Imaginez la scène : deux jeunes militaires de la Garde nationale en faction dans la capitale américaine, une soirée de novembre comme tant d’autres, puis soudain des coups de feu et le cri « Allah Akbar » qui déchire la nuit. L’un d’eux ne se relèvera jamais. L’auteur présumé, un Afghan de 29 ans arrivé aux États-Unis grâce à l’évacuation massive de 2021, vient de plaider non coupable depuis son lit d’hôpital.
Un plaidoyer de non-culpabilité prononcé sous haute tension
C’est par visioconférence, entouré de marshals et avec l’aide d’un interprète en pachtoune, que Rahmanullah Lakanwal a formellement rejeté toutes les accusations portées contre lui. L’audience, brève mais lourde de sens, s’est déroulée mardi alors que l’homme reste alité, blessé lors de son interpellation musclée le 26 novembre.
Les chefs retenus sont particulièrement graves : assassinat au premier degré, agression armée avec intention de tuer et usage d’une arme dans un acte de violence. Le juge n’a pas hésité une seconde : détention provisoire sans caution possible. Prochaine comparution fixée au 14 janvier.
Les faits tels qu’ils se sont déroulés
Le soir du 26 novembre, Rahmanullah Lakanwal s’approche des deux militaires postés près d’un site sensible de Washington. Selon le témoignage du soldat survivant, il crie « Allah Akbar » avant d’ouvrir le feu à plusieurs reprises. Sarah Beckstrom, 20 ans, est touchée mortellement. Son camarade Andrew Wolfe, 24 ans, est grièvement blessé mais son état s’améliore.
Les forces de l’ordre interviennent rapidement. L’assaillant est neutralisé et maîtrisé non sans difficulté. Les premiers éléments de l’enquête montrent qu’il a parcouru plus de 4 000 kilomètres en voiture depuis l’État de Washington, où il vivait avec sa famille, jusqu’à la côte Est.
Un parcours qui interroge
Rahmanullah Lakanwal n’est pas n’importe qui aux yeux des autorités américaines. Ancien membre d’une unité spéciale afghane, il a combattu aux côtés des soldats américains contre les talibans. À ce titre, il a bénéficié de l’opération d’évacuation massive organisée à l’été 2021, quelques semaines seulement après le retrait chaotique des troupes décidé sous Joe Biden.
Arrivé en septembre 2021, il dépose une demande d’asile qui sera approuvée en avril 2025, déjà sous la nouvelle administration Trump. Entre-temps, il s’installe dans le nord-ouest du pays, mène apparemment une vie discrète… jusqu’à ce voyage solitaire et meurtrier vers la capitale.
« Nous pensons qu’il s’est radicalisé depuis qu’il est ici dans ce pays »
Kristi Noem, ministre de la Sécurité intérieure
Cette phrase, prononcée dimanche, résume le choc des autorités : un ancien allié, protégé et accueilli, serait devenu une menace intérieure.
La peine de mort déjà sur la table
Dès vendredi, la procureure de Washington, Jeanine Pirro, annonçait que le décès de Sarah Beckstrom entraînait automatiquement la qualification d’assassinat. Lundi, la ministre de la Justice Pam Bondi confirmait s’être rendue au chevet d’Andrew Wolfe et de sa famille.
L’administration Trump ne laisse planer aucun doute : elle requerra la peine capitale. Une décision qui, dans le contexte actuel, dépasse largement le seul cadre judiciaire et prend une dimension politique évidente.
Un précédent qui fait trembler
Cet attentat n’est pas un cas isolé. En octobre 2024, un autre Afghan arrivé en septembre 2021, Nasir Tawhedi, était interpellé en Oklahoma pour un projet d’attentat le jour même de l’élection présidentielle. Il a depuis plaidé coupable.
Plus de 190 000 Afghans ont été accueillis aux États-Unis depuis la chute de Kaboul. Si la grande majorité s’intègre pacifiquement, ces deux affaires à moins d’un an d’intervalle ravivent les craintes d’une faille dans le processus de sélection et de suivi.
Réactions immédiates et mesures radicales
Dès les premières heures qui ont suivi l’attaque, Donald Trump a ordonné le gel total de toute nouvelle décision d’asile. Parallèlement, il a exigé la révision systématique des cartes vertes délivrées aux ressortissants de 19 pays jugés à risque, Afghanistan en tête de liste.
La liste des pays interdits d’entrée, actuellement fixée à 12, pourrait bientôt s’allonger. Kristi Noem a laissé entendre lundi soir que de nouveaux noms étaient à l’étude, sans les dévoiler.
Mesures annoncées dans les 72 heures suivant l’attentat :
- Gel immédiat des décisions d’asile
- Réexamen des cartes vertes pour 19 nationalités
- Préparation de l’extension de la liste des pays interdits
- Renforcement des contrôles sur les bénéficiaires de l’opération d’évacuation 2021
Une polémique qui divise profondément
Très vite, l’affaire a pris une couleur politique. D’un côté, les républicains pointent du doigt le retrait précipité décidé sous Biden et les failles du programme d’accueil. De l’autre, certains démocrates rappellent que l’approbation finale de l’asile de Lakanwal a eu lieu sous Trump et que la radicalisation, si elle est avérée, s’est produite sur le sol américain.
Au-delà des querelles partisanes, une question plus profonde émerge : comment détecter, parmi des dizaines de milliers de personnes fuyant la guerre, celles qui pourraient un jour représenter une menace ?
Le mobile reste une énigme
À ce stade, aucune revendication claire n’a été établie. Pas de lien formel avec un groupe terroriste étranger. Les enquêteurs explorent toutes les pistes : ressentiment personnel, troubles psychologiques, influence en ligne, radicalisation progressive…
Le fait qu’il ait crié « Allah Akbar » oriente évidemment vers une motivation idéologique, mais les autorités restent prudentes. L’enquête sur ses communications, ses fréquentations et son parcours numérique depuis 2021 s’annonce longue et complexe.
Ce qui est certain, c’est que ce drame remet brutalement sur la table le débat sur l’accueil des réfugiés afghans, quatre ans après la chute de Kaboul. Entre devoir moral envers ceux qui ont aidé les États-Unis et impératif de sécurité nationale, la balance penche aujourd’hui nettement vers la seconde option.
L’histoire de Rahmanullah Lakanwal, ancien combattant devenu suspect numéro un, risque de marquer durablement les esprits et d’influencer pour longtemps la politique migratoire américaine.









