InternationalSociété

Christophe Gleizes : Du Football Africain à 7 Ans de Prison en Algérie

Un journaliste français passionné de foot africain se retrouve condamné à sept ans de prison en Algérie après un simple reportage sur la JS Kabylie. Contacts avec un dirigeant du MAK, crise diplomatique, détention interminable… Comment en est-on arrivé là ? L’histoire complète et glaçante d’un homme oublié derrière les barreaux.

Imaginez un passionné de football qui part couvrir l’un des clubs les plus mythiques d’Afrique du Nord et finit, quelques semaines plus tard, condamné à sept ans de prison ferme dans un pays en froid avec la France. C’est l’histoire vraie de Christophe Gleizes, 36 ans, journaliste indépendant que plus personne n’attendait.

Un reportage qui tourne au cauchemar judiciaire

Mai 2024. Christophe Gleizes atterrit à Alger avec un sujet en tête : la Jeunesse Sportive de Kabylie, la JSK, club légendaire basé à Tizi Ouzou, à une centaine de kilomètres à l’est de la capitale. Le reporter connaît bien le terrain. Depuis des années, il creuse la face cachée du football africain, celle des rêves brisés et des trafics en tous genres.

Le 28 mai, tout bascule. Il est arrêté. Treize mois sous contrôle judiciaire suivent, avec interdiction de quitter le territoire algérien. Puis vient la sentence de première instance : sept ans de prison, notamment pour apologie du terrorisme. Mercredi, la cour d’appel a confirmé le verdict. Sept années derrière les barreaux pour un homme dont le seul tort apparent fut de parler à la mauvaise personne.

Le MAK, l’organisation qui change tout

Le nœud du dossier repose sur un contact. Un dirigeant de la JSK avec qui Christophe Gleizes échange est également responsable du Mouvement pour l’autodétermination de la Kabylie (MAK). Depuis 2021, Alger classe cette organisation sur sa liste des groupes terroristes. Pour les autorités, le simple fait d’avoir été en relation avec cet homme suffit à établir l’infraction.

Ses proches crient à l’absurde. Le journaliste n’a jamais écrit le moindre article sur le MAK, jamais pris position politiquement. Son sujet restait strictement sportif. Mais en Algérie, la frontière entre football et politique est parfois inexistante en Kabylie, région historiquement frondeuse.

« C’est un mec super, enthousiaste, volontaire et plein d’humour »

Franck Annese, fondateur du groupe So Press

De l’Agenais au Zimbabwe : portrait d’un amoureux de l’Afrique

Christophe Gleizes est né à Agen, dans le Lot-et-Garonne. Une partie de son enfance se déroule au Zimbabwe. Ce séjour marque profondément le garçon. Plus tard, il deviendra cet « amoureux de l’Afrique » que décrit son ancien patron.

Son premier grand sujet date de 2015 : la mort mystérieuse d’Albert Ebossé, attaquant camerounais de la JSK, tué par un projectile en plein match l’année précédente. Le drame le hante. Trois ans plus tard, il publie avec Barthélémy Gaillard Magique système : l’esclavage moderne des footballeurs africains.

Dans cet ouvrage coup de poing, il dénonce les agents-passeurs qui exploitent la détresse et les rêves des jeunes talents. « Les joueurs africains ne sont pas des footballeurs migrants, ce sont surtout des migrants footballeurs prêts à tout pour avoir une vie meilleure », expliquait-il alors.

L’enquête qui a fait tomber Noël Le Graët

Christophe Gleizes ne se limite pas à l’Afrique. En 2022, il cosigne dans So Foot « Ma Fédé va craquer », une enquête au vitriol sur la gestion de Noël Le Graët à la tête de la Fédération française de football. Les révélations provoquent un audit ministériel et la mise en retrait définitive de l’ancien président.

Un travail reconnu, salué, qui prouve que le journaliste sait aller chercher l’information là où elle dérange, sans jamais verser dans le militantisme politique.

Supporter inconditionnel du PSG

Dans le privé, Christophe Gleizes vibre pour le Paris Saint-Germain. Quand le club remporte enfin la Ligue des champions (le 31 mai dernier), il parvient à faire passer un message à Franck Annese : « Il m’a écrit qu’il n’avait jamais été aussi heureux ». Un sourire au milieu de l’enfer.

Treize mois d’attente, puis la chute

Pendant plus d’un an, il vit à Alger sous contrôle judiciaire. Sa compagne peut lui rendre visite. Il fête ses 36 ans en février, loin de chez lui. Ses parents viennent aussi. En juin, la sentence tombe : sept ans. L’appel n’y change rien.

Au parloir de la prison de Tizi Ouzou, sa mère Sylvie Godard le trouve amaigri mais combatif. Il fait du sport tous les jours, lit Le Maître et Marguerite de Boulgakov, Salammbô de Flaubert, écrit de la poésie et tient un journal.

« Il garde le moral mais se sent totalement coupé du monde, isolé »

Sylvie Godard, mère de Christophe

Un contexte diplomatique explosif

L’arrestation intervient au pire moment des relations franco-algériennes. Tensions autour des visas, expulsion de ressortissants, déclarations incendiaires… L’affaire Gleizes devient un dossier parmi d’autres.

Depuis, le climat s’est apaisé. L’écrivain Boualem Sansal, condamné à deux ans, a été gracié le 12 novembre dernier. Un signe d’ouverture ? Les soutiens de Christophe Gleizes l’espèrent. Pour l’instant, rien ne bouge.

Et maintenant ?

Aujourd’hui, le journaliste français croupit toujours dans une cellule kabyle. Ses codétenus et même les gardiens l’apprécient, dit-on. Mais sept ans, c’est long. Très long.

Ses amis, sa famille, ses anciens collègues refusent d’abandonner. Pétitions, appels à la clémence, mobilisation discrète auprès du Quai d’Orsay… Tout est tenté. En vain pour l’instant.

L’histoire de Christophe Gleizes interroge. Jusqu’où un reporter peut-il aller sans risquer sa liberté ? Où s’arrête le journalisme sportif quand il touche à des réalités politiques explosives ? Et surtout : un État peut-il emprisonner un étranger sept ans pour un simple contact, sans preuve d’acte terroriste ?

En attendant une hypothétique grâce ou un improbable revirement, un homme continue d’écrire des poèmes derrière des barreaux, rêvant peut-être du Parc des Princes et des terrains poussiéreux d’Afrique.

Un journaliste passionné transformé en prisonnier politique.
Une histoire qui aurait pu être un roman, mais qui est bien réelle.

On espère que la lumière finira par jaillir pour Christophe Gleizes. Car sept ans, pour avoir voulu raconter le football kabyle, c’est un prix bien trop lourd à payer.

Passionné et dévoué, j'explore sans cesse les nouvelles frontières de l'information et de la technologie. Pour explorer les options de sponsoring, contactez-nous.