Imaginez la scène : deux hommes que tout oppose, séparés par des milliers de kilomètres, des années de sanctions et des discours enflammés, se retrouvent au bout du fil pendant plusieurs minutes. L’un parle depuis le Palais de Miraflores, l’autre depuis le ciel à bord d’Air Force One. Et pourtant, l’échange est qualifié de « cordial » par l’un des deux protagonistes. Cette conversation téléphonique entre Nicolás Maduro et Donald Trump, confirmée ces derniers jours, arrive à un moment où plus personne n’osait croire à un quelconque dialogue.
Un appel qui tombe à pic… ou presque
Mercredi soir, Nicolás Maduro s’est adressé à la nation vénézuélienne sur la chaîne publique. Calme, presque souriant, il a lâché la nouvelle comme on pose une carte maîtresse sur la table : oui, il a bel et bien parlé avec le président des États-Unis. Mieux encore, il a trouvé l’échange respectueux et même cordial. Des mots qui résonnent étrangement quand on sait que Washington multiplie les manœuvres militaires dans les Caraïbes depuis plusieurs semaines.
« J’ai conversé avec le président Donald Trump. Je peux dire que la conversation s’est déroulée sur un ton respectueux, et même je peux dire qu’elle a été cordiale », a-t-il déclaré avant d’ajouter, avec ce sens du spectacle qui le caractérise : “Welcome Dialogue! Welcome diplomacy! Welcome the peace!”
Dix jours de silence avant la révélation
L’appel a eu lieu il y a environ dix jours. Selon le président vénézuélien, c’est la Maison-Blanche qui a pris l’initiative. Un coup de fil direct vers Miraflores. Rien n’avait filtré jusqu’à ce que la presse internationale commence à en parler. Trump lui-même, interrogé dimanche, avait confirmé l’existence de l’appel sans s’étendre : “Je ne dirais pas que cela s’est bien ou mal passé. C’était un appel téléphonique.” Une réponse typiquement trumpienne, laconique et désinvolte.
Mais pour Maduro, cet échange dépasse le simple coup de téléphone. Il y voit potentiellement le début d’un dialogue d’État à État, loin des micros et des caméras. Une diplomatie de l’ombre qu’il dit apprécier, lui qui fut ministre des Affaires étrangères pendant six ans.
« J’ai appris la prudence diplomatique. Je n’aime pas la diplomatie des micros. Quand il y a des choses importantes, elles doivent se faire en silence, jusqu’à ce qu’elles se réalisent. »
Nicolás Maduro, président du Venezuela
Un contexte explosif
Il faut rappeler le décor. Ces dernières semaines, les États-Unis ont considérablement durci le ton :
- Déploiement naval massif dans les Caraïbes
- Frappes aériennes contre des navires suspectés de narcotrafic
- Avertissements répétés aux compagnies aériennes
- Menaces à peine voilées d’interventions directes sur le sol vénézuélien
Washington accuse Caracas d’être devenu un narco-État dont la production et le transit de drogue inonderaient le marché américain. Caracas, de son côté, crie à la manœuvre impérialiste visant avant tout les immenses réserves pétrolières du pays.
C’est dans cette atmosphère de guerre froide tropicale qu’arrive cet appel surprise. Un contraste saisissant entre les canons qui tonnent au large et les voix posées au téléphone.
Que s’est-il vraiment dit ?
Aucun des deux camps ne livre le contenu précis de la conversation. On sait seulement, par la bouche de Maduro, qu’elle a duré un certain temps et qu’elle a permis d’aborder des sujets sensibles. Le président vénézuélien a insisté sur le fait que le dialogue restait ouvert : “Si cet appel signifie qu’on fait des pas vers un dialogue respectueux, bienvenue au dialogue.”
Du côté américain, le silence est presque total. Laconique, Trump n’a pas souhaité commenter davantage. Ses conseillers non plus. Tout juste sait-on que l’initiative est venue de la Maison-Blanche – détail important qui contredit l’idée d’un Maduro suppliant.
Pourquoi maintenant ?
Plusieurs hypothèses circulent dans les chancelleries.
Certains y voient une tentative américaine de diviser le bloc chaviste en ouvrant une porte que l’opposition vénézuélienne, elle, n’a jamais réussi à franchir. D’autres estiment que Washington, face à l’échec relatif des sanctions maximales, explore désormais la piste d’un accord négocié – peut-être autour du pétrole ou de la lutte antidrogue.
Du côté vénézuélien, on veut croire à un signe de faiblesse américain à l’approche d’échéances électorales internes. Maduro parle même laissé entendre que Trump pourrait chercher à se démarquer de l’héritage Biden en matière de politique vénézuélienne.
Une diplomatie du clair-obscur
Maduro a répété plusieurs fois son mantra ces derniers jours : la paix oui, la guerre jamais. Un message destiné autant à son peuple qu’à l’opinion internationale. En choisissant de rendre publique cette conversation tout en refusant d’en dire trop, il joue sur deux tableaux : montrer qu’il n’est pas isolé tout en gardant une carte dans sa manche.
Car dans cette partie d’échecs géopolitique, chaque mot compte. Chaque silence aussi.
Et pendant ce temps, les navires continuent de croiser au large des côtes vénézuéliennes. Les avions de chasse américains survolent la zone. Mais quelque part, entre Caracas et Washington, un fil téléphonique reste chaud.
La suite de cette histoire, personne ne la connaît encore. Mais une chose est sûre : cet appel, aussi bref soit-il, a déjà changé la donne. Reste à savoir si la cordialité d’un soir résistera aux tempêtes qui s’annoncent.
À suivre, très certainement.









