InternationalPolitique

UE : Fin Totale du Gaz Russe en 2027, un Tournant Historique

L’Union européenne vient de sceller l’arrêt définitif de tout gaz russe d’ici l’automne 2027. Un calendrier implacable, des contrats rompus légalement, et deux pays qui tentent encore de résister… Que va vraiment changer cette décision pour votre facture et pour la géopolitique ? La réponse risque de vous surprendre.

Imaginez un robinet géant que l’on ferme définitivement. Depuis 2022, l’Europe tente de tourner ce robinet qui alimentait près de la moitié de ses besoins en gaz avec la Russie. Mercredi, les négociateurs européens ont enfin trouvé l’accord qui permettra de le fermer à jamais, et même de le sceller. À l’automne 2027, plus une molécule de gaz russe ne franchira les frontières de l’Union.

Un accord trouvé dans la nuit : l’indépendance énergétique devient réalité

Après des mois de tractations parfois tendues, eurodéputés et représentants des États membres ont conclu un compromis dans la nuit de mardi à mercredi. Ursula von der Leyen n’a pas caché sa satisfaction : elle a parlé d’une « aube nouvelle », celle d’une Europe totalement indépendante des hydrocarbures russes.

Le commissaire à l’énergie, Dan Jørgensen, a été encore plus direct : « Fini le chantage, fini les manipulations de marché par Poutine. » Des mots forts qui résument l’objectif principal : priver Moscou d’une ressource financière colossale qui, selon Bruxelles, contribue à financer la guerre en Ukraine.

Le calendrier précis de la rupture

L’accord distingue plusieurs types de gaz et plusieurs durées de contrat. Voici les dates clés qui marqueront la fin progressive des achats :

  • Contrats courts GNL : interdiction dès le 25 avril 2026
  • Contrats courts gaz par gazoduc : interdiction le 17 juin 2026
  • Contrats longs GNL : fin au 1er janvier 2027
  • Contrats longs gazoduc : fin au plus tard le 1er novembre 2027 (ou dès le 30 septembre si les stocks le permettent)

Ces échéances, fruit d’un compromis entre le Parlement qui voulait aller plus vite et certains États plus prudents, seront soumises à un ultime vote, mais celui-ci s’annonce comme une formalité.

La clause « force majeure » qui change tout pour les entreprises

Rompre un contrat de plusieurs dizaines d’années n’est pas anodin. Pour protéger les entreprises européennes, l’accord prévoit qu’elles pourront invoquer un cas de force majeure en citant directement la nouvelle législation européenne. Autrement dit, aucun tribunal ne pourra leur reprocher d’avoir stoppé les livraisons russes.

Cette disposition était indispensable : certains contrats signés avant 2022 courent encore jusqu’en 2030, voire 2040 pour quelques-uns. Sans ce bouclier juridique, les fournisseurs européens risquaient des milliards d’euros de pénalités.

« Les entreprises n’auront plus à choisir entre respecter la loi européenne et honorer des contrats léonins signés sous une autre époque. »

Un négociateur européen anonyme

Pourquoi une législation et non des sanctions classiques ?

La Commission a délibérément choisi la voie législative plutôt que le régime des sanctions. La raison est simple : les sanctions nécessitent l’unanimité des 27. Or, la Hongrie et la Slovaquie menaçaient d’utiliser leur veto.

Avec une loi ordinaire, la majorité qualifiée suffit. Viktor Orban et son allié slovaque se retrouvent donc mis devant le fait accompli. Le Premier ministre hongrois, qui s’était rendu à Moscou fin novembre pour réaffirmer son intention de continuer à importer du gaz russe, voit son marge de manœuvre réduite à néant.

Le compromis prévoit d’ailleurs que la Commission présentera début 2026 une proposition spécifique pour couper également le pétrole russe acheminé par l’oléoduc Droujba vers ces deux pays enclavés, toujours exemptés depuis 2022.

D’où venait encore le gaz russe en 2024 ?

Si les gazoducs directs (Nord Stream, Yamal, TurkStream via la mer Noire) ont vu leurs flux chuter drastiquement, la Russie a su conserver une porte d’entrée massive : le gaz naturel liquéfié.

En 2024, derrière les États-Unis (45 %), la Russie reste le deuxième fournisseur de GNL de l’Union avec environ 20 % du marché, soit près de 20 milliards de mètres cubes. Au total, les importations gazières russes représentent encore 15 milliards d’euros injectés dans les caisses du Kremlin cette année.

Évolution de la dépendance gazière de l’UE
2021 → 45 % du gaz importé venait de Russie
2024 → 19 % seulement, dont une large part en GNL

La réaction immédiate du Kremlin

Moscou n’a pas attendu pour contre-attaquer verbalement. Le porte-parole du Kremlin a estimé que l’Europe se « condamnait elle-même » à payer une énergie plus chère et à accélérer son déclin industriel.

Des arguments déjà entendus en 2022 et qui, pour l’instant, n’ont pas empêché l’Union de réduire sa dépendance de plus de moitié tout en maintenant sa croissance et en remplissant ses stockages à des niveaux records.

Et maintenant ? Les défis qui restent à relever

Cette décision marque une étape décisive, mais elle ne règle pas tout. Plusieurs chantiers immenses attendent encore l’Europe :

  1. Accélérer la construction de nouveaux terminaux GNL (Espagne, Allemagne, France, Italie en tête)
  2. Développer massivement les interconnexions entre pays pour partager le gaz en cas de crise
  3. Investir dans le biométhane et l’hydrogène vert pour remplacer durablement les volumes perdus
  4. Renforcer les contrats longs avec la Norvège, les États-Unis, le Qatar et l’Algérie
  5. Préparer le terrain pour une sortie du pétrole russe en Hongrie et Slovaquie d’ici fin 2027

Le chemin vers l’indépendance totale est encore long, mais le signal envoyé est clair : l’Europe refuse dorénavant de financer, même indirectement, l’effort de guerre russe.

En fermant définitivement le robinet du gaz russe, l’Union européenne tourne une page de trente ans de dépendance énergétique. Une page douloureuse, coûteuse, mais qui s’achève sur une note d’espoir : celle d’une Europe plus souveraine, plus solidaire, et résolument tournée vers un avenir décarboné.

2027 approche. Et avec lui, la fin d’un chapitre géopolitique majeur.

Passionné et dévoué, j'explore sans cesse les nouvelles frontières de l'information et de la technologie. Pour explorer les options de sponsoring, contactez-nous.