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Rémy Rioux Pressenti à la Cour des Comptes : Un Choix Explosif

Rémy Rioux, actuel patron de l’AFD et ancien proche de Moscovici, est donné favori pour remplacer ce dernier à la Cour des comptes. Sarah Knafo promet déjà la guerre. Cette nomination va-t-elle transformer le gendarme des finances en simple relais du pouvoir ? À suivre…

Quand le président de la République doit nommer le prochain premier président de la Cour des comptes, tout le monde retient son souffle. L’institution incarne, aux yeux des Français, le dernier rempart contre le gaspillage de l’argent public. Pourtant, en ce début décembre 2025, le nom qui circule avec insistance dans les couloirs du pouvoir fait déjà bondir une partie de l’opposition : Rémy Rioux, actuel directeur général de l’Agence française de développement et socialiste assumé.

Un succession qui s’annonce sous très haute tension

Pierre Moscovici quittera officiellement ses fonctions le 31 décembre. Depuis plusieurs semaines, les spéculations vont bon train. Des poids lourds du macronisme ont été approchés : Nicolas Revel, Jean Castex, Élisabeth Borne, Florence Parly, voire Amélie Oudéa-Castéra. Tous auraient décliné ou n’auraient pas été retenus. Le profil qui émerge aujourd’hui est bien moins clinquant médiatiquement, mais tout aussi politique.

À 56 ans, Rémy Rioux coche pourtant toutes les cases du parfait haut fonctionnaire de gauche. Énarque, passé par l’Inspection générale des finances, il a été le directeur de cabinet de Pierre Moscovici à Bercy en 2012, à l’époque où Emmanuel Macron occupait le poste stratégique de secrétaire général adjoint de l’Élysée. Les deux hommes se connaissent donc parfaitement. Un atout décisif quand il s’agit d’obtenir le feu vert présidentiel.

Qui est vraiment Rémy Rioux ?

Discret, presque effacé dans les médias grand public, Rémy Rioux dirige depuis 2016 l’Agence française de développement, un mastodonte qui gère plusieurs milliards d’euros d’aide publique au développement chaque année. Son parcours est celui d’un technocrate brillant : Sciences Po, ENA, conseiller maître à la Cour des comptes (ironique, non ?), puis de nombreux postes à l’international (Banque mondiale, Caisse des dépôts).

Ceux qui l’ont côtoyé le décrivent comme « placide », « très rapide intellectuellement » et surtout extrêmement loyal envers ses réseaux. Des qualités qui plaisent à l’Élysée, mais qui interrogent quand il s’agit de prendre la tête d’une institution censée rester indépendante du pouvoir exécutif.

« À l’époque, son interlocuteur principal s’appelait Emmanuel Macron. Un solide parrain ! »

Un haut fonctionnaire ayant travaillé avec lui à Bercy

L’AFD dans le viseur de l’extrême droite

Si la nomination de Rémy Rioux venait à se confirmer, elle déclencherait immédiatement une tempête politique. L’Agence française de développement est en effet dans le collimateur du Rassemblement national et de la droite souverainiste depuis des années.

Le parti de Marine Le Pen a fait de la suppression ou de la réduction drastique de l’aide publique au développement l’un de ses chevaux de bataille. Sarah Knafo, conseillère de Jordan Bardella et figure montante du RN, n’a pas attendu la confirmation officielle pour dégainer sur les réseaux sociaux.

« Avec cette nomination, la Cour des comptes ne serait plus un contre-pouvoir : elle deviendrait un complice. »

Sarah Knafo, 3 décembre 2025

Le grief est clair : comment l’ancien patron d’une agence accusée de « disperser l’argent des Français à travers le monde » pourrait-il soudain devenir le gardien vigilant des finances publiques ? Certains projets financés par l’AFD – notamment en Chine ou dans des pays à la gouvernance contestable – servent régulièrement de munitions à l’opposition.

Une indépendance déjà mise à mal ?

La Cour des comptes a toujours cultivé jalousement son image d’institution indépendante. Pourtant, ces dernières années, plusieurs nominations ont déjà fait grincer des dents. Pierre Moscovici lui-même, ancien commissaire européen et ministre de François Hollande, n’avait pas manqué de susciter des critiques lors de sa désignation en 2020.

Nommer aujourd’hui un proche d’un proche, issu du même réseau politique, risque de renforcer l’idée que la haute fonction publique française fonctionne avant tout comme un entre-soi. Surtout dans un contexte où les Français sont particulièrement sensibles aux questions de dépense publique.

Entre inflation, hausse des taux d’intérêt et déficit public abyssal, jamais la Cour des comptes n’a été autant attendue pour jouer son rôle de vigie. Paradoxalement, c’est peut-être le moment où on lui impose un président perçu comme trop proche du pouvoir exécutif.

Un calendrier qui arrange tout le monde… ou presque

Emmanuel Macron a l’habitude de prendre son temps pour ce type de nomination. On se souvient qu’il avait laissé pourrir la situation plusieurs mois avant de choisir Pierre Moscovici. Cette fois encore, rien ne presse officiellement. D’autres institutions (RATP, CNRS, etc.) attendent également leur nouveau dirigeant.

Mais plus le temps passe, plus la pression monte. Chaque jour qui rapproche de la fin d’année rend la transition plus délicate. Et chaque rumeur alimente la polémique.

Les précédentes nominations contestées à la Cour des comptes :

  • Didier Migaud (2010-2020) – ancien président PS de la commission des finances de l’Assemblée
  • Pierre Moscovici (2020-2025) – ancien ministre socialiste et commissaire européen
  • Rémy Rioux (pressenti 2025) – ancien directeur de cabinet de Moscovici et proche de Macron

Une constante : la couleur politique de gauche pour le poste le plus stratégique de contrôle des finances publiques.

Et si c’était finalement quelqu’un d’autre ?

Rien n’est encore acté. L’Élysée garde plusieurs fers au feu. Des noms moins clivants continuent de circuler dans les rédactions : certains magistrats de la Cour elle-même, des profils plus techniques, moins marqués politiquement.

Mais plus le temps passe, plus le profil Rioux semble s’imposer par défaut. Faute de mieux ? Ou parce qu’il présente finalement le meilleur compromis entre compétence reconnue et loyauté assurée ?

Une chose est sûre : quelle que soit la décision finale, elle sera scrutée à la loupe. Dans un pays où la défiance envers les élites n’a jamais été aussi forte, nommer un haut fonctionnaire de gauche à la tête du contrôle des comptes publics risque de passer pour une provocation supplémentaire.

La Cour des comptes va-t-elle rester ce contre-pouvoir redouté, ou devenir, comme le craint déjà l’opposition, le simple notaire des dérives budgétaires du quinquennat ? La réponse, dans quelques semaines. Peut-être avant Noël. Peut-être après.

En attendant, le simple fait que le nom de Rémy Rioux soit sérieusement envisagé en dit long sur l’état de nos institutions. Et sur la façon dont le pouvoir entend, encore et toujours, placer ses pions là où ça compte vraiment.

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