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Mali : 27 Chauffeurs Tués Décorés pour leur Sacrifice

27 chauffeurs de camions-citernes tués par des jihadistes viennent d’être décorés à titre posthume par le régime malien. Derrière l’hommage, une réalité glaçante : des civils payent de leur vie pour ravitailler le pays en carburant. Mais une trêve secrète avec les terroristes expliquerait-elle la fin des pénuries ?

Imaginez devoir transporter du carburant à travers des zones où chaque kilomètre peut être le dernier. Au Mali, depuis plusieurs mois, des chauffeurs de camions-citernes risquent leur vie pour que Bamako continue de respirer. Fin novembre, l’État malien a décidé de leur rendre un hommage solennel : 27 d’entre eux, tués lors d’attaques jihadistes, viennent d’être décorés à titre posthume.

Un hommage national aux héros du quotidien

Le général Assimi Goïta, chef du régime militaire, a signé les décrets publiés au Journal officiel. Soixante-quatorze personnes au total ont reçu des distinctions pour leur rôle dans le maintien de l’approvisionnement en hydrocarbures malgré la menace terroriste.

La médaille de l’Étoile d’Argent du Mérite national avec effigie « Lion Debout » a été remise à titre posthume aux familles de 27 chauffeurs et apprentis tués. Parmi eux, trois Ivoiriens et un Burkinabè, rappelant que cette guerre concerne toute la sous-région.

Trente et un autres chauffeurs blessés lors de ces mêmes attaques ont reçu la même distinction. Seize opérateurs pétroliers et responsables syndicaux ont été élevés au grade de Chevalier de l’Ordre national du Mali pour leur soutien actif à l’État pendant la crise.

Des convois sous le feu incessant des jihadistes

Depuis septembre, le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (JNIM), affilié à Al-Qaïda, a multiplié les blocus sur plusieurs localités maliennes. Leur objectif : asphyxier l’économie, y compris dans la capitale.

Les routes en provenance du Sénégal et de la Côte d’Ivoire, seules voies d’approvisionnement en carburant, sont devenues des cibles prioritaires. Malgré les escortes de l’armée malienne et des paramilitaires russes de l’Africa Corps, les attaques se sont multipliées.

Camions incendiés, chauffeurs abattus ou enlevés, militaires tués : le bilan est lourd. Les chauffeurs, souvent des civils sans formation militaire, se retrouvent en première ligne d’un conflit qu’ils n’ont pas choisi.

« On part le matin sans savoir si on rentrera le soir. Mais sans nous, il n’y a plus d’essence, plus de vie à Bamako. »

Un chauffeur de convoi, témoignage recueilli avant les décorations

Les conditions dramatiques des chauffeurs

Avant ces décorations, les syndicats avaient tiré la sonnette d’alarme. Conditions de travail précaires, absence de protection réelle, familles laissées sans ressources en cas de décès : la colère montait.

Mi-novembre, un protocole d’accord a été signé avec le gouvernement. Il prévoit :

  • La prise en charge médicale des blessés
  • Une aide financière pour les enfants des victimes
  • La mise en place d’une convention collective
  • Des prestations sociales renforcées

Ces mesures, longtemps réclamées, arrivent après des mois de sacrifices. Elles traduisent une prise de conscience tardive de l’État face à l’ampleur du drame vécu par ces travailleurs.

Une amélioration soudaine de l’approvisionnement

Ces derniers jours, les stations-service de Bamako se remplissent à nouveau. Les longues files d’attente appartiennent au passé, du moins temporairement.

Plusieurs sources bien informées évoquent l’existence d’une trêve officieuse entre le gouvernement malien et les groupes jihadistes. Aucun communiqué officiel, bien sûr. Mais l’accalmie est palpable.

Est-ce le prix de la paix dans la capitale ? Une pause tactique des jihadistes ? Ou les fruits d’une négociation discrète ? Les réponses restent floues, mais le carburant coule à nouveau.

Que nous dit cet hommage sur l’état du Mali aujourd’hui ?

Décorer des civils tués au travail, c’est reconnaître que la guerre a envahi le quotidien le plus banal. Transporter de l’essence devient un acte de bravoure nationale.

Cette cérémonie traduit aussi la fragilité d’un État qui dépend, pour sa survie élémentaire, du courage d’hommes ordinaires. Derrière les médailles, il y a des veuves, des orphelins, des familles brisées.

Et pendant ce temps, la menace jihadiste reste intacte. Les blocus peuvent reprendre à tout moment. Les routes du Sahel demeurent des zones de mort.

En décorant ces chauffeurs, le Mali ne célèbre pas seulement des héros. Il admet, implicitement, que la sécurité du pays repose sur le sacrifice de ses citoyens les plus exposés.

Le « Lion Debout » sur la médaille symbolise la résistance. Mais pour combien de temps encore les Maliens devront-ils payer ce prix pour simplement faire tourner leurs véhicules, leurs hôpitaux, leurs générateurs ?

Au-delà de l’hommage, ces décorations posent une question brutale : jusqu’où un État peut-il demander à ses civils de mourir pour que la nation vive ?

Les 27 médailles remises à titre posthume ne ramèneront pas les disparus. Elles rappellent surtout que dans certaines régions du monde, aller travailler reste un acte de courage pur.

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