Vous avez prévu un voyage à Caracas pour les fêtes ? Oubliez ça. En quelques jours à peine, le ciel vénézuélien s’est transformé en zone quasi interdite pour les grandes compagnies aériennes internationales. Et cette fois, ce n’est pas une décision du gouvernement de Nicolás Maduro… mais une réaction directe aux manœuvres militaires américaines dans la région.
Un ciel qui se vide à vitesse grand V
Jeudi dernier, la nouvelle est tombée comme un couperet : Copa Airlines, le géant panaméen qui transporte chaque année des millions de passagers via son hub de Panama, a annoncé prolonger jusqu’au 12 décembre la suspension de tous ses vols vers le Venezuela. Ce qui n’était au départ qu’une interruption de 48 heures pour « perturbations intermittentes des signaux de navigation » s’est transformé en coup dur de près de trois semaines.
Et Copa n’est pas seule. Sa filiale low-cost Wingo a pris la même décision. Dans la foulée, la compagnie d’État colombienne Satena a également cloué au sol ses appareils, invoquant des « interférences dans les systèmes de navigation satellitaire » représentant un risque opérationnel majeur.
Des perturbations GPS qui inquiètent les pilotes
Les pilotes rapportent depuis plusieurs semaines des pertes soudaines de signal GPS au-dessus du territoire vénézuélien ou à l’approche de Caracas. Dans l’aviation, perdre le GPS, même quelques minutes, c’est comme conduire les yeux bandés sur une autoroute. Les compagnies préfèrent annuler plutôt que de jouer à la roulette russe.
Ces brouillages ne sortent pas de nulle part. Ils coïncident parfaitement avec le déploiement massif de navires de guerre et d’avions américains dans les Caraïbes depuis l’été, officiellement pour lutter contre le narcotrafic.
« En raison d’interruptions intermittentes de l’un des signaux de navigation des avions, nous avons pris la décision préventive de suspendre temporairement nos opérations »
Communiqué conjoint Copa Airlines et Wingo
L’avertissement très clair de la FAA américaine
Le 21 novembre, l’Administration fédérale de l’aviation américaine (FAA) a publié un avis sans ambiguïté : les appareils circulant dans l’espace aérien vénézuélien doivent « faire preuve d’une extrême prudence » en raison de la « détérioration de la situation sécuritaire et de l’intensification de l’activité militaire » dans la région.
Dans le langage de l’aviation, cet avertissement équivaut presque à une zone rouge. Les assureurs des compagnies aériennes lisent entre les lignes : risque trop élevé = primes exorbitantes ou refus pur et simple de couvrir les vols. Résultat ? Les directions préfèrent suspendre plutôt que de payer des fortunes ou exposer leurs équipages.
Un aéroport fantôme à Caracas
Sur Flightradar24, le contraste est saisissant. Là où les pays voisins affichent des dizaines d’avions en permanence, le Venezuela ressemble à un grand vide. Jeudi, seuls sept mouvements étaient prévus toute la journée : quatre départs et trois arrivées, tous opérés par des compagnies vénézuéliennes ou cubaines vers Curaçao, La Havane et Bogota.
Les immenses halls de l’aéroport international Simón Bolívar, autrefois bourdonnants de touristes et d’hommes d’affaires, résonnent désormais dans le vide. Les comptoirs d’enregistrement des grandes lignes internationales sont fermés les uns après les autres.
Liste des principales compagnies ayant suspendu ou fortement réduit leurs vols vers le Venezuela ces derniers mois :
- Iberia (Espagne)
- Air Europa (Espagne)
- Plus Ultra (Espagne)
- TAP (Portugal)
- Avianca (Colombie)
- GOL (Brésil)
- LATAM (Chili)
- Turkish Airlines (Turquie)
- Copa Airlines (Panama) – jusqu’au 12 décembre minimum
- Wingo (Panama)
- Satena (Colombie)
Caracas accuse Washington de vouloir « renverser Maduro »
Du côté vénézuélien, on ne décolère pas. Le ministre des Affaires étrangères Yván Gil a dénoncé mercredi une manœuvre américaine visant à isoler le pays pour, selon lui, « renverser le gouvernement légitime et s’approprier le pétrole ».
Le président Donald Trump, lui, n’y va pas par quatre chemins : il accuse ouvertement Nicolás Maduro de diriger « un cartel de la drogue » et justifie le déploiement naval par la nécessité de couper les routes du narcotrafic.
Depuis août, les opérations américaines en mer des Caraïbes et dans le Pacifique ont déjà causé la mort de 83 personnes lors d’interceptions musclées de vedettes rapides.
Les précédents et la spirale des représailles
Ce n’est pas la première fois que l’aviation commerciale paye le prix des tensions géopolitiques. Quand plusieurs compagnies étrangères avaient suspendu leurs vols ces derniers années, le gouvernement vénézuélien leur avait purement et simplement retiré leurs autorisations d’exploitation, les accusant de « terrorisme économique ».
Aujourd’hui, la situation est différente : ce sont les compagnies elles-mêmes qui prennent la décision de partir, poussées par leurs pilotes, leurs assureurs et les alertes officielles américaines. Caracas ne peut cette fois-ci accuser personne d’autre que… la présence militaire de Washington à ses portes.
Conséquences concrètes pour les Vénézuéliens
Pour les millions de Vénézuéliens de la diaspora qui rentrent habituellement pour Noël, c’est la catastrophe. Les prix des rares billets encore disponibles explosent. Les routes alternatives via Panama, Bogota ou Curaçao deviennent inabordables.
Les entreprises étrangères encore présentes au Venezuela se retrouvent isolées. Les importations de médicaments et de pièces détachées deviennent encore plus compliquées. L’économie, déjà à genoux, reçoit un nouveau coup.
Même les vols intérieurs souffrent : sans le hub de Copa à Panama, relier Valencia ou Maracaibo à l’international relève désormais du parcours du combattant.
Et maintenant ?
Personne ne sait quand la suspension de Copa sera levée le 12 décembre. Tout dépendra de l’évolution des tensions dans les Caraïbes et de la fiabilité retrouvée des signaux GPS.
Une chose est sûre : tant que des navires de guerre américains croiseront au large et que les brouillages persisteront, les grandes compagnies garderont leurs appareils au sol plutôt que de prendre le moindre risque.
Le Venezuela, jadis hub régional important, se retrouve aujourd’hui plus isolé du monde comme rarement dans son histoire récente. Et cette fois, ce n’est pas une décision de Caracas… mais la conséquence directe d’une confrontation qui ne semble pas près de s’apaiser.
À suivre de très près dans les prochaines semaines à venir.









