Imaginez-vous tranquillement devant votre télévision un soir d’octobre 2023, en train de regarder le journal de 20 heures. Un reportage sérieux sur le pouvoir d’achat défile, avec ce témoin touchant : un chômeur qui traque les promotions avec un classeur entier de bons de réduction. Attendrissant, non ? Sauf que 24 heures plus tard, des milliers d’internautes explosent de rire : l’homme n’est pas du tout un consommateur lambda, mais un prankeur connu des réseaux sociaux. Bienvenue dans l’histoire du canular qui a fait trembler la rédaction du JT de France 2.
Le jour où le « roi des bons plans » a dupé le service public
Tout commence par un sujet classique, presque banal en période d’inflation : comment les Français font-ils pour remplir leur caddie sans se ruiner ? Les journalistes partent en grande surface et rencontrent plusieurs consommateurs malins. Parmi eux, un certain « Mehdi », présenté comme un chômeur ingénieux. Devant la caméra, il exhibe fièrement son classeur débordant de coupons, explique ses astuces pour traquer les -70 %, et raconte comment il divise parfois sa note par deux.
Le ton est sérieux, presque compassionnel. Le reportage passe sans vague… jusqu’à ce que TikTok s’en mêle.
Mehdi « tu connais » : déjà une légende du prank
À peine la séquence diffusée, les commentaires fusent : « Mais c’est Mehdi tu connais ! » L’homme au classeur n’est autre que l’humoriste suivi par des centaines de milliers d’abonnés sur TikTok et Instagram. Son fonds de commerce ? Les caméras cachées et les infiltrations complètement délirantes.
Quelques heures plus tard, il publie lui-même les coulisses : comment il a contacté l’équipe sous une fausse identité, comment il a préparé son classeur factice, et surtout comment il a gardé son sérieux pendant tout le tournage. La vidéo fait des millions de vues en quelques jours.
« J’ai juste répondu à une annonce de casting pour un reportage sur le pouvoir d’achat. Ils n’ont jamais vérifié qui j’étais vraiment »
Mehdi, dans sa vidéo TikTok de revendication
Un palmarès déjà bien rempli avant France 2
Ce n’est pas la première fois que le jeune homme s’incruste là où on ne l’attend pas. Son CV de prankeur est déjà long comme un ticket de caisse Leclerc un jour de promo :
- Il s’est fait passer pour un figurant improbable sur le tournage d’une série Netflix française
- Il a vendu des glaces en criant dans la rue pendant un direct de BFM TV
- Il a débarqué en costume de poulet géant en arrière-plan d’un duplex politique
- Il a même réussi à se glisser dans une émission de télé-achat en direct
Chaque fois, le même mode opératoire : faussement naïf : se présenter comme un simple citoyen, garder son calme, et attendre que la magie du montage fasse le reste.
La réaction immédiate (et gênée) de France 2
Le lendemain soir, c’est Léa Salamé elle-même qui lit le rectificatif en fin de journal. Le ton est grave : « Nous avons été trompés sur l’identité d’un des témoins du sujet diffusé hier ». Le reportage est retiré du replay en quelques heures, et un communiqué officiel promet de « renforcer les procédures de vérification ».
Dans les couloirs de la chaîne, l’ambiance est glaciale. Un journaliste confiera plus tard : « On s’est fait avoir comme des débutants. Le pire, c’est qu’on avait trouvé le témoignage tellement parfait… »
Pourquoi ce canular pose un vrai problème de société
Au-delà de l’anecdote drôle, l’affaire soulève des questions sérieuses. Dans un contexte où la confiance envers les médias est déjà fragile, se faire berner aussi facilement par un influenceur en quête de buzz n’est pas anodin.
Comment vérifier l’identité de centaines de témoins chaque année sans transformer chaque reportage en enquête de police ? Faut-il désormais demander une pièce d’identité à chaque personne filmée dans la rue ? Les rédactions sont coincées entre deux impératifs : la rapidité et la fiabilité.
Et pendant ce temps, les réseaux sociaux, eux, n’ont pas attendu : le hashtag #MehdiAu20h a dépassé les 15 millions de vues en une semaine.
Les précédents célèbres qui auraient dû alerter
Mehdi n’est pas le premier à réussir ce genre de coup. On se souvient du faux sourd-muet qui avait piégé une émission belge, ou du prétendu SDF qui s’était révélé être comédien dans un reportage larmoyant. Chaque fois, même scénario : la rédaction court après l’émotion et l’authenticité, et baisse la garde.
Mais là où les autres se contentaient d’une chaîne locale, Mehdi a visé le graal : le journal de 20 heures le plus regardé de France. Et il a réussi.
Ce que ça dit de notre époque
Ce canular est le symptôme parfait de l’époque : les frontières entre réalité et fiction s’effacent à vitesse grand V. Un influenceur peut devenir en une soirée le visage de la précarité française, et des millions de personnes vont y croire… ou en rire.
Le vrai gagnant ? Mehdi, bien sûr. Sa communauté a explosé, les marques le contactent, et il prépare déjà, dit-on, son prochain coup. Car oui, il a prévenu dans sa dernière vidéo : « C’était pas la dernière fois ».
Alors la prochaine fois que vous verrez un témoin trop parfait au journal télévisé, posez-vous la question : et si c’était encore lui ?
La télévision reste le dernier endroit où l’on croit encore que les gens disent toujours la vérité à la caméra. Mehdi est venu nous rappeler que même là, le spectacle a pris le pouvoir.
Une chose est sûre : les rédactions vont désormais vérifier deux fois avant de laisser quelqu’un avec un classeur de bons de réduction raconter sa vie au 20 heures. Et nous, on attend déjà le prochain prank avec une impatience à la fois amusée et inquiète.
