Cinq ans déjà. Le 25 novembre 2020, le monde apprenait la mort brutale de Diego Armando Maradona. Une crise cardiorespiratoire, un œdème pulmonaire, un corps épuisé par des décennies d’excès. Et surtout, une question qui hante encore aujourd’hui l’Argentine : aurait-on pu, aurait-on dû le sauver ?
Un second procès confirmé pour mars 2026
La réponse judiciaire arrive enfin. Après l’annulation retentissante du premier procès en mai dernier, un nouveau chapitre s’ouvre. Mardi, lors d’une audience préliminaire à San Isidro, le tribunal a fixé les grandes lignes d’un second procès qui débutera le 17 mars 2026. Et cette fois, la justice semble déterminée à aller vite.
Trois audiences par semaine, de 10 h à 17 h. Un rythme soutenu, presque inhabituel en Argentine, qui traduit la volonté de ne plus laisser aucune place aux reports à répétition. Les parties ont jusqu’à cette date pour finaliser la liste des témoins – près de 90 à ce stade – mais le tribunal a déjà prévenu : les négociations peuvent se faire en privé, rien ne retardera le coup d’envoi.
Pourquoi le premier procès a-t-il été annulé ?
Retour en arrière. Le premier procès avait pourtant captivé le pays pendant deux mois. Plus de vingt audiences, quarante-quatre témoins entendus, des débats passionnés retransmis en direct. Et puis, le scandale. L’une des trois juges avait, en secret, collaboré à une mini-série documentaire sur l’affaire… dans laquelle elle tenait le rôle principal.
Une faute inimaginable. La magistrate a été destituée et l’ensemble du procès annulé. Un camouflet pour la justice argentine, mais aussi un coup dur pour les filles de Maradona, Dalma et Gianinna, qui se battent depuis cinq ans pour que lumière soit faite sur les circonstances de la mort de leur père.
« Malgré toutes les tentatives pour que cela n’ait pas lieu, tu as une date de procès ! »
Dalma Maradona, sur Instagram, s’adressant à son père
Sept soignants toujours dans le viseur
Les accusés restent les mêmes : sept professionnels de santé qui entouraient Maradona durant sa convalescence. Médecin personnel, psychiatre, psychologue, infirmiers, coordinatrice médicale… Tous sont soupçonnés d’avoir commis une négligence fatale, voire consciente, en laissant le champion dans des conditions indignes.
Le cœur de l’accusation ? Maradona, fraîchement opéré d’un hématome sous-dural, se trouvait dans une maison sans équipement médical adapté, isolé, mal surveillé, alors que son état nécessitait une hospitalisation en soins intensifs. Les expertises médicales sont accablantes : son décès n’était pas inéluctable.
La défense joue la carte du « non bis in idem »
Du côté de la défense, on crie à l’acharnement. Les avocats ont déposé plusieurs recours, dont un en nullité fondé sur le principe du non bis in idem : personne ne peut être jugée deux fois pour les mêmes faits. « On est en train d’envisager de faire deux procès, or ce n’est pas possible », expliquait lundi Me Nicolas d’Albora, conseil de la coordinatrice médicale Nancy Forlini.
Mais le tribunal a tranché : ces recours, actuellement devant une cour d’appel, ne suspendent pas la tenue du procès. Le calendrier est maintenu. Un revers cinglant pour la défense, qui dénonçait déjà la « précipitation » du tribunal.
Un procès sous haute tension émotionnelle
Dans la salle d’audience de San Isidro, l’ambiance était électrique. D’un côté, les avocats des filles Maradona, Fernando Burlando en tête, affichaient leur satisfaction. « Le plus important, malgré les recours, c’est que le procès va avoir lieu », a-t-il déclaré à la sortie.
De l’autre, les conseils des accusés multipliaient les objections procédurales. Certains observateurs parlent déjà d’une stratégie d’usure : retarder, encore et encore, jusqu’à ce que l’opinion publique se lasse. Mais cette fois, la justice semble avoir décidé de couper court.
17 mars 2026
Première audience du second procès Maradona
Tribunal de San Isidro – Trois séances par semaine
Ce que risque vraiment les accusés
En cas de condamnation pour homicide par négligence, les peines peuvent aller jusqu’à 15 ans de prison. Un verdict lourd de sens, qui pourrait créer une jurisprudence sur la responsabilité médicale des personnalités publiques.
Mais au-delà des années de prison, c’est la reconnaissance d’une faute qui est attendue. Dalma et Gianinna Maradona ne cessent de le répéter : elles ne veulent pas vengeance, elles veulent la vérité. Savoir si leur père a été abandonné au moment où il avait le plus besoin d’aide.
Maradona, plus qu’un footballeur
Parce qu’au fond, cette affaire dépasse largement le cadre judiciaire. Diego Maradona était un dieu en Argentine. Le gamin des bidonvilles devenu champion du monde 1986, le numéro 10 qui a porté Naples sur ses épaules, l’homme aux excès assumés et à la fragilité touchante.
Son décès a laissé un vide immense. Et l’idée qu’il ait pu mourir dans l’indifférence médicale est insupportable pour des millions d’Argentins. Ce procès, c’est aussi une façon de lui rendre hommage, de dire qu’une légende mérite mieux qu’un départ dans la solitude.
Le 17 mars 2026, les projecteurs seront à nouveau braqués sur San Isidro. Les caméras du monde entier suivront chaque audience. Et quelque part, là-haut ou dans le cœur de ses filles, Diego Armando Maradona regardera lui aussi.
La justice argentine a cinq mois pour se préparer. Cinq mois pour éviter un nouveau fiasco. Cinq mois pour enfin répondre à la question qui hante depuis cinq ans : qui a laissé mourir El Pibe de Oro ?
La réponse, on le saura peut-être en 2026.









