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Combats Meurtriers en RDC à la Veille d’un Accord Historique

Des obus tombent sur Kaziba, le M23 déploie des blindés et avance vers Uvira tandis que Tshisekedi et Kagame sont attendus demain à Washington pour signer un accord de paix censé ramener la paix. Ces combats sont-ils le dernier soubresaut avant la fin de trente ans de guerre… ou le prélude à son aggravation ?

Imaginez-vous réveillé à l’aube par le sifflement des obus et le grondement des blindés à moins de trente kilomètres de chez vous. C’est la réalité que vivent, ce mercredi matin, des milliers d’habitants du Sud-Kivu, en République démocratique du Congo. Alors que le monde retient son souffle à la veille d’une signature historique à Washington, la guerre, elle, ne prend pas de pause.

Une signature de paix sous les bombes

Jeudi, le président Félix Tshisekedi et son homologue rwandais Paul Kagame seront reçus à la Maison Blanche par le président Donald Trump. Objectif affiché : ratifier solennellement un accord conclu en juin censé mettre fin à plus de trente ans de conflits dans l’est congolais. Un moment présenté comme historique par les chancelleries. Pourtant, sur le terrain, rien ne laisse présager une accalmie.

Bien au contraire. Depuis mardi, les combats font rage sur plusieurs secteurs du front, particulièrement dans le Sud-Kivu, où le mouvement du 23-Mars (M23) continue de grignoter du terrain malgré les engagements de cessez-le-feu.

Kaziba, une localité sous le feu

À Kaziba, petite agglomération perchée sur les plateaux à une trentaine de kilomètres au sud de Bukavu, les habitants décrivent une nuit d’enfer. « Les combats ont repris dès l’aube, nous sommes confinés dans nos maisons », confie un enseignant joint par téléphone, la voix tremblante. Il préfère garder l’anonymat, craignant des représailles.

« Beaucoup de maisons ont été bombardées et il y a beaucoup de morts »

René Chubaka Kalembire, responsable administratif local

Le bilan exact reste impossible à établir de source indépendante, mais les témoignages convergent : le M23 a massivement renforcé ses positions avec des blindés et progresse méthodiquement dans cette zone stratégique.

Une manœuvre d’encerclement d’Uvira

Pourquoi tant d’acharnement sur ces plateaux ? La réponse tient en un nom : Uvira. Dernière grande ville du Sud-Kivu encore sous contrôle gouvernemental, Uvira est menacée d’un encerclement. En prenant le contrôle des hauteurs, le M23 peut contourner la plaine de la Ruzizi – où les combats sont également intenses – et couper les voies d’approvisionnement de la ville portuaire.

Dans la plaine elle-même, la localité de Katogota est devenue un champ de bataille acharné. Des milliers de soldats burundais, déployés officiellement dans le cadre de la force régionale est-africaine, combattent aux côtés des forces congolaises et de milices locales souvent difficilement contrôlables.

Un accord déjà violé plusieurs fois

L’accord de juin, négocié sous l’égide américaine, prévoyait pourtant un cessez-le-feu immédiat et le cantonnement des forces du M23. Un autre engagement de trêve avait été pris en juillet à Doha sous médiation qatarie. Aucun n’a été respecté durablement.

Kinshasa accuse Kigali de continuer à armer et à encadrer le M23 – ce que de nombreux rapports de l’ONU désignent comme une force proxy du Rwanda. Kigali, de son côté, nie officiellement tout lien et renvoie la responsabilité aux autorités congolaises, accusées de s’appuyer sur des groupes armés anti-rwandais, notamment les FDLR.

Ce jeu de accusations réciproques empoisonne depuis des années toute tentative de règlement définitif.

L’est de la RDC, une poudrière aux richesses convoitées

Il est impossible de comprendre la récurrence de ce conflit sans parler des ressources. Le Nord et le Sud-Kivu regorgent de coltan, d’or, de cassitérite et de cobalt – des minerais stratégiques pour l’industrie mondiale des smartphones et des batteries électriques. Une partie de cette production échappe au contrôle de l’État et alimente des réseaux transfrontaliers.

Ces richesses attirent depuis trente ans une multitude d’acteurs armés, locaux et étrangers. Le M23, né en 2012 d’une mutinerie d’anciens rebelles intégrés dans l’armée congolaise, dit défendre la communauté tutsie congolaise. Mais ses offensives successives coïncident souvent avec la sécurisation de zones minières.

Washington peut-il imposer la paix ?

La présence de Donald Trump à la cérémonie de jeudi n’est pas anodine. L’administration américaine a multiplié ces derniers mois les pressions sur Kigali et Kinshasa pour aboutir à cet accord. Des sanctions individuelles ont visé des officiers rwandais et des menaces de réduction d’aide ont pesé sur le Rwanda.

Mais sur le terrain, la realpolitik semble primer. Le M23, qui contrôle déjà Goma et Bukavu depuis janvier, paraît vouloir consolider ses gains avant toute négociation définitive. Une stratégie classique : présenter un fait accompli pour négocier en position de force.

Et les civils dans tout ça ?

Ils sont, comme toujours, les premières victimes. Des milliers de nouveaux déplacés fuient les zones de combats. Les écoles ferment, les hôpitaux manquent de tout, et la peur d’une nouvelle catastrophe humanitaire plane.

À Kaziba, l’enseignant anonyme conclut, fataliste : « On nous parle de paix à Washington, mais ici, c’est toujours la guerre. On ne sait plus à quel saint se vouer.

Demain, les caméras du monde entier seront braquées sur la poignée de main entre Tshisekedi et Kagame. Restera à savoir si cette image sera le début d’une ère nouvelle… ou simplement une parenthèse avant la prochaine flambée de violence.

Pour l’instant, dans les montagnes du Sud-Kivu, les canons continuent de tonner. Et chaque explosion rappelle cruellement que la paix, même signée sur papier glacé, met parfois des décennies à atteindre les collines congolaises.

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