La célébration de but de Merih Demiral lors du match Turquie-Autriche à l’Euro 2024 continue de faire des remous. Le défenseur turc avait effectué le signe de ralliement des Loups gris, un groupe ultranationaliste controversé, déclenchant des tensions diplomatiques entre la Turquie et l’Allemagne, pays hôte de la compétition. L’UEFA a finalement tranché en suspendant Demiral pour deux matches, une sanction jugée “politique” et injuste par le président turc Recep Tayyip Erdogan.
Erdogan monte au créneau contre l’UEFA
Lors de son retour de Berlin où il a assisté au quart de finale perdu par la Turquie face aux Pays-Bas, le président Erdogan n’a pas mâché ses mots au sujet de la suspension de Merih Demiral :
Pour parler franchement, la suspension de deux matches infligée par l’UEFA à Merih a sérieusement terni l’image de la compétition. Cela ne peut pas être expliqué, c’est une décision purement politique.
Recep Tayyip Erdogan
Malgré cette sanction et la défaite, Erdogan a salué la prestation engagée de la sélection turque et estimé que cela n’affectait pas la motivation de l’équipe. Une prise de position forte du dirigeant turc, qui n’hésite pas à s’impliquer dans cette polémique footballistique aux résonances politiques.
La célébration de Demiral enflamme les relations turco-allemandes
Au cœur de l’incident, le geste de Merih Demiral mimant le signe des Loups gris après son but contre l’Autriche. Ce groupe ultranationaliste turc d’extrême droite est connu pour son passé violent et ses assassinats politiques. La ministre allemande de l’Intérieur Nancy Faeser avait vivement condamné ce geste, le qualifiant d'”inacceptable”.
En réaction, la Turquie a convoqué l’ambassadeur d’Allemagne à Ankara pour protester contre ces propos. L’Allemagne a répliqué en convoquant à son tour l’ambassadeur turc à Berlin. Une escalade diplomatique symbole des tensions ravivées par cet épisode.
L’ombre des Loups gris sur le football turc
Si le geste de Merih Demiral passe mal en Europe, c’est que les Loups gris renvoient à une page sombre de l’histoire politique turque. Ce mouvement, proche du Parti d’action nationaliste (MHP) qui est un allié clé du parti au pouvoir d’Erdogan, est associé à de nombreux crimes et violences visant notamment des Kurdes et des militants de gauche dans les années 1970.
Malgré la dissolution officielle des Loups gris dans les années 80, l’idéologie ultranationaliste reste influente dans certains pans de la société turque. Et le geste de Demiral, intentionnel ou non, en ravive le spectre en pleine compétition internationale, s’attirant les foudres des autorités allemandes.
Un Euro 2024 sous haute tension
Cet incident illustre à quel point le football peut cristalliser des enjeux qui dépassent le sport. En sanctionnant Merih Demiral, l’UEFA a voulu couper court à toute récupération politique et ne pas laisser la polémique pourrir l’ambiance de l’Euro. Mais entre les critiques turques et la fermeté allemande, la suspension du joueur ajoute paradoxalement une nouvelle couche de tensions à un tournoi déjà électrique.
À mesure que les matches à élimination directe s’enchaînent, les enjeux sportifs et extra-sportifs s’entremêlent. Et ce ne sont pas les déclarations à l’emporte-pièce du président Erdogan qui vont apaiser les choses, lui qui n’hésite jamais à jouer la carte du nationalisme pour servir sa popularité. Merih Demiral se serait bien passé d’être au centre de ce tourbillon politico-médiatique, lui qui va maintenant suivre la fin de la compétition des tribunes. Mais son geste, anodin ou militant, lui aura valu les honneurs très discutables d’une polémique qui en dit long sur l’état inflammable du football moderne, tiraillé entre sport, identités et pouvoir. Un cocktail explosif qui promet d’autres étincelles d’ici la fin de l’Euro.