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Khamenei Défend le Voile et la Progression des Femmes

L’ayatollah Khamenei célèbre les « progrès » des femmes voilées en Iran… alors que des milliers d’Iraniennes défient ouvertement le hijab. Le Guide suprême peut-il encore imposer sa vision face à une société qui change ? La réponse risque de vous surprendre.

Imaginez une société où le simple fait de montrer ses cheveux peut vous valoir une amende, une arrestation, voire la prison. En Iran, cette réalité dure depuis plus de quarante-cinq ans. Pourtant, dans les rues de Téhéran, de plus en plus de femmes marchent tête nue, cheveux au vent, défiant ouvertement la loi. C’est dans ce contexte électrique que le Guide suprême, l’ayatollah Ali Khamenei, a pris la parole pour défendre une vision radicalement différente de la liberté féminine.

Le discours qui divise : le hijab, vecteur de progrès selon Khamenei

Devant un auditoire exclusivement féminin, le Guide suprême a affirmé sans détour que le port du voile et le respect des limites islamiques permettent aux femmes iraniennes d’avancer plus loin que toutes les autres. Une déclaration qui résonne comme une réponse directe aux critiques occidentales, mais aussi à une partie grandissante de la population iranienne.

« Ils prétendent que si une femme porte le hijab, elle sera freinée dans sa progression », a-t-il lancé, faisant allusion aux voix qui dénoncent l’oppression du code vestimentaire. Puis il a ajouté, avec assurance : « En République islamique, il a été prouvé qu’une femme musulmane respectant la tenue islamique peut exceller dans tous les domaines. »

« Une femme musulmane, portant le hijab et respectant la tenue islamique, peut progresser davantage que les autres dans tous les domaines et jouer un rôle actif tant dans la société que dans son foyer. »

Ali Khamenei, Guide suprême de la Révolution islamique

Un fossé générationnel et idéologique béant

Ces mots, prononcés en 2025, semblent pourtant appartenir à une autre époque pour beaucoup d’Iraniennes nées après la Révolution de 1979. Dans les grandes villes, le spectacle est devenu courant : jeunes femmes aux cheveux teints en blond ou rose, jeans moulants, baskets colorées, marchant sans crainte dans les quartiers nord de Téhéran.

Ce phénomène n’est pas marginal. Il traduit une forme de résistance silencieuse, quotidienne, bien plus difficile à réprimer que les grandes manifestations de 2022. Le voile, autrefois symbole de la Révolution, devient pour une partie de la jeunesse le signe d’un système qui refuse de évoluer.

Le traumatisme Mahsa Amini toujours présent

Tout a basculé en septembre 2022 avec la mort de Mahsa Amini. Arrêtée par la police des mœurs pour un voile jugé mal mis, la jeune Kurde de 22 ans décède en détention. Les images de son corps sans vie déclenchent la plus grande vague de contestation depuis 1979.

Le slogan « Femme, Vie, Liberté » résonne dans tout le pays. Des femmes brûlent leur voile en public. Des adolescentes se coupent les cheveux face caméra. Pour la première fois, la contestation dépasse les cercles habituels et touche toutes les classes sociales.

Même trois ans plus tard, ce mouvement n’a pas disparu. Il s’est transformé. Moins visible dans les rues, plus ancré dans les gestes du quotidien. Refuser le voile n’est plus seulement un acte politique : c’est devenu une manière de vivre.

Massoud Pezeshkian, le président qui refuse la répression

Depuis son élection surprise en juillet 2024, le président réformateur Massoud Pezeshkian marche sur une corde raide. Il a publiquement déclaré qu’on ne pouvait pas forcer une femme à porter le voile. Un discours inimaginable il y a quelques années.

Son gouvernement a même bloqué une loi votée par le Parlement conservateur qui prévoyait des peines beaucoup plus sévères : amendes exorbitantes, prison, interdiction de conduire, retrait de passeport. Des mesures qui auraient transformé chaque rue en champ de bataille.

Ce refus a créé une situation inédite : la loi existe toujours, mais son application devient de plus en plus aléatoire. Dans certains quartiers, la police des mœurs a quasiment disparu. Dans d’autres, elle continue d’opérer. L’Iran vit aujourd’hui avec deux réalités parallèles.

Les conservateurs en colère, même contre… le bureau du Guide

Le plus surprenant ? Même le bureau du Guide suprême n’échappe pas aux critiques. Récemment, une photo publiée sur son site officiel a provoqué la colère des ultraconservateurs.

On y voyait une jeune Iranienne tuée lors des frappes israéliennes de juin, portant simplement une casquette, les cheveux visibles. Un cliché anodin pour beaucoup, mais perçu comme une trahison par les plus radicaux qui y ont vu une normalisation du non-voile.

Ironie de l’histoire : l’image censée honorer une « martyre de la Résistance » est devenue le symbole involontaire d’une jeunesse qui refuse les codes imposés.

Le hijab, entre religion, politique et identité

Pour comprendre l’ampleur du débat, il faut remonter à 1979. La Révolution islamique fait du voile obligatoire le symbole de la rupture avec l’Occident et le régime du Shah. Ce qui était alors une mesure parmi d’autres devient progressivement l’étendard de l’identité révolutionnaire.

Mais quarante-cinq ans plus tard, la société iranienne a profondément changé. L’accès à internet, les réseaux sociaux, les échanges avec la diaspora : tout concourt à créer une jeunesse connectée, éduquée, et qui refuse les dogmes imposés.

Le paradoxe est frappant : l’Iran compte parmi les pays avec le plus fort taux de femmes diplômées du supérieur dans la région. Des femmes médecins, ingénieures, chercheuses, chefs d’entreprise… souvent voilées par obligation, mais qui, dans l’intimité, remettent en question ce système.

Vers une cohabitation forcée ou un nouveau soulèvement ?

Aujourd’hui, trois scénarios se dessinent. Le premier : le régime finit par assouplir officiellement la loi, acceptant une forme de cohabitation. Le deuxième : les conservateurs reprennent la main et imposent une répression massive. Le troisième, le plus probable à court terme : le statu quo ambigu, où chacun fait comme il peut.

Dans les cafés de Téhéran, on murmure que le vrai changement viendra quand la génération actuelle aura pris le pouvoir. D’ici là, chaque femme qui sort sans voile participe, à sa manière, à écrire l’histoire.

Le discours de l’ayatollah Khamenei, aussi ferme soit-il, ressemble de plus en plus à une tentative de retenir un monde qui s’effrite. Car dans la rue, la réalité parle plus fort que les mots.

En Iran, le voile n’est plus seulement une question de religion.
C’est devenu le miroir d’une société en pleine mutation.

Et pendant que les autorités célèbrent les prétendus progrès des femmes voilées, des milliers d’Iraniennes continuent, jour après jour, de tracer leur propre chemin. Avec ou sans hijab.

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