Imaginez payer des centaines de millions de dollars de taxes supplémentaires parce qu’un président a décidé, un beau matin, d’imposer des droits de douane massifs sur tout ce qui vient de l’étranger. Et si demain la justice vous donnait raison… mais que personne ne vous rende jamais votre argent ? C’est exactement le cauchemar que veut éviter Costco.
Costco passe à l’offensive contre les surtaxes de Trump
Le 28 novembre dernier, le géant américain des entrepôts-clubs a déposé une plainte devant le Tribunal du commerce international de New York. Objectif : faire déclarer illégaux les droits de douane imposés sous la première présidence de Donald Trump et obtenir le remboursement intégral des sommes déjà versées.
Ce n’est pas une petite procédure de routine. Costco devient ainsi la plus grande entreprise purement américaine à attaquer frontalement la politique tarifaire trumpienne devant les tribunaux fédéraux.
Pourquoi Costco agit maintenant ?
La réponse est simple : la peur de perdre définitivement des sommes colossales. Même si la Cour suprême finissait par déclarer ces droits de douane inconstitutionnels – ce qui semble de plus en plus probable –, rien n’oblige le Trésor américain à rembourser automatiquement les entreprises ayant déjà payé.
Costco préfère donc sécuriser sa position dès maintenant, pendant que l’affaire est encore pendante, plutôt que de se retrouver les mains vides le jour où la plus haute juridiction du pays rendra son verdict.
Une stratégie prudente, presque défensive, mais qui pourrait coûter très cher à l’État fédéral si elle fait école.
Un précédent judiciaire déjà bien engagé
Costco n’est pas le premier à contester ces mesures. Plusieurs États à majorité démocrate et de nombreuses petites entreprises ont déjà saisi le même tribunal spécialisé. Et les premières victoires sont déjà là.
Le Tribunal du commerce international, puis la Cour d’appel, ont donné raison aux plaignants sur le fond : imposer des droits de douane aussi larges sans l’accord explicite du Congrès violerait la Constitution américaine, qui réserve théoriquement le pouvoir de taxation au pouvoir législatif.
Ces décisions ont toutefois été suspendues le temps que la Cour suprême tranche définitivement. Mais lors d’une audience début novembre, plusieurs juges – y compris certains conservateurs – ont manifesté un scepticisme marqué face aux arguments de l’administration Trump.
Des droits de douane très larges dans le viseur
Attention : toutes les taxes douanières ne sont pas concernées. Les droits sectoriels – ceux qui ciblent spécifiquement l’acier, l’aluminium, l’automobile ou le cuivre – ne font pas partie des plaintes.
Ce sont les droits généralisés, appliqués à des milliers de produits sans distinction, qui posent problème. Ceux que Donald Trump avait justifiés au nom de la « sécurité nationale » ou pour « rééquilibrer » la balance commerciale.
Des arguments que les tribunaux ont déjà jugés largement excessifs dans d’autres affaires similaires.
En résumé, les points contestés :
- Utilisation abusive de lois d’urgence pour contourner le Congrès
- Droits de douane appliqués à des produits sans lien avec la sécurité nationale
- Absence de consultation préalable du pouvoir législatif
- Caractère punitif déguisé en mesure protectionniste
D’autres grandes entreprises déjà dans la danse
Toyota, Volkswagen, BMW… Les filiales américaines de nombreux constructeurs étrangers ont déjà déposé des plaintes similaires. Mais jusqu’à présent, aucune entreprise aussi emblématique et 100 % américaine que Costco n’avait franchi le pas.
Ce choix est lourd de symboles. Costco, c’est plus de 800 entrepôts dans le monde, 130 000 employés rien qu’aux États-Unis, et une image de marque associée à des prix bas et à une relation directe avec des millions de consommateurs américains moyens.
Quand Costco attaque les droits de douane, ce n’est pas seulement une multinationale qui parle. C’est une partie de l’Amérique quotidienne qui dit stop.
Une arme diplomatique devenue épée de Damoclès
Donald Trump avait fait des droits de douane l’une de ses armes favorites. Contre la Chine, évidemment, mais aussi contre le Canada et le Mexique – qu’il accusait de laisser passer drogue et migrants.
Ces taxes devaient forcer les partenaires commerciaux à céder. Elles ont surtout provoqué des représailles, fait grimper les prix à la consommation et pénalisé les entreprises américaines qui importent.
Aujourd’hui, elles se retournent contre leur inventeur. Et risquent de coûter des milliards au contribuable américain si les remboursements sont ordonnés.
« Les droits de douane sont un impôt payé par les importateurs américains, et in fine par les consommateurs américains. »
Économistes de la Fed, étude 2019-2020
Quelles conséquences si Costco obtient gain de cause ?
Un effet domino. Des centaines d’entreprises pourraient sortir du bois et exiger, elles aussi, le remboursement de leurs surtaxes. Le montant total pourrait se chiffrer en dizaines, voire centaines de milliards de dollars.
Pour le gouvernement fédéral, ce serait une catastrophe budgétaire. Pour les consommateurs, une victoire indirecte : les prix de nombreux produits importés pourraient mécaniquement baisser.
Et pour Donald Trump, une humiliation judiciaire retentissante – même s’il n’est plus au pouvoir au moment du verdict final.
Un dossier qui dépasse largement Costco
Cette affaire pose une question constitutionnelle fondamentale : jusqu’où un président peut-il aller seul dans la guerre commerciale ? Peut-il imposer des taxes massives au nom de la « sécurité nationale » sans que le Congrès n’ait son mot à dire ?
La réponse de la Cour suprême fera jurisprudence pour des décennies. Et pourrait limiter sérieusement la marge de manœuvre des futurs présidents – quel que soit leur camp.
En attendant, Costco a décidé de ne pas rester les bras croisés. Et l’Amérique entière regarde.
Affaire à suivre. Très étroitement.









