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Hong Kong : Liberté d’Expression en Danger après un Incendie Meurtrier

159 morts dans l’incendie d’un immeuble à Hong Kong. Un simple appel à la justice affiché sur un « mur de la démocratie » universitaire vaut à un syndicat étudiant une suspension immédiate. Pourquoi un message de solidarité déclenche-t-il une telle réaction ? La suite est glaçante…

Imaginez un campus universitaire où un simple appel à la justice, placardé après une tragédie qui a coûté la vie à 159 personnes, suffit à faire tomber un syndicat étudiant entier. C’est exactement ce qui vient de se produire à Hong Kong, quelques jours seulement après l’incendie le plus meurtrier dans un immeuble résidentiel depuis plus de quarante ans.

Le drame s’est déroulé fin novembre dans le district de Tai Po. Un complexe d’habitations a été ravagé par un feu d’une violence extrême, laissant derrière lui des familles détruites et une ville sous le choc. Dans ce contexte de deuil collectif, des étudiants ont voulu exprimer leur solidarité. Rien de plus humain. Pourtant, ce geste anodin a déclenché une réaction institutionnelle brutale.

Un « mur de la démocratie » devenu cible

À l’Université baptiste de Hong Kong (HKBU), il existe encore un tableau d’affichage surnommé le « mur de la démocratie ». Héritage des années où les étudiants pouvaient s’exprimer librement, il est aujourd’hui l’un des derniers espaces de parole visible sur certains campus. Un message non signé y a été collé : « Nous sommes des Hongkongais. Exhortons le gouvernement à répondre aux demandes afin que justice soit rendue ».

Rien d’insurrectionnel. Pas d’appel à la violence, pas d’insulte. Juste une demande de transparence et de justice pour les victimes. Pourtant, dès le mercredi suivant, des barricades ont bloqué l’accès à ce mur. Deux jours plus tard, l’université annonçait la suspension immédiate et jusqu’à nouvel ordre du syndicat étudiant qui gérait cet espace.

« Seul un faible pourcentage d’étudiants sont membres. De plus, le comité n’a pas fait preuve d’une volonté de se conformer aux règles de l’université dans des domaines comme la gestion financière »

L’université, dans sa justification officielle

Ces arguments administratifs sonnent comme un prétexte. Le syndicat, lui, parle d’une décision arbitraire et infondée et s’interroge ouvertement sur les « motivations cachées » derrière cette mesure punitive.

Un incendie qui révèle les failles d’un système

L’incendie de Tai Po n’est pas un simple accident tragique. Il soulève des questions brûlantes sur la sécurité des immeubles anciens, sur les délais d’intervention, sur la responsabilité des autorités. Depuis les faits, plusieurs personnes ont été arrêtées simplement pour avoir réclamé des explications. Un étudiant de 24 ans, Miles Kwan, à l’origine d’une pétition en ligne, a vu son initiative disparaître du web avant d’être lui-même interpellé.

Dans ce climat, afficher un message de solidarité n’est plus un acte citoyen. C’est un risque.

Le lent étranglement des syndicats étudiants

Il faut remonter à 2019 pour comprendre l’ampleur du phénomène. À l’époque, les syndicats étudiants étaient au cœur des manifestations prodémocratie. Ils organisaient, mobilisaient, portaient la voix d’une jeunesse qui refusait l’étreinte croissante de Pékin. La réponse ne s’est pas fait attendre : en 2020, la loi sur la sécurité nationale a été imposée à Hong Kong.

Depuis, c’est une hémorragie. Nombre d’organisations étudiantes ont réduit leurs activités au strict minimum. D’autres ont purement et simplement été dissoutes. Ceux qui subsistent marchent sur des œufs, conscients qu’un mot de trop peut tout faire basculer.

Le cas de l’Université baptiste n’est pas isolé. Il s’inscrit dans une tendance lourde : les campus, autrefois laboratoires de la liberté d’expression, deviennent des zones où la parole est surveillée, pesée, parfois étouffée.

Quand la solidarité devient suspecte

Ce qui frappe dans cette affaire, c’est la disproportion. Un message de compassion, dans un moment où toute une société pleure ses morts, est perçu comme une menace. Il ne s’agit même pas d’une critique directe du gouvernement, mais d’un appel à ce que « justice soit rendue ». Un principe universel, défendu dans n’importe quelle démocratie.

Or à Hong Kong, ce principe semble dorénavant conditionnel. Il dépend de l’endroit où on l’exprime, du moment, et surtout de qui écoute.

Un précédent inquiétant pour l’avenir

En suspendant ce syndicat, l’Université baptiste envoie un message clair à l’ensemble de la communauté étudiante : même un geste de solidarité peut avoir un coût. Et ce coût est immédiat, collectif, sans appel.

Derrière les justifications administratives se profile une réalité plus sombre : la peur de voir renaître, même sous une forme minimale, l’esprit de contestation qui avait embrasé la ville il y a six ans. Comme si le simple fait de se souvenir qu’on peut demander des comptes était déjà une forme de subversion.

Au-delà du campus, c’est toute la société hongkongaise qui reçoit le signal. Dans le deuil, il faut se taire. Dans l’injustice, il faut baisser les yeux. Dans la douleur, il est préférable de ne pas chercher à comprendre.

Pourtant, l’histoire montre que c’est précisément dans ces moments-là que la parole collective prend tout son sens. En muselant ceux qui osent encore l’exprimer, même avec retenue, Hong Kong s’éloigne un peu plus de ce qu’elle fut. Et la question demeure : jusqu’où ira cette spirale du silence ?

Parce qu’un jour, il ne restera peut-être plus personne pour demander justice. Ni sur un mur de la démocratie, ni ailleurs.

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