Et si la prochaine grande bataille géopolitique se jouait à 384 000 kilomètres de chez nous ? Mercredi, un milliardaire de 42 ans a fait une promesse qui a résonné bien au-delà des murs du Capitole : les États-Unis retourneront sur la Lune avant la Chine, coûte que coûte.
Une nomination en montagnes russes
Jared Isaacman n’est pas un inconnu dans le monde spatial. Fondateur de Shift4 Payments, il est surtout devenu en 2024 le premier civil à réaliser une sortie extravéhiculaire en orbite lors de la mission Polaris Dawn… financée et opérée par SpaceX. Proche d’Elon Musk, passionné, richissime : le profil parfait pour Donald Trump qui l’a désigné pour diriger la NASA.
Mais l’histoire a failli tourner court. Nommé une première fois en décembre 2024, Isaacman s’était vu retirer son soutien en avril 2025 au plus fort des tensions entre Trump et Musk. Un revirement brutal, puis un second en novembre : le président américain a finalement décidé de reconduire sa candidature. C’est donc pour la deuxième fois que le milliardaire s’est présenté devant la commission sénatoriale, avec un sourire un peu gêné et une plaisanterie des parlementaires sur le « déjà-vu ».
« Les États-Unis retourneront sur la Lune avant notre grand rival »
Devant les sénateurs, Jared Isaacman n’a pas mâché ses mots. Sa priorité absolue ? Poser à nouveau des bottes américaines sur la poussière lunaire avant que Pékin ne le fasse.
« Les États-Unis retourneront sur la Lune avant notre grand rival, et nous y établirons une présence durable »
Jared Isaacman, audition au Sénat – novembre 2025
Ce n’est pas qu’une phrase choc. C’est une ligne rouge. Pour Isaacman, laisser la Chine arriver la première « remettrait en question l’exceptionnalisme américain » bien au-delà du domaine spatial. Un discours qui fait écho à la rhétorique de la nouvelle administration Trump : la course à l’espace est redevenue une affaire de prestige national.
Artémis en retard, la Chine en embuscade
Le programme Artémis, censé ramener des humains sur la Lune dès 2026 avec la mission Artémis III, accumule les retards. L’alunisseur développé par SpaceX – le fameux Starship HLS – est au cœur des inquiétudes. Des rapports récents estiment qu’il pourrait ne pas être prêt à temps.
Pendant ce temps, la Chine avance. Son objectif : poser des taïkonautes sur la Lune d’ici 2030 avec le programme Chang’e et la future station lunaire internationale en coopération avec la Russie. Un calendrier qui, s’il est tenu, pourrait coïncider dangereusement avec les nouvelles dates d’Artémis.
Course contre la montre : Si SpaceX ne livre pas l’alunisseur HLS à temps, les États-Unis pourraient se faire devancer par la Chine – un scénario jugé inacceptable par la nouvelle administration.
De Mars à la Lune : le grand recentrage
Il y a encore quelques mois, Jared Isaacman parlait surtout de Mars. Lors de sa première audition en avril, il plaidait pour une accélération vers la planète rouge, rêve ultime d’Elon Musk. Mercredi, le ton a changé.
Exit la priorité martienne. Place à la Lune, et vite. Un virage à 180° qui n’a rien d’un hasard : depuis la brouille très médiatisée entre Trump et Musk au printemps 2025, Washington a remis la Lune au centre de ses priorités stratégiques. Objectif : ne pas laisser Pékin rafler la mise symbolique.
Conflit d’intérêts ? Isaacman se défend
La question était inévitable. Comment le futur patron de la NASA, réputé très proche d’Elon Musk et dont la fortune spatiale dépend en grande partie de SpaceX, peut-il rester impartial ? Surtout quand c’est précisément l’alunisseur de SpaceX qui doit emmener les prochains astronautes sur la Lune.
« Je ne suis pas là pour favoriser ou enrichir des entrepreneurs à des fins personnelles »
Jared Isaacman
Isaacman a balayé les soupçons d’un revers de main, insistant sur la nature strictement professionnelle de sa relation avec Musk. Un discours qui devra convaincre, car si sa nomination est confirmée, il sera directement responsable de tenir SpaceX… dans les délais.
Un profil atypique mais soutenu
À 42 ans, Jared Isaacman n’a ni doctorat en astrophysique ni carrière à la NASA. Il a bâti sa fortune dans les paiements en ligne avant de se payer des vols spatiaux privés. Un parcours qui aurait pu lui valoir des critiques acerbes.
Pourtant, dans le secteur spatial américain, il bénéficie d’un soutien étonnamment large. Beaucoup saluent son enthousiasme, sa vision entrepreneuriale et surtout sa capacité à avoir déjà travaillé concrètement avec SpaceX en conditions réelles.
Preuve de cette légitimité : il est le premier civil à avoir réalisé une sortie dans l’espace en combinaison commerciale, un exploit technique qui a nécessité des mois de préparation avec… les équipes de Musk.
La deuxième course à l’espace est lancée
Ce qui se joue aujourd’hui dépasse largement la science. C’est une nouvelle guerre froide, version XXIe siècle, où la Lune est devenue le trophée ultime. Contrôler l’espace cislunaire, y installer des bases, exploiter les ressources (eau, hélium-3)… les enjeux stratégiques et économiques sont colossaux.
En nommant Jared Isaacman, Donald Trump envoie un message clair : l’Amérique veut redevenir la première nation spatiale, point final. Et elle est prête à mettre ses milliardaires aux commandes pour y parvenir.
Reste à savoir si les promesses tiendront face aux réalités techniques. Car entre les mots et la poussière lunaire, il y a encore un sacré bout de chemin.
La Lune n’a jamais été aussi proche… ni aussi disputée.









