ? Trois scénarios possibles

1. X paie et se plie
Peu probable. Elon Musk a toujours privilégié la confrontation à la soumission. Payer reviendrait à reconnaître publiquement la légitimité des griefs européens.

2. X fait appel et gagne du temps
Scénario le plus crédible. Un recours devant la justice européenne peut durer des années. Pendant ce temps, les pratiques continuent.

3. L’Europe durcit le ton
Si X persiste, Bruxelles dispose d’un arsenal impressionnant : amendes quotidiennes, blocage partiel ou total en Europe, injonctions sous astreinte. Des mesures extrêmes qui seraient politiquement explosives.

Ce qui est sûr, c’est que cette affaire marque un tournant. Le temps où les plateformes américaines dictaient seules leurs règles en Europe est révolu. Reste à savoir si cette régulation renforcée protégera vraiment les citoyens… ou si elle ouvrira la porte à une censure institutionnelle d’un nouveau genre.

Car la question ultime demeure : qui décide de ce qui est acceptable de dire en ligne ? Des ingénieurs à San Francisco ? Des fonctionnaires à Bruxelles ? Ou les citoyens eux-mêmes ?

La bataille pour la liberté d’expression à l’ère numérique ne fait que commencer. Et elle risque de durer bien plus longtemps que les 120 millions d’euros ne le laisseront croire.

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