InternationalPolitique

Paix Juste en Ukraine : Le Président Finlandais Brise le Silence

Le président de Finlande vient de lâcher une bombe : une « paix juste » en Ukraine est « peu probable ». Derrière les belles déclarations, un compromis douloureux se profile… et la Finlande s’y prépare déjà. Ce qu’il révèle sur les coulisses américaines va vous surprendre.

Imaginez un instant vivre à quelques kilomètres d’une frontière fermée depuis deux ans, avec 1 340 kilomètres de barbelés et de silence radio. C’est la réalité quotidienne des Finlandais depuis décembre 2023. Et c’est depuis cette position stratégique que le président Alexander Stubb vient de prononcer des mots qui font l’effet d’une douche froide : une paix « juste » en Ukraine a très peu de chances de voir le jour.

Une paix juste ? « Peu probable », tranche Alexander Stubb

Mercredi, dans un entretien accordé à la télévision nationale finlandaise MTV3, le chef de l’État n’a pas mâché ses mots. Oui, l’Europe travaille ardemment à préserver l’indépendance, la souveraineté et l’intégrité territoriale de l’Ukraine. Mais la réalité, dit-il, est bien plus cruelle.

« La paix peut être bonne, mauvaise ou un compromis », explique-t-il calmement. Et d’ajouter, avec le pragmatisme nordique qui le caractérise : toutes les conditions d’une paix juste, dont nous parlons depuis quatre ans, risquent de ne jamais être réunies.

« Nous, les Finlandais, devons aussi nous préparer pour le moment où la paix sera rétablie, et que toutes les conditions d’une paix juste […] ont peu de chances d’être réunies. »

Alexander Stubb, président de la Finlande

Pourquoi la Finlande est aux premières loges

Peu de pays européens ressentent la guerre en Ukraine aussi concrètement que la Finlande. Sa frontière avec la Russie est la plus longue de l’Union européenne. Depuis l’invasion de février 2022, Helsinki a rejoint l’OTAN en un temps record et fermé totalement ses postes-frontières avec son voisin.

Cette fermeture n’est pas seulement symbolique : elle répond à une montée des tensions directe. La Finlande accuse Moscou d’instrumentaliser les flux migratoires pour déstabiliser le pays. Des milliers de demandeurs d’asile, souvent originaires du Moyen-Orient ou d’Afrique, ont été poussés vers la frontière finlandaise dans ce que Helsinki qualifie d’« attaque hybride ».

Dans ce contexte, chaque déclaration du président finlandais est scrutée comme une boussole géopolitique.

Les États-Unis, entre médiation et intérêts économiques

Alexander Stubb entretient des relations directes avec les présidents américain et ukrainien. Il connaît donc les coulisses des négociations. Et ce qu’il révèle est édifiant.

Washington, explique-t-il, investit énormément dans divers accords. Parmi ceux-ci : l’exploitation des réserves minérales ukrainiennes, parmi les plus importantes d’Europe (lithium, titane, terres rares…). Pour le président finlandais, il est possible que la question des régions occupées soit, d’une manière ou d’une autre, liée à des considérations commerciales.

Autrement dit : derrière les discours sur la démocratie et la liberté, des intérêts économiques très concrets pourraient influencer la forme finale de l’accord.

« Il se peut que la partie concernant les régions soit également liée d’une manière ou d’une autre au commerce. »

Le plan américain en 28 points : une lecture « très frustrante »

Il y a dix jours, les États-Unis ont présenté un projet de paix en 28 points. Première version : jugée extrêmement favorable à Moscou et rédigée sans consultation réelle des Européens. Réactions outrées à Kiev et dans les capitales du Vieux Continent.

Depuis, le texte a été amendé avec les Ukrainiens, puis retravaillé dimanche en Floride. Alexander Stubb reste sceptique quant à son acceptation par le Kremlin, mais il sent que « nous nous dirigeons vers une forme de cessez-le-feu et de paix ».

Le mot est lâché : cessez-le-feu. Pas victoire. Pas restauration totale de l’intégrité territoriale. Juste l’arrêt des combats. Un scénario que beaucoup en Europe refusent encore d’envisager publiquement.

Que signifie une « paix injuste » pour l’Europe du Nord ?

Le président finlandais n’a pas détaillé les conséquences concrètes d’une paix injuste. Mais on peut les deviner.

Une reconnaissance, même partielle, des annexions russes créerait un précédent dangereux aux portes de la Finlande. La Carélie, perdue en 1944, reste dans toutes les mémoires. Une Russie qui sortirait renforcée du conflit ukrainien pourrait être tentée de tester à nouveau les limites de l’OTAN.

C’est pourquoi Helsinki se prépare déjà à tous les scénarios : renforcement militaire continu, investissements dans la défense, diversification énergétique accélérée loin du gaz russe.

Les prochaines semaines seront décisives, a martelé Alexander Stubb. Soit les efforts diplomatiques aboutissent à un accord viable. Soit le conflit se fige dans une guerre d’usure interminable.

Vers un conflit gelé à l’européenne ?

En filigrane, la déclaration du président finlandais dessine le contour d’un scénario que beaucoup redoutent : un conflit gelé, à la mode moldave ou géorgienne. Des lignes de front figées, des territoires occupés de facto, une souveraineté ukrainienne amputée mais une guerre qui ne tue plus tous les jours.

Ce serait une paix. Mais certainement pas celle promise en 2022, quand l’Europe entière jurait de ne jamais accepter les fruits de l’agression.

Alexander Stubb, avec son franc-parler habituel, vient de rappeler une vérité brutale : la géopolitique n’est pas un tribunal moral. Elle est faite de rapports de force, d’intérêts économiques et de compromis douloureux.

Et pour la Finlande, pays qui a appris à vivre avec un voisin imprévisible depuis un siècle, il vaut mieux se préparer au pire tout en espérant le moins mauvais.

Les prochaines semaines, comme il l’a dit, seront cruciales. Elles diront si l’Europe saura imposer sa vision d’une paix juste… ou si elle devra, comme tant de fois dans l’Histoire, accepter la realpolitik.

En attendant, à Helsinki comme à Kiev, on retient son souffle.

Passionné et dévoué, j'explore sans cesse les nouvelles frontières de l'information et de la technologie. Pour explorer les options de sponsoring, contactez-nous.