Imaginez un instant : quelques heures avant une frappe aérienne décisive au Yémen, le ministre américain de la Défense en personne envoie l’heure exacte et les moyens engagés… sur une simple application de messagerie grand public. Ce n’est pas le scénario d’un film d’espionnage, mais bien ce qui s’est produit début 2025 selon un rapport explosif rendu public ce jeudi.
L’affaire Signal qui met le Pentagone en ébullition
Le document de l’Inspection générale du département de la Défense est sans appel : Pete Hegseth, patron du Pentagone nommé par Donald Trump, a créé un risque majeur pour la vie de soldats américains et pour la réussite même des opérations militaires. En utilisant Signal depuis son téléphone personnel, il a transmis des informations sensibles qui, entre de mauvaises mains, auraient pu être fatales.
Ce n’est pas la première fois que l’ancien présentateur de Fox News se retrouve au cœur de la tourmente, mais cette fois, les critiques viennent même de l’intérieur du système de défense américain.
Que s’est-il réellement passé sur ce groupe Signal ?
Retour en mars 2025. Un magazine publie des captures d’écran stupéfiantes : dans une conversation Signal baptisée sobrement « boucle opérationnelle », Pete Hegseth indique avec précision le nombre d’avions engagés et l’horaire prévu pour des frappes contre les positions houthistes en mer Rouge.
Ces messages n’auraient jamais dû sortir. Ils ont atterri chez un journaliste parce que Mike Waltz, alors conseiller à la sécurité nationale, avait ajouté par erreur le rédacteur en chef du magazine à la discussion. Une bévue qui a coûté son poste à Waltz… et qui place aujourd’hui Hegseth dans une situation plus que délicate.
« L’utilisation d’un téléphone portable personnel pour gérer des affaires officielles et envoyer des informations non-publiques du ministère de la Défense via Signal fait encourir le risque de compromettre des informations sensibles. »
Rapport de l’Inspection générale du Pentagone
Pourquoi Signal pose un problème majeur pour les militaires
Signal est réputé pour son chiffrement de bout en bout. Beaucoup de civils l’utilisent justement pour cette raison. Mais dans l’administration américaine, cette application n’est absolument pas autorisée pour échanger des données sensibles ou opérationnelles.
Le problème n’est pas technique (le chiffrement est solide), mais réglementaire et opérationnel : aucun contrôle, aucune traçabilité, aucun système d’alerte en cas de compromission. Si un téléphone est perdu, piraté ou simplement confisqué, les conséquences peuvent être dramatiques.
Le rapport précise que si les Houthis avaient intercepté ces messages, ils auraient pu déplacer leurs batteries anti-aériennes, tendre des pièges ou tout simplement évacuer les sites visés. Des pilotes américains auraient alors volé droit dans un guet-apens.
Pete Hegseth crie à l’exonération… mais le rapport dit autre chose
Peu après la publication du rapport, le ministre a réagi sur X en affirmant qu’il s’agissait d’une « exonération totale ». Selon lui, l’absence de mention d’informations classifiées « secret défense » clôt le débat.
Mais l’Inspection générale ne partage pas cette lecture. Même si les données n’étaient pas formellement classées, elles restaient hautement sensibles. Le ministre a lui-même le pouvoir de classer ou déclasser une information, mais cela ne l’autorise pas à contourner les procédures de sécurité.
En clair : il n’a peut-être pas violé la loi sur les secrets d’État, mais il a indéniablement mis en péril la sécurité opérationnelle de ses propres troupes.
Un contexte déjà tendu avec l’opération anti-narcotrafic
Cette affaire Signal tombe au pire moment pour Pete Hegseth. Le ministre est déjà très critiqué pour une campagne militaire controversée dans les Caraïbes, officiellement dirigée contre le trafic de drogue.
Plus de quatre-vingts personnes ont été tuées lors de frappes sur des navires dont le lien avec les cartels reste, à ce jour, très flou. Une opération en particulier fait scandale : un bateau déjà touché a reçu une seconde salve, éliminant des survivants à la surface de l’eau.
Des experts en droit international questionnent la légalité de ces actions. Même au sein du Parti républicain, des voix s’élèvent pour demander des explications détaillées.
Les démocrates passent à l’offensive
Pour l’opposition démocrate, c’est l’occasion rêvée. Plusieurs élus influents ont renouvelé leurs appels à la démission immédiate de Pete Hegseth. Ils estiment qu’un ministre incapable de respecter les règles élémentaires de sécurité ne peut pas diriger la plus puissante armée du monde.
Certains vont plus loin et demandent l’ouverture d’une enquête parlementaire pour déterminer si d’autres échanges sensibles ont transité par des canaux non sécurisés.
Et maintenant ?
À l’heure actuelle, Pete Hegseth conserve le soutien public de la Maison-Blanche. Mais la pression monte de toutes parts : médias, opposition, et surtout une partie de l’appareil militaire qui voit d’un très mauvais œil ces méthodes « à l’américaine » appliquées aux opérations les plus sensibles.
Les frappes contre les Houthis ont d’ailleurs cessé en mai 2025 après un accord avec les rebelles. Un cessez-le-feu qui, ironie du sort, rend encore plus criante la prise de risque inutile dénoncée par le rapport.
Cette affaire pose aussi une question de fond : dans une administration qui valorise la rapidité et la communication directe, où s’arrête la liberté de ton et où commence l’imprudence qui met des vies en danger ?
Une chose est sûre : le nom de Pete Hegseth restera associé à l’une des polémiques les plus graves qu’ait connues le Pentagone ces dernières années. Et l’histoire n’est probablement pas terminée.
En résumé : Un ministre qui discute d’opérations militaires sur une appli grand public, un rapport qui parle de mise en danger directe des troupes, et une défense qui repose sur une lecture minimaliste des règles. L’affaire Signal est bien plus qu’une simple erreur technique : elle révèle les tensions entre culture de la rapidité et impératifs de sécurité dans la nouvelle administration américaine.
À suivre de très près dans les prochains jours. Car si le ministre parle déjà de « dossier clos », beaucoup estiment au contraire que le vrai débat ne fait que commencer.









