Imaginez partir couvrir un simple reportage sur un club de football légendaire et vous retrouver, quelques semaines plus tard, condamné à sept ans de prison ferme dans un pays étranger. C’est exactement ce qui arrive à Christophe Gleizes, 36 ans, journaliste français expérimenté. Une histoire qui glace le sang et qui interroge profondément sur la liberté de la presse à l’échelle internationale.
Une condamnation confirmée qui laisse tout le monde sans voix
Mercredi, la cour d’appel de Tizi Ouzou a tranché : la peine de sept ans de prison prononcée en première instance contre Christophe Gleizes est maintenue. Le motif ? Apologie du terrorisme. Une accusation qui, pour ses proches, ses collègues et les défenseurs de la liberté de la presse, relève de l’incompréhension la plus totale.
Depuis juin dernier, le reporter dort en cellule. Ce qui avait commencé comme un voyage professionnel ordinaire s’est transformé en cauchemar judiciaire sans précédent pour un journaliste européen en Algérie.
« L’espoir est retombé » : les mots déchirants du frère
Maxime Gleizes, le frère du journaliste, s’est exprimé dans les locaux parisiens de l’ONG Reporters sans frontières. Le visage marqué, il a confié être « abasourdi » par la décision. « L’espoir est retombé », a-t-il lâché, la voix tremblante. Il décrit une situation « ahurissante » et espère que « ce cauchemar s’arrêtera rapidement ».
« Je suis sous le choc total. On avait vraiment cru que la cour d’appel allait remettre les choses en ordre. Là, c’est pire que tout ce qu’on imaginait. »
Maxime Gleizes
Ces mots résonnent comme un cri d’alarme. Pour la famille, chaque jour qui passe derrière les barreaux algériens est une épreuve supplémentaire.
Reporters sans frontières monte au créneau
L’ONG a réagi immédiatement et avec une fermeté rare. Son directeur général, Thibaut Bruttin, a qualifié la décision de « totalement aberrante ». Il insiste : un journaliste n’a fait que son travail, rien de plus.
Dans un communiqué officiel, l’organisation réaffirme sa détermination à obtenir la libération du reporter et promet de poursuivre la mobilisation aux côtés de la famille et du comité de soutien.
« Une décision aberrante de la cour d’appel de Tizi Ouzou, qui choisit de maintenir en prison un journaliste n’ayant fait que son travail. »
Thibaut Bruttin, directeur général de RSF
Un reportage sportif qui tourne au drame judiciaire
Revenons aux origines de l’affaire. En mai 2024, Christophe Gleizes se rend en Algérie pour réaliser un sujet sur la Jeunesse Sportive de Kabylie, la JSK, l’un des clubs les plus populaires du pays. Basé à Tizi Ouzou, à une centaine de kilomètres à l’est d’Alger, ce club n’est pas seulement sportif : il porte une forte identité kabyle et une histoire politique lourde.
Le journaliste travaille depuis une dizaine d’années pour le groupe So Press, connu pour ses titres emblématiques dans le football et le sport en général. Rien, dans son parcours, ne laissait présager un tel dénouement.
Arrivé sur place, il commence son reportage. Très vite, les autorités le placent sous contrôle judiciaire. Puis, en juin, la sentence tombe : sept ans de prison ferme. Depuis, il est incarcéré.
La réaction du groupe So Press : colère et solidarité
Franck Annese, fondateur du groupe So Press, n’a pas mâché ses mots. « Je ne comprends pas et je n’accepte pas », a-t-il déclaré. Pour lui, le jugement est « totalement absurde et injuste ». Il appelle à tout faire pour sortir son collaborateur de prison.
Sur le site de SoFoot, un message de soutien clair et visible a été publié le soir même : toute la rédaction reste mobilisée aux côtés de Christophe et de sa famille.
« Il n’a rien à faire en prison. Ce jugement est totalement absurde et injuste. »
Franck Annese, fondateur de So Press
Pourquoi une telle sévérité ? Les zones d’ombre du dossier
L’accusation d’apologie du terrorisme reste floue pour beaucoup d’observateurs. Aucun élément concret n’a été rendu public permettant de comprendre comment un simple reportage sur un club de football a pu déboucher sur une telle qualification pénale.
En Kabylie, la JSK n’est pas qu’un club : elle incarne depuis des décennies une forme de résistance culturelle et identitaire. Certains y voient une sensibilité particulière des autorités face à tout ce qui touche à cette région et à son histoire.
Est-ce que le simple fait de s’intéresser de trop près à cet univers a suffi à déclencher les foudres judiciaires ? La question reste posée et alimente l’incompréhension générale.
Un précédent inquiétant pour les journalistes étrangers
Cette affaire n’est pas isolée. Elle s’inscrit dans un contexte où plusieurs reporters étrangers ont connu des difficultés en Algérie ces dernières années. Mais une peine aussi lourde, confirmée en appel, pour un journaliste européen, reste exceptionnelle.
Elle envoie un signal préoccupant à toute la profession : même un sujet apparemment anodin comme le football peut devenir un terrain miné dans certains pays.
Que peut-on espérer désormais ?
Plusieurs pistes restent ouvertes. Un pourvoi en cassation est envisageable. La mobilisation internationale pourrait aussi peser. Enfin, la diplomatie française, discrète jusqu’à présent, pourrait être amenée à monter d’un cran.
En attendant, chaque jour passé en détention est une journée de trop pour un homme dont le seul tort semble être d’avoir voulu raconter une histoire sportive dans un contexte complexe.
L’histoire de Christophe Gleizes nous rappelle cruellement que la liberté de la presse reste fragile, même en 2025. Derrière les barreaux d’une prison algérienne, un journaliste attend que justice lui soit rendue. Son histoire mérite d’être connue, partagée, et surtout, qu’elle trouve une issue heureuse.
Un reporter en prison pour avoir parlé football. En 2025, cela reste possible. Mobilisons-nous pour que Christophe Gleizes retrouve la liberté qu’il n’aurait jamais dû perdre.
Son comité de soutien continue de grandir. Des pétitions circulent. Des voix s’élèvent un peu partout dans le monde du journalisme et au-delà. Car au fond, ce qui arrive à Christophe Gleizes pourrait arriver à n’importe quel reporter demain.
Rester silencieux face à une telle injustice serait déjà accepter qu’elle se reproduise.









