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Crise Allemande : L’Industrie en Chute Libre

L'Allemagne, autrefois locomotive de l'Europe, vit sa crise industrielle la plus grave depuis l'après-guerre. Quatrième année de baisse, usines à l'arrêt, dizaines de milliers d'emplois menacés… Et le gouvernement semble paralysé. Que se passe-t-il vraiment outre-Rhin ?

Imaginez le cœur battant de l’Europe qui s’arrête peu à peu. Des chaînes de montage figées, des halls immenses où plus aucun robot ne bouge, des parkings d’usines déserts. Ce n’est pas un film dystopique : c’est l’Allemagne de cette fin 2025.

La pire crise industrielle depuis 1945

Les chiffres parlent d’eux-mêmes et ils font peur. La fédération des industries allemandes tire la sonnette d’alarme : l’économie traverse actuellement sa crise la plus profonde depuis l’après-guerre de la Seconde Guerre mondiale. Quatre années consécutives de baisse de la production industrielle. Ce n’est plus une simple récession passagère, c’est un décrochage structurel qui menace les fondations mêmes du modèle allemand.

Au troisième trimestre 2025, la production a encore chuté de 0,9 % par rapport au trimestre précédent et de 1,2 % sur un an. Pour l’année entière, les industriels anticipent un recul de 2 %. Le produit intérieur brut, lui, devrait au mieux connaître une stagnation complète en 2025, après deux années de récession.

« L’économie allemande est en chute libre et pourtant le gouvernement ne réagit pas avec la détermination nécessaire »

Peter Leibinger, président de la BDI

Un secteur secondaire à l’agonie

Le constat est brutal : le secteur secondaire est à un plus bas dramatique. Les usines tournent au ralenti, certaines ferment définitivement leurs portes. Le modèle qui a fait la force de l’Allemagne pendant des décennies – exporter des produits haut de gamme fabriqués avec du gaz russe bon marché – appartient désormais au passé.

La pandémie, la guerre en Ukraine et l’explosion des prix de l’énergie ont porté un premier coup. Puis sont venues la concurrence chinoise sur les véhicules électriques, les droits de douane américains, le manque criant d’innovation dans certains domaines traditionnels. Chaque choc a un peu plus fragilisé la machine.

Aujourd’hui, même les fleurons historiques vacillent. Volkswagen prévoit de supprimer 35 000 emplois en Allemagne d’ici 2030, soit près de 30 % de ses effectifs nationaux. Dans l’automobile, 48 700 postes ont déjà disparu en un an (-6,3 %). La métallurgie perd 2,6 % de ses emplois sur un an et plus de 11 % depuis 2019.

Le gouvernement Merz sous le feu des critiques

Arrivé au pouvoir au printemps 2025 à la tête d’une coalition CDU-SPD particulièrement impopulaire, le chancelier Friedrich Merz peine à convaincre. Les industriels lui reprochent son inaction et son manque de vision claire pour relancer la compétitivité.

Certes, des mesures ont été prises : baisse de l’impôt sur les sociétés, nouvelle tarification de l’électricité pour les gros consommateurs, promesse de simplification administrative. Mais pour le patronat, cela reste largement insuffisant et surtout beaucoup trop lent.

« Chaque mois sans réformes structurelles résolues coûtera encore des emplois »

Le message est clair : il faut un véritable tournant dans la politique économique. Des priorités nettes pour la croissance et la compétitivité. Pas de demi-mesures.

Quand l’industrie chimique touche le fond

L’automobile n’est pas seule touchée. Quelques jours avant l’alerte du BDI, la fédération de l’industrie chimique et pharmaceutique tirait déjà la sonnette d’alarme : la production chimique est à son plus bas niveau depuis trente ans.

Les sites de production tournent à 75-80 % de leurs capacités seulement. Certains groupes envisagent même de déplacer des unités entières hors d’Allemagne, là où l’énergie reste abordable et les réglementations moins lourdes.

La défense, seule bouée de sauvetage ?

Dans ce tableau très sombre, un secteur fait figure d’exception : l’industrie de l’armement. Portée par des centaines de milliards d’euros d’investissements décidés après le déclenchement de la guerre en Ukraine, elle connaît une croissance spectaculaire.

Le ministre de la Défense Boris Pistorius et la ministre de l’Économie Katherina Reiche appellent désormais à renforcer les passerelles entre industrie civile et industrie de défense. L’idée : profiter des compétences de l’automobile (batteries, électronique de puissance, logiciels) pour développer les matériels militaires.

Mais peut-on vraiment sauver tout le tissu industriel allemand en misant uniquement sur les tanks et les obus ? La question mérite d’être posée.

Vers un modèle économique complètement nouveau ?

L’Allemagne se trouve à un tournant historique. Le modèle exportateur basé sur l’industrie lourde et l’énergie bon marché russe est mort. Il faut en inventer un nouveau, plus innovant, plus flexible, plus tourné vers les technologies d’avenir.

Mais le temps presse. Chaque mois perdu creuse un peu plus le fossé avec les concurrents. Les entreprises hésitent à investir. Les carnets de commandes se vident. Et surtout, des milliers de salariés qualifiés risquent de se retrouver sans emploi, avec des compétences difficiles à reconvertir ailleurs.

La locomotive européenne est en train de dérailler. Reste à savoir si le gouvernement Merz saura appuyer à temps sur le frein d’urgence et trouver la bonne direction pour la remettre sur les rails.

En résumé : L’Allemagne vit une désindustrialisation accélérée sans précédent en temps de paix. Production en chute pour la 4ᵉ année consécutive Emplois supprimés par dizaines de milliers Gouvernement accusé d’inaction et de lenteur Seul le secteur de la défense connaît une croissance forte

Le silence des machines dans les usines risque de durer encore longtemps. À moins d’un sursaut politique et économique rapide, l’Allemagne pourrait bien perdre définitivement son statut de première puissance industrielle européenne.

Et quand le moteur allemand tousse, c’est toute l’Europe qui s’enrhume.

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