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Athlète Iranienne Refuse Combat Face à Israélienne

Une jeune prodige iranienne du taekwondo préfère abandonner un Championnat du monde plutôt que d’affronter une Israélienne. Derrière ce retrait, une règle d’État vieille de 45 ans… Mais jusqu’où le sport peut-il rester à l’écart de la politique ?

Imaginez la scène : une jeune femme de vingt ans, médaillée de bronze quelques mois plus tôt, se tient au bord du tatami. Le public retient son souffle. Son adversaire est déjà en place. Et soudain, elle fait demi-tour et quitte la salle. Pas une blessure, pas une disqualification technique. Juste une règle plus forte que l’ambition sportive : ne jamais affronter un athlète israélien.

C’est exactement ce qui s’est passé lors des Championnats du monde de taekwondo des moins de 21 ans, organisés au Kenya. Rozhan Goudarzi, espoir iranien de la discipline, a préféré se retirer plutôt que de combattre dans le même groupe qu’une compétitrice israélienne.

Quand le sport devient terrain de diplomatie forcée

Depuis la Révolution islamique de 1979, la République islamique d’Iran ne reconnaît pas l’État d’Israël. Cette position politique absolue s’applique jusque dans les arènes sportives. Les athlètes iraniens ont l’interdiction formelle d’affronter, de serrer la main ou même de poser à côté de représentants israéliens.

Ce n’est pas une première. Pendant des décennies, les sportifs iraniens ont développé toute une série de stratagèmes pour éviter ces face-à-face embarrassants : certificats médicaux de dernière minute, forfaits mystérieux, blessures simulées ou même absences pures et simples.

Une longue liste de précédents lourds de conséquences

En août 2023, un haltérophile iranien a été suspendu à vie par son propre pays après avoir… serré la main d’un concurrent israélien sur le podium en Pologne. Un geste de fair-play qui lui a coûté sa carrière nationale.

Plus célèbre encore, le parcours d’Alireza Firouzja. À tout juste 16 ans, ce prodige des échecs était déjà parmi les meilleurs mondiaux. Mais quand sa fédération lui a interdit de participer au championnat du monde 2019 de peur qu’il rencontre un joueur israélien, il a choisi l’exil. Naturalisé français depuis, il représente désormais les couleurs tricolores et pointe régulièrement dans le top 10 mondial.

« Ne serrez jamais la main d’un représentant du régime criminel pour obtenir une médaille »

Ayatollah Ali Khamenei, guide suprême de la Révolution islamique – 2021

Cette phrase, prononcée publiquement par le plus haut dirigeant iranien, résume à elle seule la doctrine officielle. Le sport n’est pas épargné par l’idéologie.

Rozhan Goudarzi : portrait d’une athlète au carrefour des pressions

À 20 ans à peine, Rozhan Goudarzi faisait partie des grandes promesses du taekwondo iranien féminin. En novembre précédent, elle décrochait le bronze par équipes aux Jeux de la solidarité islamique en Arabie saoudite – une compétition réservée aux pays musulmans où, par définition, aucune Israélienne ne pouvait figurer.

Son retrait au Kenya n’a donc rien de spontané. Il s’inscrit dans une politique d’État appliquée avec rigueur. Les autorités iraniennes ont même protesté officiellement auprès de la Fédération mondiale de taekwondo, réclamant une modification du tableau. Refus catégorique : les tirages au sort sont intouchables.

Pour Rozhan Goudarzi, le choix était simple : combattre et risquer de lourdes sanctions à son retour, ou se retirer et préserver sa carrière en Iran. Elle a choisi la seconde option.

Un contexte régional explosif

Cet incident survient dans un contexte particulièrement tendu. Depuis l’attaque du Hamas le 7 octobre 2023 et la réponse militaire israélienne à Gaza, les relations entre Téhéran et Tel-Aviv n’ont cessé de s’envenimer.

En juin dernier, Israël a mené des frappes d’une ampleur inédite sur le sol iranien, éliminant plusieurs hauts responsables militaires. L’Iran a riposté par des salves de missiles et de drones. Dans ce climat de quasi-guerre ouverte, demander à une athlète iranienne de combattre sous les couleurs nationales face à une Israélienne relevait de l’impossible.

Le sport, censé rassembler les peuples, se retrouve une fois de plus instrumentalisé. Et les premiers à en payer le prix restent les athlètes eux-mêmes.

Le sport peut-il rester neutre ?

La question n’est pas nouvelle. Dès les années 1980, de nombreux pays arabes et musulmans boycottaient déjà les compétitions où Israël était présent. L’Iran a simplement poussé cette logique jusqu’à son extrême.

Le Comité international olympique a beau répéter que le sport doit rester apolitique, la réalité est tout autre. Quand un État fait de l’absence de relations diplomatiques une question de survie idéologique, ses citoyens – athlètes compris – n’ont guère le choix.

Certains y voient une forme de courage : refuser de légitimer l’adversaire. D’autres une atteinte grave à l’esprit sportif et aux rêves des jeunes talents.

Et demain ?

Tant que la République islamique maintiendra cette ligne officielle, les scènes comme celle du Kenya se répéteront. Aux Jeux olympiques de Paris 2024, déjà, plusieurs athlètes iraniens avaient soigneusement évité tout croisement possible avec des Israéliens.

Pour les nouvelles générations, le dilemme reste cruel : briller sur la scène mondiale ou respecter les directives du pays ? Certains, comme Alireza Firouzja, choisissent l’exil et une nouvelle nationalité sportive. D’autres, comme Rozhan Goudarzi, rentrent au pays et poursuivent leur carrière dans les compétitions « autorisées ».

Dans les deux cas, c’est une partie de leur liberté qui reste sur le tatami.

Le sport, miroir grossissant des tensions humaines, continue de nous rappeler que même les plus beaux gestes athlétiques peuvent parfois se heurter à des murs plus hauts que n’importe quel obstacle.

Et pendant ce temps, quelque part au Kenya, un combat n’a jamais eu lieu.

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