Imaginez la scène : vendredi soir, au Kennedy Center de Washington, les projecteurs sont braqués sur la scène où va se dérouler le tirage au sort tant attendu de la Coupe du Monde 2026. Et là, contre toute attente après des semaines de polémique, le sélectionneur iranien Amir Ghalenoei fait son entrée. Ce qui devait être un boycott retentissant se transforme en présence symbolique. Comment en est-on arrivé là ?
Un revirement aussi soudain que stratégique
Il y a seulement quelques jours, la situation semblait irrévocable. La Fédération iranienne de football annonçait officiellement qu’aucun représentant ne se rendrait à Washington pour protester contre le refus américain de délivrer des visas à plusieurs membres de sa délégation. Une décision qualifiée de « politique » et non sportive.
Mais mercredi, le ton a radicalement changé. Le porte-parole de la Fédération a confirmé que le sélectionneur national, Amir Ghalenoei, serait bien présent, accompagné d’une ou deux personnes. Ce retournement illustre parfaitement la complexité des relations entre sport de haut niveau et diplomatie.
Que s’est-il réellement passé avec les visas ?
Le cœur du problème repose sur le refus de visas pour plusieurs responsables iraniens, dont le président de la Fédération lui-même. Quatre membres de la délégation, parmi lesquels Amir Ghalenoei, avaient pourtant reçu le précieux sésame américain dès le départ.
Cette différence de traitement a immédiatement été interprétée comme une manœuvre politique, dans un contexte où les États-Unis et l’Iran n’entretiennent plus de relations diplomatiques depuis quarante ans. Le sport, censé rester à l’écart des considérations géopolitiques, se retrouvait une nouvelle fois pris en otage.
« Nous avons informé la Fifa que les décisions prises sont sans rapport avec le sport »
Porte-parole de la Fédération iranienne, fin novembre
Cette citation, prononcée il y a à peine une semaine, montre à quel point la situation paraissait bloquée. Le boycott semblait inévitable.
La pression de la Fifa a-t-elle joué ?
Plusieurs éléments laissent penser que l’instance internationale du football a exercé une pression discrète mais ferme. L’absence d’un pays qualifié au tirage au sort aurait créé un précédent dangereux, surtout pour une Coupe du Monde organisée à 80 % sur le sol américain.
La présence, même réduite, de représentants iraniens permet à tout le monde de sauver la face : les États-Unis n’ont pas cédé sur tous les visas refusés, l’Iran maintient une forme de protestation en n’envoyant pas sa délégation complète, et la Fifa préserve l’image d’universalité du tournoi.
Un compromis à la sauce footballistique, où personne ne gagne complètement mais où tout le monde évite la crise majeure.
Un contexte géopolitique toujours aussi explosif
Il serait illusoire de séparer complètement cette affaire des tensions plus larges entre Téhéran et Washington. Les négociations sur le programme nucléaire iranien, qui avaient repris sous médiation omanaise, sont au point mort depuis l’attaque israélienne du 13 juin et la riposte américaine contre des sites nucléaires iraniens.
Dans ce climat, chaque geste est scruté, chaque absence ou présence interprétée. La venue d’Amir Ghalenoei à Washington prend ainsi une dimension qui dépasse largement le cadre sportif.
Le saviez-vous ? Ce sera la septième participation de l’Iran à une phase finale de Coupe du Monde, la quatrième consécutive. Un record de constance pour le football iranien, qui reste pourtant bloqué au stade des poules depuis sa création.
Iran – États-Unis : une rivalité historique
L’histoire entre les deux nations sur un terrain de football est riche en symboles. Le match de 1998 reste gravé dans toutes les mémoires : une victoire iranienne 2-1 en pleine Coupe du Monde en France, dans un contexte de dégel diplomatique temporaire.
La revanche américaine est venue en 2022 au Qatar (1-0), dans un match à très haute tension politique. Chaque confrontation entre les deux pays transcende le sportif pour devenir un événement diplomatique mondial.
Le tirage au sort de vendredi pourrait réserver un nouveau chapitre de cette saga. L’Iran, placé dans le chapeau 2, a toutes les chances de se retrouver dans le même groupe que les États-Unis, co-organisateurs et automatiquement dans le chapeau 1.
Donald Trump au cœur de l’événement
Autre élément qui ajoute du piment : la présence annoncée du président américain Donald Trump à la cérémonie. Pour son second mandat, il a fait de la Coupe du Monde 2026 un axe majeur de sa communication, promettant le « plus grand spectacle sportif de l’histoire ».
La présence simultanée du sélectionneur iranien et du président américain dans la même salle, même à distance, promet des images fortes. Dans un monde où chaque poignée de main (ou absence de poignée de main) fait le tour de la planète en quelques secondes.
Que peut-on attendre du tirage pour l’Iran ?
Placé dans le chapeau 2, l’Iran devrait hériter d’un gros morceau du chapeau 1. Outre les États-Unis, le Brésil, l’Argentine, la France, l’Angleterre ou l’Espagne sont autant de possibilités qui feraient trembler n’importe quelle sélection.
Avec l’élargissement à 48 équipes, les chances de qualification pour les huitièmes sont mécaniquement plus élevées. L’Iran, qui n’a jamais passé le premier tour, pourrait enfin créer la surprise tant attendue par tout un peuple.
La présence d’Amir Ghalenoei au tirage, même symbolique, montre que l’équipe iranienne aborde cette Coupe du Monde avec ambition. Le message est clair : malgré les obstacles politiques, le football iranien sera bien là.
| Participation | Année | Meilleur résultat |
|---|---|---|
| 1ère | 1978 | 1er tour |
| 2ème | 1998 | 1er tour (victoire historique vs USA) |
| 3ème | 2006 | 1er tour |
| 4ème | 2014 | 1er tour |
| 5ème | 2018 | 1er tour |
| 6ème | 2022 | 1er tour |
| 7ème | 2026 | À venir… |
Ce tableau parle de lui-même : l’Iran est devenu un habitué des grandes messes footballistiques. Reste à transformer l’essai en phase finale.
Le rendez-vous est pris. Vendredi soir, tous les regards seront tournés vers Washington. Pas seulement pour connaître les groupes du Mondial 2026, mais peut-être aussi pour assister à un moment de sport-diplomatie comme seul le football sait en produire.
Entre les boules du tirage et les tensions géopolitiques, entre Amir Ghalenoei sur le tapis rouge et Donald Trump dans la salle, cette cérémonie s’annonce déjà historique. Le football, encore et toujours, écrira peut-être une nouvelle page de l’histoire des relations entre l’Iran et les États-Unis.
Une chose est sûre : on n’a pas fini d’en parler.









