Imaginez : on vous propose jusqu’à 3 500 euros pour rentrer chez vous. Pas un prêt, pas un crédit, une aide directe, en liquide ou virement, sans condition de ressources. C’est exactement ce que la France met sur la table depuis quelques jours pour inciter certains migrants en situation irrégulière à repartir volontairement.
Une mesure qui monte en puissance face à l’urgence de la Manche
Le sujet n’est plus tabou : les traversées illégales de la Manche atteignent des records. Plus de 39 000 personnes ont déjà accosté sur les côtes britanniques depuis le 1er janvier 2025, dépassant largement le total de l’année précédente. Face à cette situation, Londres exerce une pression constante sur Paris. Et la réponse française prend aujourd’hui la forme d’une revalorisation spectaculaire de l’aide au retour volontaire (ARV).
Des montants revus à la hausse, et pas qu’un peu
Un arrêté publié au Journal officiel fixe dorénavant le plafond de l’aide à 2 200 euros en montant classique (contre 1 200 euros auparavant) pour les nationalités les plus représentées parmi celles qui parviennent au Royaume-Uni après une traversée clandestine. Mais ce n’est pas tout : un plafond majoré peut atteindre 3 500 euros (contre 2 500 euros avant) selon les situations.
Concrètement, cela concerne surtout les ressortissants géorgiens, albanais et, dans une moindre mesure, ceux originaires du Maghreb. Des profils qui trustent les statistiques des « small boats » côté britannique.
Plus aucune contrainte de délai
Jusqu’à présent, l’aide était dégressive : plus le temps passait après la notification de l’obligation de quitter le territoire français (OQTF), moins l’enveloppe était généreuse. Cette règle disparaît totalement. Désormais, peu importe quand l’OQTF a été notifiée, l’aide reste accessible au montant maximal tant que la personne remplit les critères.
Cette souplesse nouvelle change radicalement la donne et enlève un frein psychologique important pour ceux qui hésitaient à demander l’ARV plusieurs mois, voire années, après leur arrivée.
L’accord « un pour un » franco-britannique au cœur du dispositif
L’été dernier, Paris et Londres ont signé un accord inédit : pour chaque migrant renvoyé en France après être arrivé illégalement au Royaume-Uni, la France s’engage à accueillir un migrant présent sur son sol qui souhaite rejoindre la Grande-Bretagne légalement. Un échange « un pour un » qui, sur le papier, devait calmer le jeu.
L’aide au retour volontaire renforcée s’applique aussi aux personnes réadmises en France dans ce cadre. Autrement dit, ceux qui ont tenté la traversée, ont été interceptés ou renvoyés, peuvent repartir avec une somme conséquente en poche.
Des chiffres qui parlent d’eux-mêmes
En 2024, l’Office français de l’immigration et de l’intégration (Ofii) a versé 6 908 aides au retour volontaire, soit une progression de 2,36 % par rapport à 2023. Les principales nationalités concernées ?
- Géorgiens et Albanais : environ 1 800 bénéficiaires
- Algériens, Marocains et Tunisiens : près de 1 000
- 23 pays au total dans le dispositif
Ces chiffres, bien que modestes face aux dizaines de milliers de traversées, montrent que le retour volontaire reste un outil utilisé, même marginalement.
Pourquoi augmenter maintenant ?
La réponse est limpide : la pression britannique est à son paroxysme. Londres finance déjà largement les opérations françaises de lutte contre les passeurs sur les côtes nord. En contrepartie, elle exige des résultats concrets. Or, le nombre de traversées continue d’exploser malgré les moyens déployés.
Augmenter l’aide au retour apparaît comme une carte supplémentaire dans la manche française : transformer une partie des candidats à l’exil en candidats au retour, avant même qu’ils ne montent dans un bateau.
Une mesure vraiment efficace ?
C’est la grande question. D’un côté, 3 500 euros représentent une somme très importante dans de nombreux pays d’origine. De l’autre, les réseaux de passeurs promettent souvent un Eldorado britannique qui semble valoir bien plus.
Les associations qui accompagnent les exilés rappellent régulièrement que ceux qui risquent leur vie en mer le font souvent parce qu’ils n’ont plus rien à perdre. Dans ce contexte, une aide financière, aussi généreuse soit-elle, peut-elle réellement inverser la tendance ?
Ce que ça change concrètement sur le terrain
Dans les centres d’hébergement, dans les campements du nord de la France, la nouvelle commence à circuler. Certains y voient une opportunité sérieuse de rentrer dignement, de relancer un projet là-bas plutôt que de végéter ici dans l’attente d’une hypothétique régularisation.
D’autres, au contraire, estiment que 3 500 euros ne pèsent pas lourd face à l’espoir d’une vie meilleure outre-Manche. Le débat est lancé, et les prochains mois diront qui a raison.
Un dispositif qui évolue sans cesse
Ce n’est pas la première fois que l’aide au retour est revalorisée. Elle a déjà connu plusieurs hausses ces dernières années. Mais jamais elle n’avait atteint un tel niveau pour les profils prioritaires liés à la Manche.
En supprimant la dégressivité temporelle et en ciblant précisément les nationalités concernées par les traversées, le gouvernement envoie un signal clair : le retour volontaire devient un pilier stratégique de la politique migratoire face à la crise persistante de la Manche.
Restera à voir si ce signal sera entendu… ou noyé dans les vagues.









