Imaginez la scène : un bateau file à toute allure sur une mer d’un bleu profond, puis une explosion déchire le ciel et tout bascule en quelques secondes. Quatre hommes meurent sur le coup. Pour l’armée américaine, ce sont des narcotrafiquants. Pour une partie du Congrès, ce sont peut-être des cibles abattues alors qu’ils étaient déjà hors de combat.
Une nouvelle frappe qui ravive la polémique
Jeudi, le commandement militaire américain pour l’Amérique latine et les Caraïbes (Southcom a annoncé avoir détruit un navire dans l’est du Pacifique. Selon les autorités, l’embarcation transportait des stupéfiants et empruntait un couloir bien connu des trafiquants. Une vidéo diffusée sur les réseaux montre le bateau en pleine vitesse avant qu’une explosion ne l’engloutisse.
Quatre personnes présentées comme des narcoterroristes ont été tuées. Mais cette opération arrive au pire moment : l’administration Trump est déjà sous le feu des critiques pour des frappes similaires menées depuis septembre, notamment en mer des Caraïbes.
87 morts depuis le début de la campagne
Depuis plusieurs mois, les forces américaines multiplient les interventions contre des embarcations soupçonnées de transporter de la drogue. Le bilan officiel fait état de 87 personnes tuées. Problème : aucune preuve publique n’a été montrée pour justifier chaque cas.
Des experts en droit international s’interrogent ouvertement sur la légalité de ces actions menées en eaux internationales, parfois très loin des côtes américaines.
L’affaire qui a tout fait basculer
Le scandale a réellement explosé il y a quelques jours, après une révélation choc. Début septembre, un navire avait été touché une première fois dans les Caraïbes. Onze personnes trouvaient la mort. Mais des survivants s’accrochaient aux débris en flammes.
Puis une seconde salve a été tirée, achevant ceux qui tentaient de rester en vie. L’ordre aurait été validé au plus haut niveau.
« Ce que j’ai vu dans cette pièce a été l’une des choses les plus perturbantes que j’ai vues de tout mon temps passé au service du public. »
Jim Himes, démocrate, membre de la commission du renseignement de la Chambre
L’élu a visionné la vidéo classifiée montrée à huis clos à certains membres du Congrès. Il décrit deux individus clairement en détresse, sans moyen de locomotion, délibérément visés par les forces américaines.
« Des marins naufragés » selon les démocrates
Pour Jim Himes, il ne s’agit plus de lutte contre le trafic de drogue mais d’une exécution pure et simple. Il reconnaît que les victimes transportaient probablement des stupéfiants, mais insiste : à ce stade, elles ne représentaient plus aucune menace.
Du côté républicain, le sénateur Tom Cotton défend la décision de l’amiral chargé des opérations spéciales. Selon lui, l’officier a agi en toute légitimité et surtout sans avoir reçu d’ordre explicite de « ne pas faire de quartier ».
Le rôle du ministre de la Défense Pete Hegseth
Pete Hegseth, nouveau ministre de la Défense nommé par Donald Trump, se retrouve au cœur de la tempête. Certains élus démocrates l’accusent d’avoir personnellement validé la seconde frappe dans l’affaire de septembre.
L’amiral Frank Bradley, qui a donné l’ordre final, a pourtant démenti devant le Congrès avoir reçu instruction de tuer tous les occupants, quel que soit leur état.
Un contexte géopolitique explosif avec le Venezuela
Cette campagne militaire s’inscrit dans une escalade très tendue entre Washington et Caracas. Donald Trump n’a jamais caché son hostilité envers Nicolás Maduro, qu’il accuse ouvertement de diriger un cartel de drogue d’État.
Le président vénézuélien rejette ces allégations avec véhémence et dénonce une tentative déguisée de renverser son gouvernement sous couvert de lutte antidrogue.
Les routes maritimes du Pacifique et des Caraïbes sont effectivement utilisées par les trafiquants, mais la méthode employée – destruction systématique avec pertes humaines importantes – divise profondément outre-Atlantique.
Les questions qui restent sans réponse
Pourquoi ne pas avoir tenté d’interpeller les suspects ? Pourquoi aucune image ou preuve concrète n’est rendue publique pour chaque opération ? Et surtout : à partir de quel moment un trafiquant présumé perd-il son droit à être jugé plutôt qu’exécuté en mer ?
Ces interrogations résonnent jusque dans les couloirs du Capitole. Des commissions parlementaires exigent désormais des explications détaillées et la déclassification partielle de certaines vidéos.
Vers une enquête parlementaire ?
Plusieurs voix, y compris chez certains républicains modérés, appellent à la création d’une commission d’enquête indépendante. L’objectif : déterminer si les règles d’engagement actuelles respectent le droit américain et international.
En attendant, chaque nouvelle frappe – comme celle annoncée jeudi dans le Pacifique – ravive le débat et place l’administration Trump sous une pression croissante.
La guerre contre le narcotrafic est un combat légitime. Mais quand elle se transforme en opérations létales sans contrôle démocratique suffisant, elle devient un sujet brûlant qui dépasse largement les océans Pacifique et Caraïbes.
Et vous, où placez-vous la frontière entre sécurité nationale et respect des droits humains les plus élémentaires ?









