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L’Irak Tourne une Page Historique avec l’ONU

Après plus de vingt ans à ses côtés, l'ONU s'apprête à quitter l'Irak. Le chef de la mission parle d'un « nouveau chapitre » pour un pays enfin maître de son destin. Mais que signifie réellement cette fermeture prévue fin décembre ? La réponse risque de vous surprendre...

Imaginez un pays qui, pendant plus de deux décennies, a vécu sous le regard bienveillant mais parfois pesant de la communauté internationale. Et soudain, ce regard se retire. Pas dans la précipitation ni dans l’abandon, mais avec dignité, presque comme un parent qui laisse son enfant marcher seul. C’est exactement ce qui se passe en Irak en cette fin d’année 2025.

Un Nouveau Chapitre pour l’Irak Sovereign

Le mardi 2 décembre 2025, lors de la dernière réunion du Conseil de sécurité consacrée à ce dossier, le ton était à la fois solennel et empreint d’espoir. Le représentant spécial du Secrétaire général et chef de la Mission d’assistance des Nations Unies pour l’Irak (Manui), Mohamed Al Hassan, n’a pas caché son émotion. Pour lui, la fermeture de cette mission politique ne signe pas la fin d’une relation, mais l’ouverture d’une ère nouvelle.

Créée en 2003 dans le chaos qui a suivi l’intervention militaire et la chute du régime de Saddam Hussein, la Manui aura accompagné le pays pendant vingt-deux années cruciales. Vingt-deux années de reconstruction institutionnelle, de retour progressif à la stabilité, d’élections successives et de lutte contre le terrorisme. Et maintenant, à la demande expresse de Bagdad lui-même, le Conseil de sécurité a acté sa dissolution au 31 décembre 2025.

Une Décision Souveraine de Bagdad

Ce qui frappe dans cette histoire, c’est que l’initiative vient d’abord et avant tout du gouvernement irakien. En mai 2024 déjà, les autorités de Bagdad avaient formulé cette demande officielle : prolonger la mission une dernière fois, jusqu’à la fin 2025, puis tourner la page. Un geste fort qui dit beaucoup sur la confiance retrouvée du pays en ses propres institutions.

Ce n’est pas tous les jours qu’un État demande la fin d’une mission politique de l’ONU présente sur son sol depuis plus de vingt ans. Habituellement, ce sont les Nations Unies qui décident du maintien ou du retrait de leurs opérations. Ici, c’est l’inverse. L’Irak affirme ainsi sa pleine souveraineté et sa capacité à gérer seul ses affaires intérieures.

« Le départ de la Manui n’est pas la fin de ce partenariat Irak-ONU, il représente au contraire le début d’un nouveau chapitre ancré dans un Irak maître de son propre destin »

Mohamed Al Hassan, chef de la Manui

Des Progrès Indéniables Malgré les Défis

Quand on regarde le chemin parcouru depuis 2003, les progrès sont évidents. Le pays a organisé en novembre 2025 des élections législatives décrites comme les plus libres, les plus ordonnées et les plus crédibles de son histoire récente. Un exploit quand on se souvient du climat de violence qui régnait encore il y a dix ans.

La menace terroriste, bien qu’encore présente dans certaines zones, a été largement contenue. Les institutions fonctionnent. La société civile s’organise. Les femmes occupent une place croissante dans la vie politique et publique. Même les relations avec les pays voisins, longtemps tendues, montrent des signes d’apaisement notables.

Mais Mohamed Al Hassan a tenu à rappeler une réalité : malgré ces avancées, les besoins humanitaires restent immenses. Des millions d’Irakiens continuent de souffrir des séquelles de décennies de conflits. Le déplacement interne, la reconstruction des villes détruites, l’accès aux services de base : autant de défis qui ne disparaîtront pas avec le départ de la Manui.

La Formation Rapide d’un Nouveau Gouvernement

L’un des messages les plus pressants du représentant onusien concerne la nécessité de former sans délai un nouveau gouvernement après les élections de novembre. Dans un pays où les tractations politiques peuvent parfois durer des mois, voire plus d’un an, cette urgence n’est pas anodine.

Un exécutif fort et légitime sera indispensable pour capitaliser sur les acquis démocratiques et répondre aux attentes d’une population fatiguée par l’instabilité. C’est aussi la condition pour que le départ de la mission ONU soit perçu comme un succès et non comme un abandon prématuré.

Les prochaines semaines seront donc cruciales. Tous les regards seront tournés vers les leaders politiques irakiens et leur capacité à dépasser les divisions partisanes au profit de l’intérêt national.

Vers une Relation Adulte avec la Communauté Internationale

La fin de la Manui ne signifie pas la fin de la coopération avec les Nations Unies. Loin de là. Le partenariat va simplement évoluer vers une relation plus mature, entre égaux. L’Irak continuera de bénéficier du soutien des différentes agences onusiennes : PNUD pour le développement, UNHCR pour les réfugiés, UNICEF pour l’enfance, etc.

Mais cette fois, ce sera dans un cadre bilatéral classique, sans la tutelle politique qu’impliquait la présence d’une mission spéciale du Conseil de sécurité. Un changement de statut qui reflète la normalisation progressive du pays sur la scène internationale.

Le Message aux Dirigeants Irakiens

Avant de conclure son intervention, Mohamed Al Hassan a adressé un message fort aux dirigeants irakiens. Il les a appelés à construire des ponts de confiance avec tous les pays voisins, à promouvoir les intérêts communs et à faire renaître la gloire passée de l’Irak, berceau de la civilisation mésopotamienne.

Dans une région marquée par les tensions géopolitiques, ce appel à la réconciliation régionale prend une dimension particulière. L’Irak, coincé entre l’Iran, la Turquie, l’Arabie saoudite et la Syrie, a tout intérêt à jouer la carte de la diplomatie active et du bon voisinage.

Retrouver sa place de carrefour culturel et commercial entre l’Asie et l’Europe, comme aux plus belles heures de Bagdad sous les Abbassides, tel semble être l’horizon proposé. Un rêve ambitieux mais pas totalement irréaliste pour un pays riche en histoire, en ressources et en potentiel humain.

Une Fermeture Honorable et Digne

Ce qui rend cette sortie particulièrement remarquable, c’est son caractère honorable. Combien de missions ONU se terminent dans l’échec ou l’indifférence ? Ici, toutes les parties s’accordent à saluer un travail accompli dans des conditions souvent extrêmement difficiles.

Le représentant spécial n’a pas manqué de rendre hommage aux milliers de fonctionnaires onusiens, irakiens et internationaux, qui ont œuvré parfois au péril de leur vie pour accompagner cette transition. Beaucoup y ont laissé leur santé, certains leur vie. Leur engagement mérite d’être salué.

Aujourd’hui marque donc non seulement la fin d’une mission, mais la reconnaissance collective d’un chemin parcouru ensemble. Un rare moment de consensus dans un monde souvent divisé.

Et Maintenant ? Les Défis de l’Après-Manui

Si la symbolique est forte, la réalité sur le terrain reste complexe. L’Irak n’est pas encore sorti d’affaire. La corruption gangrène toujours certaines institutions. Les milices armées conservent une influence préoccupante. Le chômage des jeunes alimente le mécontentement social.

Le départ de la Manui va-t-il créer un vide ? Les mécanismes de suivi des droits de l’homme, de protection des minorités, de soutien à la réconciliation nationale vont-ils perdurer avec la même efficacité ? Ce sont des questions légitimes que beaucoup d’observateurs se posent.

Mais c’est aussi l’occasion pour l’Irak de prouver qu’il peut voler de ses propres ailes. Que les institutions construites avec l’aide internationale sont assez solides pour résister aux pressions internes et externes. Que le pays est prêt à assumer pleinement ses responsabilités de membre à part entière de la communauté des nations.

Le monde entier regardera avec attention les prochaines étapes. Car ce qui se joue en Irak dépasse largement ses frontières. C’est tout le modèle des interventions internationales post-conflit qui est en quelque sorte en train d’être réévalué.

Pour la première fois peut-être depuis longtemps, l’avenir de l’Irak est entre les mains des Irakiens eux-mêmes. Un privilège que beaucoup de peuples aimeraient avoir. Reste à savoir si cette responsabilité sera exercée avec sagesse et détermination.

Le 31 décembre 2025, quand les derniers bureaux de la Manui fermeront leurs portes à Bagdad, ce ne sera pas seulement la fin d’une mission. Ce sera le début d’une aventure nouvelle, incertaine mais exaltante : celle d’un pays qui reprend pleinement possession de son destin.

Et quelque part, dans cette décision courageuse de tourner la page, il y a peut-être la plus belle réussite de vingt-deux ans d’accompagnement international.

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