Imaginez : une légende vivante accepte de raconter toute sa vie, ses triomphes, ses blessures, ses combats… mais pose une condition intransigeable : pas une seule image d’elle aujourd’hui. C’est exactement ce qu’a exigé Brigitte Bardot pour le documentaire qui lui est consacré, sorti en salles ce 3 décembre 2025. Un choix qui, loin d’être un caprice de star, révèle la profondeur d’une femme qui n’a jamais voulu trahir l’image que le monde garde d’elle.
Un refus qui en dit plus long que n’importe quel plan serré
À l’heure où chaque célébrité se livre en selfie et en stories, Brigitte Bardot, elle, dit non. Non à la caméra qui viendrait scruter les rides, les gestes plus lents, le temps qui a fait son œuvre. « Elle n’a pas voulu être filmée, à part un bref plan de profil », confient les réalisateurs Alain Berliner et Elora Thevenet. Ce bref plan, presque furtif, dure à peine quelques secondes : une silhouette reconnaissable entre mille, tournée vers la mer, à La Madrague. Et c’est tout.
Ce choix n’est pas nouveau. Depuis son retrait définitif des écrans en 1973, BB a toujours protégé farouchement son image actuelle. Elle préfère que le public garde en mémoire la jeune femme solaire de Et Dieu… créa la femme ou la provocatrice magnifique de Le Mépris. Accepter d’être filmée aujourd’hui aurait été, à ses yeux, une forme de trahison envers cette icône qu’elle a elle-même construite – et qu’elle a choisi de laisser figée dans l’éternité des pellicules.
Sa voix, seule, porte le film
En revanche, elle a dit oui à une chose : prêter sa voix. Depuis sa maison de Saint-Tropez, entourée de ses chiens et de ses ânes, elle a enregistré des heures de commentaires. Une voix rauque, posée, parfois tremblante d’émotion, souvent tranchante quand elle parle des sujets qui la révoltent encore. Cette voix scande les grands chapitres de sa vie comme une litanie intime.
« Je n’ai plus rien à prouver, mais j’ai encore beaucoup à dire. »
Cette phrase, prononcée dans le documentaire, résume tout. Elle n’a plus besoin d’être vue pour exister : sa parole suffit. Et quelle parole. Sans filtre, elle revient sur ses amours tumultueuses, sur le poids écrasant de la célébrité, sur les scandales, sur sa dépression, sur son amour absolu pour les animaux. Elle parle de la liberté comme d’un trésor qu’elle a payé très cher mais qu’elle ne regretté jamais.
Des archives jamais vues et quarante témoins
Pour compenser l’absence physique de Bardot, les réalisateurs ont misé sur une richesse visuelle exceptionnelle. Des images d’archives familiales inédites montrent une petite Brigitte en tutu de danseuse, déjà magnétique. Des extraits de films, bien sûr, mais aussi des apparitions télévisées oubliées, des photos de tournage, des lettres manuscrites.
Plus de quarante personnes prennent la parole : amis d’enfance, collaborateurs, spécialistes de la mode, historiens du cinéma, militants de la cause animale. Tous dessinent le portrait d’une femme multiple : l’actrice géniale, la chanteuse sensuelle, la rebelle, la militante acharnée, la femme blessée, la solitaire de La Madrague.
Ce qu’on découvre dans le documentaire :
- Les premières images couleur de Brigitte enfant chez ses parents bourgeois parisiens
- Des lettres d’amour de Jean-Louis Trintignant et de Serge Gainsbourg
- Les coulisses de sa rencontre décisive avec Roger Vadim à 15 ans
- Les dessous de son engagement contre l’abattage des phoques en 1977
- Ses mots très durs sur le star-système qui l’a « bouffée »
- Son regard sans concession sur la France d’aujourd’hui
La Madrague, ce refuge devenu forteresse
Depuis plus de soixante ans, La Madrague est le cœur battant de la vie de Brigitte Bardot. Cette maison blanche aux volets bleus, posée face à la Méditerranée, est à la fois sanctuaire et prison dorée. C’est là qu’elle a choisi de vivre loin des regards, protégée par de hauts murs et par ses chiens qui montent la garde.
Dans le documentaire, on entend le bruit des vagues en fond sonore quand elle parle. On sent presque l’odeur des pins et du sel. Elle raconte comment cette maison l’a sauvée quand tout devenait trop lourd : les flashs des paparazzi, les tentatives de suicide, l’impression d’être un animal en cage. « Ici, je suis chez moi. Personne ne m’oblige à sourire », dit-elle simplement.
Un testament ? Pas vraiment
Beaucoup parlent de « testament ». Le mot revient souvent depuis la sortie du film, surtout après les récents soucis de santé de l’icône et les rumeurs infondées sur sa mort. Pourtant, ceux qui l’entourent le répètent : Brigitte Bardot va mieux, elle est lucide, combative, et surtout bien vivante.
Ce documentaire n’est pas un adieu. C’est au contraire un acte de liberté ultime. À 91 ans, elle décide encore de tout : ce qu’on verra d’elle, ce qu’on entendra, ce qu’on saura. Elle impose ses règles jusqu’au bout. Et c’est peut-être ça, la plus belle définition de la BB attitude : ne jamais se soumettre, même quand le monde entier vous supplie de revenir.
Pourquoi ce film touche autant
En une heure trente, le spectateur passe par toutes les émotions. On rit en revoyant la jeune Brigitte provoquer la France entière avec son bikini et sa danse endiablée. On pleure quand elle parle, la voix brisée, de ses animaux morts ou de sa solitude. On s’indigne avec elle devant la cruauté humaine envers les bêtes. Et surtout, on ressort avec l’impression rare d’avoir rencontré quelqu’un de vrai.
Parce qu’en refusant d’être filmée, Brigitte Bardot nous offre paradoxalement le portrait le plus intime qui soit. Elle nous force à l’écouter vraiment, sans le filtre de l’image. Et sa voix, cette voix unique, abîmée par le temps mais toujours vibrante de passion, nous raconte une histoire que personne d’autre ne pourra jamais raconter comme elle.
Alors oui, on aurait aimé la voir. Mais peut-être que, finalement, ne pas la voir était la plus belle des cadeaux qu’elle pouvait nous faire. Celui de se souvenir d’elle libre, indomptable, éternellement jeune dans nos mémoires.
« Bardot » – En salles depuis le 3 décembre 2025
Un film d’Alain Berliner et Elora Thevenet
Durée : 1h30









