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Sarcelles : Collèges en Détresse, Profs et Élèves Crient au Secours

58 % de réussite au brevet dans certains collèges de Sarcelles… contre 85 % au niveau national. Profs, parents et élèves ont manifesté devant la sous-préfecture. Mais derrière ces chiffres alarmants, que se passe-t-il vraiment dans les salles de classe ? La situation devient explosive et...

Imaginez une salle de classe où près de la moitié des élèves ne parvient plus à suivre. Où l’on passe plus de temps à gérer les absences qu’à enseigner réellement. Où les professeurs, pourtant passionnés, rentrent chez eux vidés, conscients que l’année prochaine sera pire. Ce n’est pas un scénario catastrophe. C’est le quotidien de six collèges de Sarcelles, dans le Val-d’Oise.

Quand le brevet devient un miroir brutal des inégalités

Les chiffres parlent d’eux-mêmes et ils font mal. Dans ces établissements, le taux de réussite au brevet des collèges oscille entre 58 % et 70 %. À titre de comparaison, la moyenne nationale frôle les 85 %. L’écart n’est pas anodin : il représente des centaines d’adolescents qui sortent du collège sans le moindre diplôme en poche, avec toutes les conséquences que cela implique pour leur avenir.

Ce n’est pas nouveau, mais la situation s’aggrave. Année après année, les résultats chutent. Les enseignants le constatent avec amertume : « Cela devient insoutenable », confie l’un d’eux. Et derrière ces pourcentages froids se cachent des jeunes en grande difficulté, parfois en souffrance psychologique profonde.

Des classes beaucoup trop chargées

Dans l’un de ces collèges, on compte désormais des classes à 28 élèves. Un chiffre qui peut paraître raisonnable vu de l’extérieur. Sauf quand on sait que la moitié d’entre eux présente des lacunes importantes, que plusieurs ne maîtrisent pas suffisamment le français et que d’autres cumulent des troubles du comportement ou des absences répétées.

À 28, il devient presque impossible d’individualiser l’enseignement. Comment accompagner correctement un élève qui décroche quand on doit gérer 27 autres en même temps ? Les professeurs le disent sans détour : il faudrait descendre à 20 ou 22 élèves maximum pour pouvoir vraiment aider ceux qui en ont le plus besoin.

« On a l’impression de faire de la garderie améliorée plutôt que de l’enseignement »

Un professeur d’un collège de Sarcelles

Un absentéisme qui explose

L’absentéisme est l’autre fléau. Dans certaines classes, un élève sur cinq manque régulièrement les cours. Parfois plus. Les raisons sont multiples : problèmes familiaux, désintérêt total pour l’école, pression du quartier, difficultés financières qui poussent certains à travailler très tôt… L’école devient alors un lieu que l’on fuit plutôt qu’un tremplin.

Et quand ces élèves reviennent, le retard accumulé est souvent irrattrapable. Le professeur doit choisir : ralentir tout le monde ou laisser les absents chroniques sur le bord de la route. Dans les deux cas, c’est une partie de la classe qui souffre.

Une mobilisation inédite

Face à cette spirale, les équipes éducatives ont décidé de ne plus se taire. Le 3 décembre dernier, professeurs, parents et même collégiens ont manifesté devant la sous-préfecture de Sarcelles. Pancartes rouge vif, slogans scandés, prise de parole des adolescentes au mégaphone : la colère était palpable.

Ce n’est pas une simple grogne corporatiste. C’est un cri d’alarme collectif. Car tout le monde comprend que sans moyens supplémentaires – plus d’enseignants, plus d’AED, plus de psychologues, plus de classes dédoublées –, la situation va continuer à se dégrader.

Des jeunes qui paient le prix fort

Au-delà des chiffres, il y a des visages. Des adolescents qui se sentent nuls parce qu’ils ne comprennent plus rien en cours. Des jeunes qui abandonnent l’idée d’un avenir meilleur parce que l’école, censée être l’ascenseur social, reste bloquée entre deux étages.

Dans certains quartiers de Sarcelles, le collège est parfois le seul endroit où ces jeunes trouvent un peu de stabilité. Quand cet endroit-là dysfonctionne, c’est tout un équilibre fragile qui s’effondre.

Et les conséquences se font déjà sentir : augmentation de la petite délinquance, repli communautaire, perte de confiance en l’institution scolaire… Le cercle vicieux est enclenché.

Que demandent-ils concrètement ?

  • Baisse immédiate des effectifs par classe (objectif 20-22 élèves)
  • Création de postes supplémentaires (professeurs, AED, infirmiers, psychologues)
  • Renforcement des dispositifs de lutte contre l’absentéisme
  • Mise en place de classes relais ou de pédagogies alternatives
  • Véritable politique de mixité sociale pour éviter la ghettoïsation des établissements

Ces demandes ne datent pas d’hier. Elles reviennent année après année, portées par des équipes épuisées qui refusent de baisser les bras.

Sarcelles, symptôme d’un mal plus profond

Ce qui se passe à Sarcelles n’est pas isolé. De nombreuses villes de banlieue connaissent la même descente aux enfers éducative. Éducation prioritaire ou pas, les moyens alloués restent largement insuffisants face à l’ampleur des difficultés sociales.

On parle beaucoup de « quartiers » et de « défis », mais rarement des solutions concrètes et massives qui seraient nécessaires. Pourtant, chaque année perdue, ce sont des centaines de jeunes qui se retrouvent durablement exclus du système.

Les professeurs de Sarcelles le savent mieux que quiconque : enseigner dans ces conditions relève parfois de l’exploit. Mais même les plus combatifs finissent par craquer. Burn-out, arrêts maladie, démissions… Le métier se vide de ses vocations là où on en aurait le plus besoin.

Et maintenant ?

La mobilisation de décembre n’était qu’un début. Les personnels éducatifs l’ont annoncé : ils ne lâcheront rien. D’autres actions sont prévues. Ils espèrent que cette fois, leur cri sera enfin entendu.

Car derrière les pancartes et les slogans, il y a une urgence humaine. Des milliers de jeunes qui méritent mieux que d’être les variables d’ajustement d’une politique éducative à bout de souffle.

À Sarcelles comme ailleurs, l’école de la République est en train de vaciller. Et quand l’école vacille, c’est tout le pacte républicain qui tremble.

La question n’est plus de savoir si l’on va réagir. Elle est de savoir si l’on va réagir à temps.

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