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Soudan : L’ONU Craint un Nouveau Massacre au Kordofan

269 civils tués en un mois au Kordofan, des femmes massacrées sous une tente de deuil, la famine officiellement déclarée… L’ONU supplie les belligérants d’arrêter immédiatement les combats. Va-t-on revivre l’horreur d’El-Facher ? La réponse dans la suite…

Imaginez une tente dressée pour un deuil. Des femmes, des enfants et vieillards sont rassemblés, le cœur lourd. Soudain, un drone surgit et lâche sa charge. Quarante-cinq personnes meurent sur le coup. Cette scène n’est pas tirée d’un film d’horreur : elle s’est produite le 3 novembre dernier à El Obeid, dans le nord du Kordofan.

Ce seul événement résume l’effroyable spirale dans laquelle le Soudan s’enfonce depuis avril 2023. Et aujourd’hui, l’ONU tire la sonnette d’alarme avec une rare véhémence.

Un appel désespéré du Haut-Commissaire aux droits de l’homme

Volker Türk ne mâche pas ses mots. Jeudi, il a publié un communiqué d’une gravité exceptionnelle : « Nous ne pouvons rester silencieux face à cette nouvelle catastrophe. Ces combats doivent cesser immédiatement. »

Pourquoi une telle urgence ? Parce que le Kordofan, région pétrolifère du centre-sud du pays, est en train de devenir le nouveau théâtre d’atrocités comparables à celles commises récemment à El-Facher, au Darfour.

« Il est véritablement choquant de voir l’histoire se répéter au Kordofan si peu de temps après les événements terrifiants d’El-Facher. Nous ne devons pas permettre que le Kordofan devienne un autre El-Facher. »

Volker Türk, Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l’homme

Le Kordofan, nouvelle poudrière

Depuis la prise de Bara, le 25 octobre, par les Forces de soutien rapide (FSR), les affrontements se sont multipliés dans les trois États du Kordofan (Nord, Sud et Ouest). L’armée régulière tente de repousser les paramilitaires loin de l’axe stratégique Khartoum-Darfour.

Le bilan est déjà terrifiant : au moins 269 civils tués en un peu plus d’un mois, selon le Haut-Commissariat. Bombardements aériens, tirs d’artillerie indiscriminés, exécutions sommaires… aucune règle de guerre n’est respectée.

Et les exactions ne s’arrêtent pas là.

Des crimes documentés de part et d’autre

Le rapport de l’ONU est accablant :

  • Représailles ethniques ciblées
  • Détentions arbitraires par centaines
  • Enlèvements contre rançon
  • Violences sexuelles utilisées comme arme de guerre
  • Recrutement forcé d’enfants soldats

Les deux camps sont mis en cause. Les FSR pour l’attaque au drone sur la tente de deuil. L’armée soudanaise pour la frappe aérienne du 29 novembre à Kauda, qui a tué au moins 48 civils.

La famine, arme silencieuse

Au milieu du chaos, une catastrophe humanitaire se profile. La famine est désormais officiellement confirmée à Kadugli. À Dilling, le risque est imminent.

Les combats empêchent l’acheminement de l’aide. Les deux belligérants bloquent délibérément les convois humanitaires. Résultat : des millions de Soudanais sont au bord du gouffre.

Depuis le début de la guerre, 12 millions de personnes ont été déplacées – le plus grand exode de l’histoire récente. Des dizaines de milliers sont mortes. Et le monde regarde ailleurs.

Pourquoi le Kordofan est-il stratégique ?

Le Kordofan n’est pas une région comme les autres. C’est là que se trouvent les principaux champs pétrolifères encore sous contrôle gouvernemental. Perdre cette zone signifierait pour l’armée la perte de sa principale source de revenus.

Pour les FSR de Mohamed Hamdan Daglo (« Hemedti »), contrôler le Kordofan, c’est couper l’armée de Khartoum de ses arrières et ouvrir la route vers le Darfour, déjà presque entièrement sous leur coupe après la chute d’El-Facher.

C’est donc une lutte à mort, où les civils pris entre deux feux.

Le traumatisme d’El-Facher encore frais

Fin octobre, la prise d’El-Facher par les FSR avait été suivie d’une vague d’exactions terrifiantes : exécutions dans les rues, viols, pillages, incendies de quartiers entiers. Des milliers de civils massacrés en quelques jours.

L’ONU parle aujourd’hui de « schéma identique » au Kordofan. Les mêmes méthodes, la même brutalité, la même impunité.

« Nous ne pouvons pas laisser d’autres Soudanais devenir victimes de terribles violations des droits de l’homme. Nous devons agir. »

Volker Türk

Un silence international assourdissant

Depuis vingt mois, la guerre au Soudan est devenue la plus grande crise humanitaire au monde. Pourtant, elle reste largement ignorée des opinions publiques occidentales.

Pas de couverture médiatique continue, peu de mobilisation citoyenne, des financements humanitaires dramatiquement insuffisants. Comme si le sort de 50 millions de Soudanais ne pesait pas lourd face à d’autres conflits.

Pourtant, les images qui nous parviennent – quand elles nous parviennent – sont insoutenables. Des enfants squelettiques. Des villages rasés. Des fosses communes.

Que peut encore faire la communauté internationale ?

Volker Türk le sait : ses appels risquent de rester lettre morte. Les deux généraux rivaux – Abdel Fattah al-Burhan et Hemedti – n’ont jamais respecté les cessez-le-feu négociés à Jeddah ou ailleurs.

Mais il refuse d’abdiquer. Son communiqué se termine par une exigence claire : arrêt immédiat des hostilités et accès humanitaire sans entraves.

Faute de quoi, prévient-il, le Kordofan pourrait devenir le théâtre d’un nouveau génocide sous les yeux du monde.

Le temps presse. Chaque jour de combats supplémentaires, ce sont des centaines de vies brisées. Chaque convoi bloqué, ce sont des milliers d’enfants qui s’approchent un peu plus de la mort par inanition.

Le Soudan n’a plus le luxe d’attendre que le monde se réveille. Il a besoin d’action. Maintenant.

Le Kordofan est à un tournant.

Soit la communauté internationale impose enfin un arrêt des combats et sauve des millions de vies.

Soit elle laisse s’écrire un nouveau chapitre noir de l’histoire soudanaise.

Le choix nous appartient. Collectivement.

Il est temps de choisir.

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