Imaginez-vous demain matin devant la concession automobile. Le vendeur vous annonce que la voiture de vos rêves coûte soudain 1 000 dollars de moins qu’hier. Votre première réaction ? Un large sourire, probablement. C’est exactement le scénario que le président Trump promet aux Américains en supprimant les contraintes écologiques imposées par l’administration précédente sur la consommation et les émissions des véhicules.
Un coup de tonnerre dans le secteur automobile américain
Mercredi, depuis le Bureau ovale, Donald Trump a annoncé officiellement la suppression des standards CAFE renforcés par Joe Biden. Ces normes, qui dataient initialement de 1975 et avaient été durcies progressivement, obligeaient les constructeurs à améliorer constamment l’efficacité énergétique de leurs flottes sous peine d’amendes colossales.
Pour le président, ces règles étaient tout simplement « ridicules » et « horriblement contraignantes ». Il les accuse d’avoir artificiellement gonflé les prix des véhicules neufs et de menacer des dizaines de milliers d’emplois dans l’industrie automobile.
Qu’est-ce que les normes CAFE, exactement ?
Le sigle CAFE signifie Corporate Average Fuel Economy. Créé après le choc pétrolier de 1973, ce dispositif impose à chaque constructeur une moyenne de consommation à respecter sur l’ensemble de ses modèles vendus aux États-Unis.
Sous Biden, le rythme d’amélioration était devenu particulièrement ambitieux : +8 % d’efficacité pour 2024-2025, puis +10 % en 2026, avec un objectif final de plus de 50 miles par gallon (environ 4,7 L/100 km) d’ici 2031. Autant dire que les moteurs purement thermiques étaient condamnés à disparaître progressivement.
Le ministère des Transports lui-même reconnaissait que ces seuils étaient inatteignables sans passer massivement à l’électrique.
Les constructeurs applaudissent à tout rompre
Quelques heures avant l’annonce officielle, les trois géants de Detroit étaient déjà aux anges. Les patrons de Ford et Stellantis étaient même présents dans le Bureau ovale, sourire jusqu’aux oreilles.
« En tant que plus gros producteur américain de véhicules, nous apprécions l’initiative du président Trump d’aligner les standards sur les réalités du marché »
Jim Farley, PDG de Ford
Pour Jim Farley, il est possible de progresser sur les émissions tout en laissant le choix aux clients. Antonio Filosa, patron de Stellantis pour l’Amérique du Nord, parle lui d’une mesure permettant enfin de « redonner la liberté » aux consommateurs de choisir le véhicule qu’ils veulent au prix qu’ils peuvent payer.
Même General Motors, pourtant engagé dans l’électrique, salue la décision tout en réaffirmant vouloir continuer à proposer la plus large gamme possible, électrique comme thermique.
La Maison Blanche avance des chiffres impressionnants
Selon l’exécutif, les normes Biden auraient ajouté environ 1 000 dollars au prix moyen d’un véhicule neuf. Leur suppression permettrait donc d’économiser 109 milliards de dollars aux ménages américains sur les prochaines années.
Un argument massue dans un pays où l’automobile reste un poste de dépense majeur et où l’inflation a marqué les esprits ces dernières années.
Concrètement, cela signifie :
- Retour à des standards plus souples, proches de ceux en vigueur avant 2021
- Possibilité pour les constructeurs de continuer à vendre pick-up et gros SUV sans pénalités exorbitantes
- Ralentissement forcé de la transition vers le tout électrique
- Baisse attendue du prix catalogue de nombreux modèles
Les écologistes sonnent l’alarme
Du côté des défenseurs de l’environnement, c’est la consternation. Gina McCarthy, ancienne conseillère climat des administrations Obama et Biden, accuse le gouvernement de sacrifier la santé publique et la planète.
« Ce gouvernement n’agira jamais dans l’intérêt de notre santé ou de l’environnement »
Gina McCarthy
Dan Becker, du Centre pour la diversité biologique, va plus loin : il parle de la destruction de « la plus grande initiative jamais prise par un pays » pour réduire la consommation de pétrole et les émissions responsables du réchauffement.
Pour eux, les économies à l’achat seront largement annulées par des factures d’essence plus élevées à long terme, sans parler de l’impact climatique.
Pourquoi les constructeurs ont changé d’avis si vite
Il y a encore deux ans, les mêmes constructeurs applaudissaient les objectifs ambitieux de Biden et promettaient des gammes 100 % électriques à horizon 2035. Que s’est-il passé ?
La réalité du marché les a rattrapés. Les ventes de véhicules électriques, après un démarrage en trombe, marquent le pas. Les infrastructures de recharge restent insuffisantes, les prix trop élevés, et une partie non négligeable des Américains reste attachée aux moteurs thermiques, surtout pour les gros véhicules.
Depuis fin 2023, Ford, GM et Stellantis ont tous revu leurs plans à la baisse : reports de gigafactories, annulations de modèles électriques, recentrage sur les hybrides et les thermiques performants.
Un retour en arrière historique ?
Ce n’est pas la première fois que Trump s’attaque aux normes environnementales automobiles. Lors de son premier mandat, il avait déjà gelé puis assoupli les objectifs hérités d’Obama.
Mais cette fois, le contexte est différent : les constructeurs eux-mêmes, autrefois favorables à des règles strictes pour forcer la transition, demandent aujourd’hui de la souplesse. Preuve que le volontarisme politique a ses limites face aux attentes réelles des consommateurs.
Depuis janvier 2025, l’administration Trump a déjà annulé ou modifié des dizaines de mesures favorisant l’électrification. Cette suppression des normes CAFE apparaît comme l’acte le plus symbolique à ce jour.
Et les consommateurs, dans tout ça ?
À court terme, la réponse semble évidente : des voitures moins chères à l’achat, c’est toujours bon à prendre. Dans un pays où le pickup reste un symbole de liberté et où beaucoup roulent encore avec des modèles anciens, l’argument porte.
Mais à plus long terme, les calculs divergent. Les véhicules moins efficaces consommeront plus d’essence. Avec des prix du pétrole volatils, la facture à la pompe pourrait rapidement effacer les économies initiales.
Sans parler de la dépendance accrue aux importations pétrolières et de l’impact sur le réchauffement climatique, même si cette question divise profondément l’opinion américaine.
Vers un nouveau bras de fer juridique ?
Les associations environnementales préparent déjà les recours. Elles estiment que l’exécutif outrepasse ses pouvoirs en supprimant des normes validées par le Congrès et nécessaires à la protection de la santé publique.
Certains États, comme la Californie, pourraient tenter de maintenir des règles plus strictes localement, reproduisant le conflit qui avait déjà eu lieu lors du premier mandat Trump.
Le feuilleton ne fait que commencer.
En résumé, cette décision :
- Ravit l’industrie automobile américaine traditionnelle
- Promet des véhicules plus abordables immédiatement
- Ralentit fortement la transition vers l’électrique
- Exacerbe les tensions sur le climat et la santé publique
- Pourrait déclencher une nouvelle bataille juridique
Une chose est sûre : rarement une décision réglementaire n’aura aussi clairement révélé le fossé entre deux visions de l’Amérique. D’un côté, celle qui privilégie la liberté individuelle et l’industrie nationale. De l’autre, celle qui met l’urgence climatique au-dessus de tout.
Et vous, de quel côté vous situez-vous ? La réponse, finalement, en dit souvent plus long sur nos priorités que n’importe quel discours politique.









