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Boualem Sansal Honoré par l’Académie Française

Après onze mois de prison en Algérie, Boualem Sansal retrouve la liberté et, trois semaines plus tard, la Coupole de l’Académie française. Un prix de 200 000 euros, des larmes contenues et des mots forts : « écrire est une part de vous qu’on ne peut ni menotter ni bâillonner ». Mais que s’est-il vraiment passé pendant cette année de silence ?

Imaginez la scène : un homme de 81 ans, tout juste sorti de prison après onze mois de silence forcé, franchit les portes de l’Institut de France. Autour de lui, les académiciens en habit vert, la Coupole illuminée, et un public qui retient son souffle. Boualem Sansal est là, libre, souriant. L’émotion est palpable.

Un hommage sous la Coupole, trois semaines après la liberté

Jeudi dernier, l’Académie française a vécu un moment rare. Lors de sa séance publique annuelle, l’institution a choisi de dédier toute sa cérémonie à un seul homme : Boualem Sansal. Le secrétaire perpétuel, Amin Maalouf, n’a pas caché son émotion en prononçant ces mots : « Il est au milieu de nous, libre, souriant, entouré, célébré, avec dans la tête une foule d’idées et de projets de livres ».

C’était il y a à peine trois semaines que l’écrivain franco-algérien avait été gracié par le président algérien Abdelmadjid Tebboune, le 12 novembre. Presque un an de détention pour des prises de position jugées trop critiques envers le pouvoir. Et voilà qu’il se retrouve sous la Coupole, au milieu des « immortels ».

Le prix mondial Cino Del Duca enfin remis

Le prix avait été décerné au printemps, alors que Boualem Sansal était encore derrière les barreaux. Impossible, à l’époque, de le lui remettre en mains propres. Ce jeudi, l’attente a pris fin. Doté de 200 000 euros par la Fondation Simone et Cino Del Duca, ce prix récompense « un romancier majeur de la scène francophone ».

« Cher Boualem Sansal, écrire est devenu pour vous une manière de vivre. Une part de vous-même que l’on ne peut ni menotter ni bâillonner, un élan intime et vital. »

Daniel Rondeau, académicien

Ces mots, prononcés par Daniel Rondeau chargé de l’éloge, ont résonné particulièrement fort. Car ils résument parfaitement le parcours de l’auteur du Village de l’Allemand ou de 2084 : une vie dédiée à la plume, malgré les menaces, les intimidations, et désormais l’incarcération.

Une œuvre qui dérange et qui élève

Boualem Sansal n’a jamais mâché ses mots. Ses romans explorent les tabous de l’histoire algérienne, l’islamisme radical, la mémoire de la Shoah dans le monde arabe, la dictature. Des sujets qui dérangent. Des livres qui élèvent.

Ses titres les plus connus ?

  • Le Village de l’Allemand (2008) – prix RTL-Lire – qui raconte le parcours d’un ancien nazi installé en Algérie
  • Rue Darwin (2011), plongée dans l’enfance algéroise
  • 2084 : La fin du monde (2015), dystopie terrifiante sur un futur théocratique
  • Le Train d’Erlingen ou la métamorphose de Dieu (2018)

Tous publiés chez Gallimard, tous salués par la critique. Tous ont contribué à faire de lui une voix incontournable de la littérature francophone contemporaine.

Un palmarès prestigieux

En rejoignant le palmarès du prix Cino Del Duca, Boualem Sansal côtoie des géants :

  1. Andrei Sakharov
  2. Léopold Sédar Senghor
  3. Jorge Luis Borges
  4. Alejo Carpentier
  5. Milan Kundera
  6. Patrick Modiano
  7. Kamel Daoud (2019)

Une reconnaissance qui dépasse largement les frontières de la francophonie. Le jury, composé principalement de membres des académies de l’Institut de France, a salué « un courage rare et une plume d’une grande élégance ».

L’Académie française, gardienne de la langue et des valeurs

En choisissant de remettre ce prix en grande pompe, l’Académie française envoie un message clair. Amin Maalouf l’a rappelé : la langue française porte des valeurs. Liberté, vérité, beauté. Et quand un écrivain est réduit au silence pour avoir défendu ces valeurs, c’est toute la République des lettres qui est touchée.

Boualem Sansal, assis au milieu des académiciens avec son épouse, n’a pas pris la parole. Mais son sourire, sa présence, son regard disaient tout. L’écrivain est vivant. L’écrivain est libre. Et l’écrivain va continuer d’écrire.

Pourquoi cet hommage touche-t-il autant ?

Parce qu’il nous rappelle que la littérature n’est pas un luxe. Parce qu’un roman peut déranger un régime. Parce qu’une plume peut être plus forte que des menottes. Parce que, quelque part, chacun de nous se reconnaît dans cet homme de 81 ans qui refuse de baisser la tête.

Et parce que, dans un monde où tant d’écrivains, journalistes, intellectuels sont encore emprisonnés – en Iran, en Biélorussie, en Chine, en Turquie – voir Boualem Sansal libre sous la Coupole redonne espoir.

La séance s’est terminée dans une standing ovation. Les académiciens, d’ordinaire si mesurés, ont applaudi longuement. Certains avaient les larmes aux yeux.

On ne sait pas encore quel sera le prochain livre de Boualem Sansal. Mais une chose est sûre : il écrira. Car, comme l’a si bien dit Daniel Rondeau, « écrire est une part de lui qu’on ne peut ni menotter ni bâillonner ».

La littérature a gagné. La liberté a gagné. Et Boualem Sansal, plus que jamais, continue de porter haut les couleurs de la langue française.

Une page se tourne. Une autre s’ouvre. Et nous serons nombreux à attendre, avec impatience, le prochain chapitre.

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