Imaginez la scène. Il est 13 h 30, l’heure où les tout-petits sortent jouer dans la cour après le repas. Rires, courses, bonnets qui volent… Et soudain, quatre silhouettes surgissent. Trois d’entre elles sont encagoulées. Elles courent, rattrapent un jeune homme paniqué et le rouent de coups sous les yeux des enfants de maternelle. Des menaces glaçantes fusent : « On va te couper les doigts ! » Bienvenue à Nanterre, quartier Pablo-Picasso, en décembre 2025.
Quand le trafic de drogue envahit l’espace le plus sacré : l’école maternelle
Cette agression n’est pas un simple « règlement de comptes » tombé par hasard dans une cour de récréation. Elle est le symptôme brutal d’une guerre des territoires qui gangrène des quartiers entiers. Les points de deal se multiplient, les guetteurs sont de plus en plus jeunes, et les armes blanches circulent ouvertement. Ce qui s’est passé mardi à l’école Maxime-Gorki n’est que la partie émergée d’un iceberg que beaucoup refusent encore de voir.
Ce que les témoins ont vu… et entendu
Les faits sont glaçants de précision. Quatre individus pénètrent dans l’enceinte de l’école sans la moindre hésitation. Trois portent des cagoules intégrales. Ils poursuivent un jeune homme qui tente désespérément de leur échapper en sautant par-dessus les jeux pour enfants. Ratrapé, il est projeté au sol. Coups de pied, coups de poing, menaces explicites de mutilation. Le tout en plein après-midi, devant plusieurs classes de petite, moyenne et grande section.
« Les enfants ont tout vu », confie une mère de famille encore sous le choc. « Ma fille de 4 ans est rentrée en pleurant : “Maman, ils ont tapé le monsieur très fort et ils ont dit qu’ils allaient lui couper les doigts”. Comment expliquer ça à une enfant ? »
« Une bagarre de dealers dans une école, c’est tout simplement inacceptable. »
Fatima, mère d’élève
Un quartier sous la coupe des trafiquants
Le quartier Pablo-Picasso n’est pas n’importe quel quartier. Classé en zone de sécurité prioritaire depuis des années, il concentre tous les ingrédients d’une poudrière : chômage massif des jeunes, turn-over incessant de locataires, et surtout un trafic de stupéfiants qui génère des dizaines de milliers d’euros par jour. Les riverains le disent depuis longtemps : les deals ont lieu à toute heure, même devant les écoles.
Les murs aveugles des immeubles servent de cachettes idéales. Les halls sont squattés en permanence. Les caméras de vidéosurveillance, quand elles existent, sont régulièrement vandalisées. Et quand la police intervient, les guetteurs postés aux entrées donnent l’alerte en quelques secondes. Résultat : les forces de l’ordre arrivent souvent trop tard.
Les enfants, nouvelles victimes collatérales du narcobanditisme
Ce qui choque le plus dans cette affaire, c’est l’âge des témoins directs. Des enfants de 3 à 6 ans. À cet âge-là, le cerveau enregistre les images choc de façon indélébile. Les psychologues parlent déjà de stress post-traumatique possible : cauchemars, peur de retourner à l’école, régression (pipi au lit, troubles du langage…).
Plusieurs parents ont d’ores et déjà pris rendez-vous avec des psychologues infantiles. L’Éducation nationale a dépêché une cellule d’écoute d’urgence, mais beaucoup estiment que c’est une goutte d’eau face à la violence quotidienne que subissent ces gamins.
Conséquences psychologiques possibles chez l’enfant très jeune exposé à une scène de violence extrême :
- Troubles du sommeil et cauchemars récurrents
- Peur panique de l’école ou des inconnus
- Régression (énurésie, retour du doudou, bégaiement)
- Hypervigilance ou au contraire repli sur soi
- Difficultés de concentration à long terme
Une impunité qui dure depuis trop longtemps
Comment des individus armés et cagoulés ont-ils pu entrer dans une école maternelle en plein jour ? La réponse est simple et terrifiante : parce que personne n’a osé s’interposer. Ni les parents présents, ni le personnel, ni les passants. La peur a changé de camp depuis longtemps dans certains quartiers.
Les trafiquants savent qu’ils opèrent en quasi-impunité. Les peines prononcées sont souvent légères, les remises en liberté sous contrôle judiciaire fréquentes, et les effectifs de police insuffisants pour tenir le terrain 24 h/24. Résultat : les plus violents dictent leur loi.
Que font les pouvoirs publics ?
Après l’incident, la mairie a annoncé le renforcement des patrouilles de police municipale aux abords de l’école et l’installation prochaine de portiques sécurisés. Des mesures qui arrivent bien tard pour beaucoup de parents. « On nous parle de portiques depuis cinq ans », ironise un père de famille. « Pendant ce temps, les dealers, eux, passent à l’action. »
Du côté de l’État, le préfet des Hauts-de-Seine a promis « une réponse ferme ». Des opérations coup de poing ont été menées dans le quartier ces derniers jours, avec plusieurs interpellations. Mais chacun sait que démanteler un réseau prend des mois, voire des années, et que d’autres prendront rapidement la place.
Et demain ?
Cet événement n’est malheureusement pas isolé. On se souvient des fusillades dans des cours d’école à Marseille ou à Sevran, des guetteurs de 12 ans armés de pistolets-mitrailleurs, des mères de famille prises en otage pour faire pression sur un fils dealer… La liste est longue et terrifiante.
Aujourd’hui, ce sont les enfants de maternelle qui paient le prix de l’inaction collective. Demain, ce sera peut-être votre quartier, votre école, votre enfant. Car le narcobanditisme ne connaît ni frontière ni limite. Il avance, inexorablement, tant qu’on le laisse faire.
Il est temps que la société toute entière prenne la mesure du danger. Pas seulement par des discours indignés ou des cellules psychologiques d’urgence, mais par une politique de tolérance zéro : moyens massifs pour la police et la justice, peines planchers pour les trafiquants, expulsion systématique des dealers étrangers en situation irrégulière, démantèlement des cités dortoirs qui servent de base arrière au crime organisé.
Parce que non, une école maternelle n’est pas un terrain de règlement de comptes. Et non, nos enfants ne doivent pas grandir dans la peur.
À Nanterre comme ailleurs, l’heure n’est plus aux constats consternés. Elle est à l’action. Avant qu’il ne soit trop tard.









